Politique

Armateurs de France : l’environnement au cœur du second Maritime Day

Lors du deuxième Shipping Day, Armateurs de France a réuni le 9 avril, à l’Assemblée nationale, les professionnels du maritime. Une journée consacrée en priorité à l’environnement.

Pas de revendications fortes lors du deuxième Shipping Day organisé par Armateurs de France, ou du moins quelques demandes mais plus feutrées. Une réunion que l’organisation patronale a voulu sous le signe de l’environnement. Si la France n’a qu’un poids faible dans le monde du transport maritime, elle représente 0,3% de la flotte mondiale, les armateurs nationaux se veulent en pointe des innovations environnementales. Le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, a ouvert cette deuxième édition du Maritime Day, qui se déroulait dans les locaux de l’Assemblée nationale, en se déclarant un fervent défenseur des causes des armateurs. « La France demeure une nation maritime qui s’ignore », a commencé le président de l’Assemblée. Et pour aller dans le sens du thème choisi, il a rappelé que « le transport maritime produit cinq fois moins de gaz à effet de serre que la route et 13 fois moins que l’aérien ». Autant d’arguments pour faire de ce mode celui de la transition écologique voulue par le gouvernement. Alors, les contraintes environnementales qui pèsent sur les armateurs ne sont pas inutiles, a continué Richard Ferrand. Jan Hoffman, rédacteur de la revue « Transport maritime » de la Cnuced, a continué dans cette veine. Les préoccupations environnementales prennent de plus en plus d’importance. « Déjà nous payons les conséquences du dérèglement climatique avec les catastrophes naturelles qui surviennent régulièrement ». Il est venu défendre la stratégie des armateurs de disposer de navires de plus en plus grands. Les émissions d’un porte-conteneurs de 25 000 EVP sont moindres que de deux unités de 10 000 EVP. C’est une réduction de 30% des émissions de gaz à effets de serre, assure Jan Hoffman. Et Pierre Cariou, professeur à Kedge Business School et à l’université de Shanghai et de Dalian, est venu enfoncer le clou en rappelant qu’il ne s’agit plus de savoir s’il faut réduire les émissions mais de quelle façon atteindre ce but. Ces solutions existent. Jacques Gérault, conseiller institutionnel de CMA CGM a rappelé les dernières innovations réalisées par le groupe marseillais. Après avoir commandé cinq navires propulsés au GNL, une commande pour cinq nouvelles unités a été signée lors du déplacement du premier Ministre chinois, Xi Jinping, en France, avec le président du groupe Rodolphe Saadé et en présence du président de la République, Emmanuel Macron. D’autres initiatives ont été prises comme la mise en place de scrubbers sur 20 navires en 2019, 32 en 2020 et 21 en 2021. D’autres navires seront propulsées par diesel et par fuel lourd. Enfin, un premier test a été réalisé avec le groupe suédois Ikea. L’idée est de propulsé un navire avec des déchets de bois et des huiles usagées. « Nous réduisons de 90% nos émissions de CO2 dans cette hypothèse ». Il faudra attendre plusieurs semaines avant de savoir si ce projet peut être déployé sur une plus grande échelle. « Il existe des solutions », a conclu le responsable institutionnel du groupe marseillais.

Recycler les stocks de fuel lourd

Des solutions qui ne sont pas sans contre effets. Pour Philippe Louis-Dreyfus, président du conseil de surveillance de Louis Dreyfus Armateurs, les scrubbers « ont permis de recycler tous les stocks de fuel lourd que les raffineurs ont accumulé ». Quant à l’utilisation du GNL, la solution doit s’accompagner de la mise en service de station d’alimentation. Jacques Gérault, du groupe CMA CGM, a indiqué avoir déposé récemment une demande de subvention auprès des institutions européennes pour devenir un souteur régional en GNL. « Ces solutions sont des alternatives intermédiaires. La flotte mondiale des 85 000 navires ne pourra être modifiée en quelque mois. Et la solution terminale, nous ne la connaissons probablement pas encore », a indiqué Carl-Johan Hagman, président directeur général de Stena Rederi.

Dans un futur plus immédiat, Armateurs de France et le gouvernement français se sont associés pour plaider en faveur d’une réduction de 10% de la vitesse des navires. Une étude menée sous l’initiative de Louis Dreyfus Armateurs et réalisée par des étudiants de Kedge Business School démontre que ce ralentissement implique une réduction de 30% des émissions de CO2. Le 17 janvier, le président de la République a accepté de porter cette proposition. Pour les armateurs opérant dans les vracs solides et liquides, cette réduction de la vitesse n’aurait pas forcément des effets sur l’économie mondiale. Il est plus difficile de percevoir les effets pour les armateurs conteneurisés. « Nous avons besoin d’être présents régulièrement dans des ports. Si nous réduisons la vitesse des navires cela signifie que nous devrons augmenter le nombre de navires ce qui, environnementalement parlant, serait contre productif », a souligné Jacques Gérault. Jean-Marc Roué, président d’Armateurs de France a rappelé que « c’est une mesure qui pourrait être rapidement appliquée et qui ne nécessite pas d’investissements technologiques coûteux. Elle permettra en plus de peser sur une augmentation du coût du transport maritime prévisible du fait de la réglementation Global Cap 2020. L’État et Armateurs de France ont donc travaillé, main dans la main, pour aboutir à une proposition de mise en place immédiate d’une régulation de la vitesse des navires de vracs. Cette mesure sera présentée lors de la prochaine session de négociations de de l’Organisation maritime internationale au mois de mai à Londres. Philippe Louis-Dreyfus l’a lui-même rappelé en déclarant que cette question du slow steaming est pour lui un « combat personnel défendu, contre vents et marées, depuis plusieurs années. »

Toutes ces solutions doivent néanmoins entrer dans le cadre d’un programme de recherche et de développement. « Il est important que l’Union européenne ne loupe pas le coche. Elle doit accompagner les armateurs dans la transformation énergétique de leur flotte », s’est empressé d’ajouter Jacques Gérault. Pour la députée de Gironde, Sophie Panonacle, le mix entre les différentes solutions, l’utilisation du GNL, des bio-carburants et la réduction de la vitesse, offre des alternatives intéressantes que l’Europe doit accompagner. « Il serait difficilement acceptable de voir un refus des autorités de la concurrence de Bruxelles pour des aides à la recherche quand certains pays aident directement leur flotte maritime ». Et la députée d’ajouter, « nous ne devons pas reproduire en mer les erreurs que nous avons fait à terre » pensant aux problèmes de pollution des sols.