Chili, une bande de terre portuaire
De Arica à Puerto Montt en passant par San Antonio et Valparaiso, le Chili a développé une logistique portuaire pour alimenter son marché et exporter ses ressources minérales.
Du désert le plus aride de la planète, l’Atacama, aux glaces de l’Antarctiques, le Chili dispose d’une bande littorale de plus de 4200 km. Ce pays large de 350 km en moyenne, bordé par la cordillère des Andes, a développé un réseau portuaire important pour développer son commerce extérieur.
Un trafic annuel de 125,5 Mt

Au total, le Chili possède 59 ports de toutes sortes, depuis les ports de plaisance aux ports de commerce en passant par les ports de pêche. Sur ce total, une trentaine de ports publics et privés réalisent la quasi-totalité du trafic maritime international et national. Selon le rapport de la Chambre maritime et portuaire du Chili (Camport https://www.camport.cl), le trafic portuaire chilien s’est élevé à 125,5 Mt en 2021.
Des vracs solides pour moitié
La moitié du trafic portuaire chilien se réalise sur des trafics de vracs solides. Avec 61,4 Mt traitées en 2021, ce courant représente 49% du trafic global. Les marchandises générales, regroupant le conventionnel et les conteneurs, entrent pour 25%. Les vracs liquides comptent 20% de la masse globale de trafic. Dans son analyse annuelle des trafics, la Chambre maritime et portuaire du Chili met en évidence les trafics sous température dirigée. Ces flux pèsent 4,3% du trafic général chilien.
Un pays minier tourné vers le cuivre
Cette répartition des flux s’explique par l’économie du pays. Premier producteur de cuivre dans le monde, avec 5,6 Mt estimées en 2021, le Chili expédie sa production en vracs pour une grande partie ou en conteneurs quand il est partiellement transformé. Les mines de cuivre, notamment dans le nord du pays, ont besoin d’énergies pour extraire les minerais.
Des vracs liquides pour l’énergie
Alors, les ports du nord, à l’image du complexe portuaire de Mejillones, rassemblent une grande partie de ces flux. En effet, Mejillones rassemble 22,8% des trafics de vracs liquides chiliens avec 5,9 Mt. Le premier port de trafic de vracs liquides demeure celui de Talcahuano qui a traité 8,5 Mt de vracs liquides en 2021. Situé à proximité de la région de Bio Bio, tournée vers l’industrie minière et l’agriculture.
Conteneurs : une hausse de 2% en 2021
Enfin, le trafic conteneurisé chilien a progressé de 2% en 2021 à 4,2 MEVP sur l’ensemble du territoire. La grande particularité du trafic conteneurisé chilien est d’être relativement équilibré entre les entrées et les sorties. En entrée, en 2021, le trafic conteneurisé a pesé 1,85 MEVP quand il a été de 1,88 MEVP pour les exportations.
Une concentration des trafics à San Antonio et Valparaiso
Le centre du pays concentre la majorité des trafics conteneurisés. Les deux ports de San Antonio et de Valparaiso concentrent à eux deux 63% du trafic conteneurisé du pays. « La grande partie de la population se concentre dans cette région, ce qui explique l’importance de ces deux ports dans la conteneurisation », nous a confié Andrés Repetto, directeur des opérations du terminal à conteneurs de Valparaiso, Terminal Pacifico Sur.
Des terminaux détenus par des sociétés locales
Au Chili, les terminaux sont détenus majoritairement par des sociétés nationales. Ainsi, le terminal sud de Valparaiso est détenu par Netlume Ports, une filiale du groupe chilien Ultramar, et à 40% par Contug Terminals, une filiale de Terminal Investment Limited, structure spécialisée dans la manutention de l’armement MSC.
Les trafics vers Santiago réalisés à 70% par TPS et STI
L’opérateur du terminal de Valparaiso réalisé 30,2% du trafic conteneurisé vers la capitale du pays. La plus grande partie des trafics (47,4%) vers la capitale est réalisée par STI, l’opérateur du terminal de San Antonio. Un opérateur appartenant au groupe chilien SAAM en majorité et au groupe américain Stevedoring Services of America. Toujours dans le port de San Antonio, l’autre terminal à conteneurs est entre les mains de DP World. Il réalise 22,3% des trafics vers la région de la capitale. Enfin, TCVAL, appartenant précédemment à OHL avant d’être cédé à un fond de pension chilien, réalise le solde avec 0,1%.
