Ports

Tema : le coût de l’extension portuaire

Lors d’une conférence de presse qui s’est déroulée le 12 novembre, à l’Institut Danquah, au Ghana, a souligné les risques pour la population locale de ne pas tirer avantage de la nouvelle expansion du port de Tema.

Le projet d’agrandissement du port de Tema a été démarré en 2017. Il s’agit pour l’opérateur du terminal à conteneurs du port ghanéen, Meridian Port Services, une co-entreprise entre les groupes Bolloré et APM Terminals, de créer, ex-nihilo, un nouveau terminal à conteneurs avec une capacité additionnelle de 1MEVP. Il dotera le port d’un quai supplémentaire de 1,4 km, avec quatre postes à quai, pour une profondeur de 16 m. Ce projet doit aussi intégrer un terminal ferroviaire sur le port. Ce projet a demandé un investissement de 1,5 Md$ dont les deux tiers ont été financés par l’opérateur portuaire.

Le Ghana enregistre des taux de croissance de sa population impressionnant. Le projet de ce nouveau terminal doit permettre aux ghanéens de disposer d’un port compétitif pour répondre à la demande grandissante. Or, dans une conférence de presse tenue par l’Institut Danquah, ce projet n’est pas aussi bénéfique pour la population locale. L’institut ghanéen a rappelé que ce projet date de 2015 quand l’autorité portuaire nationale du Ghana a décidé d’étendre les capacités portuaires. « Le plan original de la GPHA (Ghana Port Harbour Authority) était de prévoir deux appels d’offre. L’un pour la construction et l’autre pour la gestion de ce nouveau terminal. Une décision prise à l’unanimité par la direction et le conseil de GPHA dans le but de défendre les intérêts des ghanéens », a indiqué le porte-parole de l’Institut Danquah. Une cinquantaine de sociétés ont postulé pour la construction de ce terminal. Les grands noms des travaux portuaires se sont rangés sur les rangs à l’image de la société CHEC, des néerlandaises Jan VanOord et Jan de Null mais aussi de Boskalis. L’appel d’offres pour la gestion du terminal aurait reçu, selon l’institut ghanéen, une quinzaine de réponses. « Curieusement, Meridian Port Services n’a pas participé aux appels d’offres. Les deux sociétés, Bolloré et APM Terminals ont concouru seules pour cet appel d’offres, continue le porte-parole.Au cours de ces appels d’offre, le précédent président de la république du Ghana, John Mahama, a mis un terme à ce processus de désignation par une directive. Outre le fait que cette directive contrevienne aux règles d’un appel d’offres public, elle a aussi sévèrement empêché la GPHA de négocier en toute liberté avec les opérateurs et dans l’intérêt des ghanéens », a continué le porte-parole de l’institut Danquah. «Une décision qui lie les intérêts économiques des ghanéens à Meridian Port Services et ses actionnaires étrangers pour une génération. » Et l’institut va plus loin en critiquant deux points de cet accord. En premier lieu, explique l’Institut, selon une règle imposée par le régime de protection des investissements au Ghana, l’autorité portuaire nationale doit prévenir contre toute construction d’un terminal à conteneurs dans un rayon de 20 miles nautiques autour du port de Tema. Ainsi, selon cette clause, la GPHA ne pourrait contracter avec une société pour créer un nouveau terminal. Le second point discuté concerne les revenus générés par le secteur de la conteneurisation au Ghana. Selon l’Institut Danquah, les opérations conteneurisées au Ghana rapportent chaque année 97,2 M$ qui reviendront désormais à l’opérateur. Ainsi, le contrat d’extension du terminal à conteneurs entre la GPHA et MPS pourrait annihile toute velléité de concurrence dans ce secteur. « Les autres sociétés de manutention et d’une manière plus générale les ghanéens se trouvent dans une situation compliquée », continue l’Institut Danquah.

Des revenus amputés pour l’État

Il apparaît que la réalisation dans les termes prévus par le contrat entre MPS et la GPHA aura des effets que l’institut détaille. En premier lieu, les autorités ghanéennes vont perdre 72% des revenus attendus par la construction d’un nouveau terminal à conteneurs, soit, sur la durée du contrat quelque 2Md$. Ensuite, l’institut estime à environ 1400 personnes employés par la GPHA qui vont perdre leur emploi, « sans prendre en compte les employés dans les autres sociétés qui dépendent de l’autorité portuaire nationale ». De plus, le trafic conteneurs géré par la GPHA et les autres sociétés de manutention pourraient perdre jusqu’à 60% de leur volume, qui passerait entre les mains de MPS. Par ailleurs, les revenus des autres sociétés de manutention vont être amputé de 60% passant de 10,6 Md$ à 4,2 Md$. Il en sera de même pour les revenus des sociétés en charge des opérations conteneurisées sur les terminaux. De même, les « royalties » provenant des opérations de MPS vont perdre 73,6% à 6,5 M$. Les revenus tirés de la location de baux pour l’occupation du terminal n’existeront plus. Ensuite, les revenus tirés des opérations de MPS sur les droits de ports vont être diminué de 90% à 2,9 M$. Enfin, et surtout, comme l’indique le rapport de l’institut Danquah, MPS pourra appliquer des hausses de tarif ou de nouvelles charges sans consulter l’autorité portuaire nationale. « Cela conduira à une hausse du prix des produits de première nécessité ».

La société chinoise ZPMC a chargé début novembre les portiques et les cavaliers destinés au nouveau terminal à conteneurs de Tema. © Citinewsroom

Un plaidoyer à charge qui ne prend pas en compte les différents éléments que MPS pourra apporter au pays avec un terminal supplémentaire, notamment en matière de revenus fiscaux et de compétitivité pour les produits.

L’institut Danquah demande que soient entendus les différents arguments avancés au cours de leur étude. Il en appelle à une meilleure approche dans les négociations et les contrats pour que le Ghana conserve son attrait pour les investisseurs étrangers sans que cela soit fait au détriment des intérêts de la population. « Toutes les parties de cet accord pour le terminal à conteneurs devraient s’asseoir autour de la table pour réexaminer les termes. Ce contrat doit assurer des bénéfices économiques à toutes les parties. Sans action accord des parties, l’Institut Danquah portera l’affaire devant les tribunaux. », a conclu le porte-parole de l’Institut. Une procédure qui aura aussi pour effet de créer une insécurité juridique pour les prochains investisseurs si l’l’action devait suivre les conclusions de l’institut.