Céréales : la logistique devient le nerf de la guerre
FranceAgriMer a tenu son conseil spécialisé grandes cultures le 13 avril. Les échanges de céréales françaises restent sur une tendance positive par rapport à la précédente campagne. Le conflit entre l’Ukraine et la Russie créé des tensions sur le marché que la logistique tente de résoudre.
En France, le bilan céréalier reste sur une tendance positive. Les exportations de blé tendre vers les pays tiers devraient atteindre 9,5 Mt sur cette campagne, soit une progression de 28% par rapport à la campagne précédente. Le conflit ukrainien a amené des pays de l’UE à venir s’approvisionner sur le marché national. Les échanges avec les pays membres de l’UE sont estimés à 8,05 Mt, en hausse de 32% par rapport à la campagne précédente. Des flux qui sont destinés notamment au nord du continent et aux pays de la péninsule ibérique.
Orges : hausse des exportations vers les pays tiers
Du côté des orges, la demande augmente en cette fin de campagne. Les exportations connaissent une hausse surtout vers les pays tiers. Elles devraient atteindre 3,4 Mt en fin de campagne, soit en progression de 6% par rapport à l’année précédente. Les échanges avec les pays de l’UE sont estimés à 2,6 Mt, en hausse de 9%. Enfin, le maïs devrait connaître une année riche avec des exportations à hauteur de 5,1 Mt vers les pays de l’UE, en augmentation de 27%, et de 600 000 t vers les pays tiers, des volumes en hausse de 27%.
L’Algérie et la Chine principaux clients français
Avec le conflit entre l’Ukraine et la Russie, la question du retour en force des pays du Maghreb sur le marché français peut revenir. Aujourd’hui les principaux acheteurs sur le marché national restent l’Algérie et la Chine avec aussi un retour du Maroc sur les marchés internationaux.
Surveiller les aléas climatiques
Pour le président du conseil spécialisé grandes céréales de FranceAgriMer, Benoît Piétrement, il faut être attentif aux conditions climatiques des pays producteurs dans les prochaines semaines. « Dès lors que nous observerons une baisse de production dans les autres pays, nous pouvons craindre des émeutes. Lors des précédents événements contre la faim, le prix du blé était à 250$/t. Il atteint aujourd’hui plus de 350 $/t voire plus de 400$/t en France. »
Le conflit en Ukraine pèse dans les échanges
Outre les conditions climatiques des pays producteurs, la situation du conflit entre la Russie et l’Ukraine pèse toujours lourdement dans les échanges internationaux de céréales. Lors du conseil spécialisé de FranceAgriMer, les experts ont tenté de dresser un tableau de la situation, qui reste malgré tout sujette à des évolutions rapides et importantes.
La Russie a exporté 20% de blé en moins
Parmi les principaux exportateurs de blé tendre, la Russie affiche une baisse de ses expéditions. Selon le FSI Center for Quality Assurance, sur les neufs mois de campagne, la Russie a exporté 28,2 Mt, soit 20% de moins que la précédente campagne. Selon la direction des marchés céréaliers de FranceAgriMer, le port russe de Novorosyisk demeure en activité.
L’Ukraine utilise l’alternative ferroviaire
De son côté, l’Ukraine assure encore des expéditions. Les céréales ukrainiennes utilisent d’autres schémas logistiques que ses ports nationaux. En effet, en raison de mines découvertes dans les chenaux d’accès des ports, les ports ukrainiens ne reçoivent plus de navires. Pour vider une partie des stocks dans les silos, les Ukrainiens évacuent leurs céréales par voie ferroviaire jusqu’en Roumanie et Bulgarie. Elles sont ensuite chargées dans les ports de Constanta et Burga pour rejoindre leur destination finale.
Un trafic ferroviaire de 1 Mt par mois
Cette alternative ferroviaire, notamment vers la Roumanie, n’est pas simple. Les écartements de rail entre l’Ukraine et la Roumanie sont différents et obligent à un transbordement lors du franchissement de la frontière. De plus, ces trains ont des capacités limitées. Selon Marc Zribi, chef de l’unité grains et sucre de FranceAgriMer, le trafic maximum ferroviaire en sortie d’Ukraine est estimé à 1Mt. L’Ukraine exportait 6 Mt par mois avant le conflit avec la Russie.
Oléagineux : les conséquences de la fermeture des usines de trituration
Le conflit en Ukraine pèse aussi lourdement sur les échanges d’oléagineux. Avant le conflit, l’Ukraine et la Russie pesaient environ 90% du marché mondial de l’huile de tournesol et de tourteaux dans le monde. Les opérateurs tentent de trouver des alternatives mais sont confrontés à des difficultés d’approvisionnement. La fermeture des usines de trituration en Ukraine et les interdictions de commercer avec la Russie impactent les échanges de cette filière.
L’Ukraine a expédié une grande partie de son colza
Pour faire face, les industriels se tournent vers l’huile de colza. Les deux belligérants représentent, en cumul, 20% des exportations de colza dans le monde et 15% des expéditions d’huile de colza. Une grande partie du colza ukrainien a été expédié avant le conflit. Quant à la Russie, sur les six premiers mois de la campagne, les expéditions ont été en baisse. Selon les experts, les exportations d’huile et de tourteaux de soja devraient se maintenir cette année.
Huile de colza : des prix records
Dans ces conditions de marché, l’huile de colza a atteint des sommets le 22 mars. La tonne d’huile de colza se négocie à 2 275 $ aux Pays-Bas. De plus, la difficulté de s’approvisionner en huile de tournesol a amené les fabricants de bio-carburants en Indonésie à se tourner vers l’huile de palme pour leur fabrication. Le pays se retrouve dans une situation de pénurie d’huile de palme sur son marché intérieur.
Inciter les importations par des mesures fiscales
Pour faire front à l’absence d’huile végétale, des pays comme le Bengladesh baissent le taux de TVA, d’autres, comme le Pakistan réduisent les taxes à l’importation, quand d’autres à l’image de l’Inde se tournent soit vers le colza soit vers l’huile de soja pour faire face à la pénurie d’huile de tournesol et de palme.
Le riz, l’effet collatéral du conflit en Ukraine
Enfin, le marché du riz est aussi impacté par le conflit. La hausse du prix du blé et du maïs incite les producteurs d’aliments pour bétail à utiliser du riz. Sur cette campagne, il est prévu de voir l’utilisation du riz progresser de 1% à 514 Mt. Les échanges de riz devraient pour leur part connaître un niveau record de la décennie avec 51 Mt. Cependant, en raison des coûts logistiques élevés, les exportateurs pourraient privilégier des expéditions vers des destinations de proximité pour réduire les coûts de transport.