La réforme constitutionnelle de 2000
L’ouverture des terminaux à des sociétés privées date du début du siècle. En 2000, une réforme constitutionnelle a créé les nouvelles autorités portuaires avec la possibilité pour les opérateurs privés d’investir dans des terminaux privés. La limite de l’exercice a été de réserver la majorité des terminaux aux sociétés chiliennes, avec une exception pour le terminal de DP World à San Antonio.
Une productivité élevée
Les perturbations logistiques qui affectent le monde de la conteneurisation ont un effet limité au Chili, « même si les taux d’occupation des terminaux est élevé », précise Andrés Repetto. Un impact faible en raison de la productivité élevée des terminaux, notamment sur Valparaiso. Le terminal TPS indique être parmi les plus productifs du monde sur son ratio entre superficie et trafic. Une réforme constitutionnelle est en cours qui impacte la croissance du pays. Néanmoins, dans le pays plusieurs projets de nouveaux terminaux sont dans les cartons.
Puerto Exterior : un projet à venir
Le plus important est celui dénommé Puerto Exterior (aussi appelé Puerto de Gran Escala, port de grande escale) dans le port de San Antonio. Ce projet devrait se dérouler en quatre phases avec une capacité de 1,5 MEVP pour chacune des phases. Il en est encore aux balbutiements. Les études d’engineering sont en cours. Quant aux études d’impact environnementales, elles n’ont toujours pas été dévoilées. Les travaux n’ont pas encore démarré, ni les attributions aux concessionnaires.
Valparaiso : un projet d’extension dans les cartons
L’autre principal projet du pays pour les terminaux à conteneurs concerne le port de Valparaiso. Il s’agirait d’étendre le terminal concédé récemment au fonds de pension chilien sur 700 m linéaires de quai. Or, cette extension a été refusée par les autorités environnementales locales. Le nouveau concessionnaire dispose de deux alternatives avec ce refus. Soit, il décide de se retirer du projet, soit il conserve son contrat de concession et revoit sa copie. Dans la première hypothèse, l’autorité portuaire pourrait alors lancer un nouvel appel d’offres pour cette concession pour une durée de quatre ans sans obligation de travaux avant de disposer d’un nouveau projet.
Combler une darse pour concurrencer San Antonio
Du côté de TPS, les évolutions de la situation sont analysées avec attention. Disposer de ce terminal permettrait d’agrandir les capacités du terminal actuel. Entre TPS et le terminal de TCVAL, une darse existe. Parmi les possibilités envisagées par TPS, il s’agirait de combler cette darse pour relier les deux terminaux avec un plus grand linéaire de quai. « L’objectif de TPS est de disposer des outils nécessaires pour concurrencer directement STI dans la desserte de Santiago », indique le directeur des opérations de TPS.
Dépasser la limite des navires de 356 m
Des travaux qui permettrait aussi de recevoir des navires de plus grande capacité. Jusqu’ici, les deux principaux ports de la capitale sont limités aux navires de 360 m de long et de 52 m de large. Une limitation qui est due en partie aux conditions nautiques. Sur cet aspect, le port de Valparaiso a une longueur d’avance. Le port est situé dans une baie protégée par les courants du sud. La jetée construite à l’entrée du port limite aussi les effets des vents du nord. Pour sa part le port de San Antonio reste plus ouvert aux vents et vagues. Finalement, Valparaiso a été fermé pendant 80 jours en 2021. Des arrêts qui se limitent à une heure ou deux sur la journée en raison du renforcement des vents ou des courants. L’autorité portuaire ferme le port dès que les vagues dépassent 1 m de hauteur. À San Antonio, le nombre de jours de fermeture a été plus important. Le port est fermé dès que les vagues atteignent 2 m.
Ferroviaire : le mode peine à se développer
Si le système portuaire conteneurisé se développe au Chili, l’intermodalité peine à favoriser les modes massifiés. Le ferroviaire reste bien en dessous de la route. « Un état de fait que les l’État et les sociétés privées souhaitent inverser dans une stratégie de transition écologique », souligne Andrés Repetto. Alors, à Valparaiso, le Terminal Pacifico Sur a mis en place les premières liaisons ferroviaires nocturnes entre le terminal et les ports intérieurs.
