Ports

Guyane : Les projets ambitieux et réalistes du port

Le Grand port maritime de la Guyane a connu une année 2018 plus encourageante avec une reprise de ses trafics. L’année en cours s’annonce comme un palier. Face à sa situation nautique, le président du directoire du GPM nous détaille les projets pour les années à venir.

L’année en cours devrait se terminer sur une stabilité du trafic par rapport à 2018. Un chiffre qui reste malgré tout honorable. Le port a subit, en 2017, la crise sociale qui a secoué le pays pendant deux mois. Les blocages des routes et de différents établissements a porté un coup dur aux trafics portuaires. « Nous avons perdu presque deux mois de trafic pendant cette année là, explique Philippe Lemoine, président du directoire du GPM de la Guyane. Si nous prenons en année de référence 2016, nous constatons que les trafics reviennent peu à peu ».
Le trafic guyanais est principalement tiré par la consommation locale. « Nous enregistrons une bonne progression démographique avec une croissance de 2,5% de la population chaque année ». Il s’agit pour le port du moteur de sa croissance. Autre élément qui joue en faveur du port, la commande publique permet d’attirer des trafics. « Il est difficile de faire la part entre la commande publique et la consommation des ménages sur nos trafics mais ces deux éléments constituent la base de notre croissance. » Ainsi, après la crise sociale de 2017, les trafics du GPM de la Guyane s’inscrivent dans une tendance de croissance à long terme, « même si nous subissons certaines années des variations, la tendance à long terme reste sur une tendance positive ». L’année 2018 a été celle du rattrapage des suites du mouvement social avec en plus la construction de l’hôpital de Saint Laurent et des travaux sur le pas de tir de Kourou. Cette année, la fin de ces travaux a entraîné une diminution de la commande publique.

Restructurer le quai et le terre-plein

Dans ce contexte de croissance, le Grand port maritime réfléchit à s’adapter pour faire face à la croissance. Le projet d’allongement du quai 1 a été différé, nous a confié le président du directoire. « Nous avons voulu donner la priorité à la modernisation du terminal par l’acquisition de nouvelles grues combinée avec une meilleure organisation du terre-plein. » Le port va se porter acquéreur de grues sur rail, « plutôt que de grues sur pneus dont la productivité est inférieure ». Des engins qui sont attendus pour la fin de 2020. Aujourd’hui la manutention des conteneurs se réalise essentiellement avec les grues de bord. Avant même d’avoir réceptionné ces grues, le personnel se forme actuellement avec ceux du GPM de Bordeaux. « C’est un travail commun avec les manutentionnaires. Les grues ont été acquises par l’autorité portuaire. Nous assurerons la maintenance ». Les grutiers sont intégrés dans les sociétés de manutention.

