Céréales : quand géopolitique et logistique jouent les trouble-fêtes
Le conseil spécialisé « Grandes cultures-marchés céréaliers », tenu le 11 mai, a souligné la baisse des achats chinois sur le marché français faisant reculer les exportations de blé français vers les pays tiers.
Les céréales françaises n’ont plus la côte sur les marchés internationaux. Dans son analyse de marché du 11 mai, le Conseil spécialisé grandes cultures a estimé que les prévisions d’exportations de blé tendre vers les pays tiers sont en baisse. L’autorité française des céréales estime les volumes du blé tendre à 9,25 Mt en mai, soit une baisse de 2,6% par rapport au mois dernier.
La Chine s’absente
Plusieurs éléments expliquent cette situation. En premier lieu, la Chine a décidé de ralentir ses importations en raison du confinement imposé localement. Ces mesures bloquent un certain nombre de ports et empêchent les opérations logistiques. Pour éviter l’engorgement, le gouvernement chinois se retire quelque peu du marché international.
Des blés chers
Autre facteur de cette baisse, la cherté des prix des blés. Le prix du blé a atteint 418€/t le 27 avril et se situe aux alentours de 406€/t le 6 mai. Des prix qui limitent les capacités d’achat de certains pays. Néanmoins, d’une campagne à l’autre, les exportations de blé tendre vers les pays tiers sont estimées en progression de 27%.
Baisse des exportations d’orges
Du côté des orges, la situation est presque identique. Les exportations vers les pays tiers sont prévues en baisse de 0,9% à 3,4 Mt. Les expéditions vers les pays de l’Union européenne devraient, pour leur part, progresser de 0,6% à 2,7 Mt. Avec 6,1 Mt prévues à l’exportation, les orges restent en hausse d’une campagne à l’autre de 7%.
Une position d’attente
Des données qui cadrent mal avec la situation géopolitique mondiale actuelle. L’embargo des céréales russes et la difficulté de l’Ukraine à exporter ses céréales devraient au contraire permettre au marché français de se placer sur le marché mondial. Or, la hausse des prix des matières premières incite certains pays à adopter une position attentiste pour acheter des produits.
Baisse drastique des exportations ukrainiennes
En effet, en Ukraine, les expéditions de céréales sont revues à la baisse. Le total des exportations de céréales sont prévues, selon le ministère de l’Agriculture ukrainien à 46 Mt sur l’ensemble de la campagne. Pour le seul mois de mai, l’Ukraine devrait exporter 132 000 t de céréales (blé, maïs et orges) contre environ 20 Mt sur la moyenne des cinq dernières années.
Jouer avec les alternatives
Le conflit en Ukraine pèse sur les schémas logistiques du pays. Les bombardements des ports céréaliers, comme Odessa et Mykolaev, empêchent le pays d’exporter ses céréales. La solution trouvée vise à envoyer les céréales dans des pays de l’Union européenne pour exporter les produits. En Mer noire, la Roumanie, avec le port de Constanta joue un rôle crucial mais reste limité.
Trouver des solutions au nord
Au cours des semaines passées, les exportateurs ukrainiens se sont tournés vers le nord de l’UE pour acheminer leurs produits. Les terminaux céréaliers de Gdansk, Gdynia, Klaipeda (Lituanie), Liepaja et Ventspils (Lettonie) offrent des alternatives mais avec des capacités de chargement réduites par rapport aux terminaux du sud de l’Europe.
Russie : hausse des exportations
Les difficultés logistiques en Ukraine n’affectent pas les capacités d’exportation de la Russie. Avec 39 Mt prévues à l’exportation de blé au cours de la campagne, soit une hausse de 2,6%, la Russie continue sa percée sur les marchés internationaux. Quant au maïs russe, si les exportations sont prévues en légère baisse en avril à 4 Mt, il devrait malgré tout rester à un niveau supérieur à celui de la campagne précédente.
L’Inde joue à cache-cache
Et pour aggraver la situation, l’Inde a soudainement opéré un revirement à 180° de sa politique d’exportation. Après avoir annoncé pouvoir exporter plusieurs millions de tonnes de blé, en surplus des besoins de la population locale, le gouvernement indien a décidé, le 13 mai, de faire machine arrière. La raison invoquée par New Dehli vient des conditions climatiques de mars qui auraient mis à mal la croissance des blés plantés.