Antofagasta : l’exception qui confirme la règle
Parce qu’à toute règle il existe une exception, les ports d’Antofagasta, d’Angamos et de Mejillones ont réussi à développer des liaisons ferroviaires. Il s’agit principalement du transport de marchandises liquides importées dans ces ports qui partent ensuite vers les lieux de production des mines. Ces flux concernent surtout de l’acide phosphorique destinée à la production de concentré de cuivre.
Un manque d’investissements
Selon Andrés Repetto, deux raisons expliquent le peu d’entrain du ferroviaire. En premier lieu, l’état des infrastructures ferroviaires du pays manquent d’investissements. L’État ne dispose pas de l’ensemble du capital des sociétés ferroviaires. Les sociétés privées sont présentes dans le capital de ces entités sans investir. « Il existe un besoin pour refaire les ponts et les tunnels du réseau pour permettre le chargement de conteneurs sur deux hauteurs par exemple pour optimiser ce mode de transport », nous a confié le responsable des opérations de TPS.
Des équipements à améliorer
Le second souci vient du manque d’investissements dans le matériel, locomotives et wagons. Néanmoins, des projets existent pour le développement du ferroviaire. BHP Minera Escondida, qui exploite la plus grande mine de cuivre dans le monde, a lancé un appel d’offres pour le transport de produits depuis le port d’Antofagasta jusqu’aux sites de production et l’exportation de produits.
Cabotage maritime : changer la loi
L’intermodalité pourrait aussi croître avec le cabotage maritime. Aujourd’hui, la loi oblige les opérateurs à disposer de navires sous pavillon chilien avec un équipage chilien. La majorité des navires aptes à réaliser ces trafics sont de petite taille et pas adaptés aux trafics de cabotage demandés.
Un hub pour la côte ouest
Dans ces conditions, un des ports chiliens pourrait devenir un hub pour la côte est d’Amérique du Sud ? Pour Andrés Repetto, les ports chiliens sont trop au sud pour se placer sur ce créneau. Le marché chilien est suffisamment important pour que les armateurs décident de desservir directement le marché plutôt que par feedering. Pour les observateurs spécialistes de la région, le projet du port de Chancay au Pérou pourrait prétendre à ce statut.
Chancay : les travaux ont démarré
Le projet du port de Chancay se situe au Pérou. Le gouvernement de Lima a octroyé la concession de ce futur port à l’armement chinois Cosco. Le projet prévoit de créer un port d’une capacité pouvant aller jusqu’à 1,5 MEVP. Concédé, le groupe chinois a commencé les travaux en 2021. Au mois de mars, quelque 30% du projet est réalisé, annonçait le media Mundo Maritimo.
Chancay se développera pour Cosco
Pour Andrés Repetto, la position de Chancay pourrait se développer mais surtout pour les flux de Cosco. Même si le port restera ouvert aux autres armateurs, il n’est guère probable que les autres armateurs qui assurent des liaisons directes depuis l’Asie et l’Europe, comme Hapag Lloyd, CMA CGM et Mærsk, ne semblent pas décidés à modifier leurs schémas logistiques, indiquent les observateurs. De plus, pour assurer une bonne articulation entre navires-mères et feeders, la loi sur le cabotage au Pérou et au Chili doivent être modifiées pour conforter ce statut. Enfin, le projet de Puerto Exterior à San Antonio, se place comme concurrent sur ce créneau du hub de la côte ouest.
Arica : un port bolivien Le port d’Arica joue un rôle essentiel pour le commerce extérieur bolivien. Après la guerre du Pacifique (1879-1883) entre le Chili, le Pérou et la Bolivie a fait perdre, à ce dernier, son unique accès à la mer. En 1906, une convention internationale avec le Chili donne un accès à la mer à la Bolivie en lui octroyant des conditions particulières pour les opérateurs boliviens. Selon les données des douanes boliviennes, le port d’Arica entre pour 9,1% des exportations boliviennes, soit 1,3 Mt. Il s’agit principalement des tourteaux de soja, du zinc et des noix du Brésil. 80% du trafic du port d'Arica concerne des marchandises destinées au marché bolivien.