Par ailleurs, en inspectant l’état des quais, le GPM de la Guyane a découvert des failles dans le quai 3 et le poste Roro. Des travaux sont nécessaires. Le port réfléchit alors à un allongement du quai actuel pour se donner une longueur de 600 m linéaires en déplaçant le poste roulier vers l’aval. Des ouvrages qui pourront lui permettra d’accueillir deux navires porte-conteneurs et un roulier simultanément. « Ces opérations sont prévues pour la fin du projet stratégique actuel qui s’étend de 2019 à 2023 », indique Philippe Lemoine.
Actuellement, le trafic en importation de la Guyane provient à 90% de la métropole. Parce qu’il est assuré qu’il existe un potentiel de développement des trafics régionaux, le président du directoire du GPM Guyane a fait réaliser une étude sur un projet de cabotage local. Une étude sur le transport maritime à courte distance entre les ports de Belem au Brésil et de Georgetown (Guyana) avec des liens possibles sur les Antilles. Le cabinet d’audit qui a réalisé cette étude a identifié un potentiel de 100 000 t qui pourrait rapidement doubler. Des produits comme la viande du Brésil, le riz de Guyane ou les échanges avec la Martinique pourrait doper cette ligne. Il reste maintenant à trouver un armement. « Nous la tenons à disposition des armateurs qui veulent se pencher sur le sujet et réfléchir avec nous au développement de cette ligne », indique Philippe Lemoine. Selon le président du directoire, des navires du type multipurpose seront nécessaires. Ils doivent être en capacité de charger des conteneurs, du roulier mais aussi du conventionnel. Et tout naturellement, c’est du côté de la Morbihannaise de Navigation que le président regarde avec ses navires affectés actuellement aux trafics pour le compte de l’armée. Sans dévoiler les contacts qu’il a eu avec les armements, Philippe Lemoine imagine que cette ligne pourrait se réaliser avec des navires du type MN-Toucan ou MN-Colibri. La prochaine phase sera de lancer un AMI (Appel à manifestation d’intérêts) pour trouver des opérateurs. « Une opération dans laquelle ni la Collectivité territoriale de la Guyane ni le port ne mettront de financement. Nous apportons l’étude et réfléchissons avec un opérateur afin de donner des conditions au démarrage ». Il reste encore quelques points à éclaircir. Si cette ligne doit se faire avec des produits alimentaires, la Guyane ne dispose pas de poste d’inspection frontalière phytosanitaire ni vétérinaire. Un projet de création d’un tel poste existe qui aurait en plus un agrément européen. Seul obstacle à franchir le financement : il en coûterait 6M€ dont 2M€ uniquement pour les fondations, « en raison de la qualité du terrain de notre port ». Un projet qui constitue pour le département une nécessité pour pouvoir s’ouvrir sur les pays voisins. Le projet avance malgré tout. D’ores et déjà, l’État a accepté d’allouer 2,3M€ à ce poste. Il reste 3,7M€ à trouver. Le Feder, géré par la Collectivité territoriale de Guyane, a rétorqué que ce projet n’étant pas inscrit dans le programme il sera difficile de le financer sur l’enveloppe actuelle. Néanmoins, le permis de construire est en cours et la maîtrise d’œuvre est attendue pour les prochaines semaines. « L’idéal serait de pouvoir commencer les travaux à l’été 2020 pour disposer de ce poste un an plus tard, à l’été 2021 », continue Philippe Lemoine. L’importance de disposer de ce poste d’inspection frontalière s’inscrit aussi dans la volonté de la CTG de vouloir augmenter son taux de couverture de son alimentation. Ainsi, aujourd’hui le département produit 10% de sa couverture en viande avec la volonté par la CTG d’atteindre 30% en 2030. Pour ce faire, les besoins en importation d’aliments pour bétail grandirait. « C’est un cercle vertueux avec un effet de masse qui serait pour le département une ouverture mais aussi un élément essentiel pour la France ».

La Pomu, un projet pour le Plateau de Guyane

Des projets le GPM de la Guyane en a beaucoup. Celui proposé depuis quelques années de construire sur le plateau continental une plateforme offshore multi-usage (POMU) n’est pas enterrée. « Cette infrastructure se fera parce qu’elle est indispensable pour le plateau de la Guyane », affirme le président du directoire. Le terme d’achèvement de ce projet pourrait se situer aux environs de 2030 mais répond à un besoin de tous les ports de la région. En effet, pour chaque port le tirant d’eau et les coûts de dragage sont importants en raison des fonds marins. « Il s’agirait de créer un petit hub pour les pays du plateau guyanais ». Deux options s’offrent à ce projet. Celui d’une plateforme posée sur le fond avec un tirant d’eau de 15 m ou celui d’une installation flottante avec 50m de tirant d’eau. La solution d’une plateforme posée sur le fond semble avoir les préférences de certains élus locaux. Elle pourrait être située dans la ZEE française. Outre son activité pour faire du transbordement avec les pays du plateau guyanais, la Pomu pourrait accueillir d’autres activités comme une ferme aquacole. « Cette dernière se situerait autour de la Pomu mais à quelques miles afin d’éviter des perturbations pour toutes les activités ». L’avantage de poser cette installation au large de la Guyane tient à ses conditions climatiques. Le peu de gros coups de vent comme il peut en exister dans les autres pays, l’absence de séisme et de cyclone lui donnent des conditions favorables. « Il reste maintenant à réaliser des études techniques et juridiques de ce projet ». Quant au coût, il est estimé à 1,5Md€ qui pourrait se faire à 75% par le plan Juncker européen et 25% par le privé. Les Guyanais regardent avec attention ce projet mais le temps de l’action va bientôt s’ouvrir si la Guyane ne veut pas se faire doubler par le Guyana.