Politique

L’Aquarius : chronique d’un rêve brisé

Le président de SOS Méditerranée, l’affréteur de l’Aquarius, est venu témoigner, lors de la réunion mensuelle du Propeller Club de Paris, de la situation de l’association. Si l’Aquarius est actuellement en cours de démontage,SOS Méditerranée ne désespère pas pouvoir repartir en mer dès les premiers mois de 2019.

« L’Aquarius a sauvé quelques 30 000 personnes », a commencé parrappeler Francis Vallat, le président de SOS Méditerranée lors de sa présentation devant le Propeller Club de Paris. Des personnes qui quittent la Libye pour tenter d’entrer en Europe. « Toutes les femmes ont été violées quand elles se trouvaient en Libye. Les hommes ont été asservis en esclavage. Quand les sauveteurs les récupèrent en mer, ces hommes sont blessés soit des suites de tortures soit et en plus par les conditions de voyage ». Francis Vallat ne veut pas faire de misérabilisme mais « c’est le moyen d’arriver à faire parler de nous et c’est surtout la réalité quotidienne de nos sauveteurs ». Et ces personnes qui s’embarquent sur des canots peuvent être classés en trois catégories. La première, précise le président de SOS Méditerranée, est constituée par les hommes et femmes qui se trouvaient en Libye quand les européens ont décidé de s’en prendre au régime du Colonel Kadhafi. « Ils se sont trouvés piégés. Ils étaient un million et ont voulu s’enfuir ». La seconde catégorie de personnes qui sont secourues sont des réfugiés qui fuient la guerre dans leur pays qu’il s’agisse de Syriens, de Nigérians ou d’autres pays. La dernière catégorie de personnes est composée des réfugiés économiques. Et le président de SOS Méditerranée raconte l’histoire de ce guinéen qui dispose d’un bac +7 et qui pour des raisons diverses se retrouve coursier puis n’a plus de courses et donc quitte son pays pour aller« chercher de l’argent ».

Après avoir, pendant trois années,porté secours aux migrants en mer, l’Aquarius est bloqué au port de Marseille depuis plusieurs semaines. Les deux organisations,SOS Méditerranée et Médecins Sans Frontières (MSF), qui ont géré le navire pendant 34 mois ont dû poser sac à terre. Le navire est actuellement en cours de démontage pour le rendre à son armateur sans les installations prévues pour le sauvetage. Une décision quia été difficile à prendre. « Suite aux multiples manœuvres politiques le privant par deux fois de son pavillon (Gibraltar puis Panama), l’Aquarius est à quai à Marseille dans l’impossibilité de repartir. Nous avons appris quela Suisse n’offrirait pas son pavillon au navire malgré le soutien de nombreux citoyens. L’Aquarius doit aujourd’hui répondre à des accusations disproportionnées et infondées. Lundi 19 novembre, les autorités judiciaires italiennes ont demandé la mise sous séquestre du navire. A ce jour, le juge italien n’a pas activé une demande de coopération avec la France pour la mise en exécution de cette demande, mais l’acharnement dont ce bateau est la cible rend très difficile son utilisation dans le cadre de notre mission à court et long terme, et nous contraint ànous en séparer »,indique un texte de SOS Méditerranée et MSF daté du 8 décembre.

Si le rêve porté par l’Aquarius s’est brisé, les deux ONG veulent continuer leur combat et continuer à défendre « les valeurs républicaines, humanistes, chrétiennes ou que sais-je qui visent à porter assistance en mer à toute personne en danger »,a rappelé le président de SOS Méditerranée qui ajoute « laisser couler les migrants c’est laisser couler nos valeurs ». Pour le président reprendre l’Aquarius serait une erreur. Le navire est devenu un symbole. Des procédures par un procureur italien mettrait le navire en situation difficile.De plus, l’armateur de l’Aquarius a toujours refusé d’avoir un pavillon qui ne soit pas sur la White List du Memorandum de Paris.« Même si j’ai toujours lutté pour des pavillons sûrs, nous serions prêts à prendre n’importe quel pavillon, dès lors que le navire peut prendre la mer. »Une déclaration qui dans la bouche de Francis Vallat prend toute sonimportance en raison du combat qu’il a mené pour la sécurité maritime mais, nous a-t-il précisé, « iln’y a pas de mauvais pavillon il y a seulement des armateurs voyous ».

Alors que chaque jour, des personnes tentent de fuir la Libye pour échapper aux violences physiques, le président de SOS Méditerranée refuse d’entrer dans un débat politique. « Notre rôle est de sauver. Au sein même de notre organisation nous avons des affinités politiques différentes. Il n’est pas certain que nous ayons un discours unique mais surtout ce n’est pas notre rôle. Notre souhait est que nous puissions retourner en mer et reprendre notre assistance. »