Conteneurs : 2022 se termine difficilement et 2023 s’annonce compliquée
L’année 2022 se termine sur une note relativement pessimiste en termes de volumes. Plusieurs facteurs expliquent la baisse du second semestre pour Jérôme de Ricqlès, expert maritime de Upply. En 2023, il faudra composer un scenario sur plusieurs airs.
L’année 2022 a démarré sur les chapeaux de roues. Les volumes sont au rendez-vous et les armateurs engrangent des bénéfices records. Une situation qui a perduré jusqu’à l’été. Le mois de septembre la baisse de la demande en raison de la récession économique rappelle que le marché de la conteneurisation demeure cyclique. Les volumes se contractent et tombent en-dessous de ceux de 2019.
Une baisse de 9,3% des volumes
Ainsi, en octobre 2022 les échanges conteneurisés ont perdu 9,3% comparativement à l’année précédente. Pire, ils se retrouvent à un niveau plus faible que ceux d’avant la pandémie. Ils affichent une diminution de 4,3% par rapport à octobre 2019. La bulle de la conteneurisation a explosé.
La reconfiguration du secteur de la logistique
Et ces baisses de trafic ne devraient pas être finies pour les semaines à venir. Selon l’expert maritime de Upply, Jérôme de Ricqlès, en 2022, le secteur de la logistique a connu une reconfiguration. « Le marché ne s’est pas consolidé mais les positions ont été prises », indique l’expert maritime. D’autre part, la fiabilité des services maritimes laisse encore à désirer. « Nous avions espoir qu’avec la croissance des volumes sur le premier semestre, les services s’amélioreraient. La baisse de la demande et donc des trafics a inversé la tendance et aujourd’hui les armateurs ne prennent pas le bon cap. »
Apprendre à travailler avec des semi-lignes régulières
L’état des services des lignes régulières tient principalement, selon Jérôme de Ricqlès, à la baisse de la demande en Asie et notamment en Chine. La majorité des services partant de cette région, c’est toute la logistique des conteneurs qui est touchée. « Nous étions habitué à travailler avec des lignes régulières. Avec la pandémie, nous devons apprendre à faire avec des lignes à demi régulières ».
Des règlementations environnementales compliquées
De plus, les nouvelles règlementations environnementales qui entreront en vigueur en janvier 2023 exercent une pression sur les armateurs. De nombreuses compagnies maritimes ont déposé des recours devant des juridictions pour avoir une explication de texte sur ce sujet. « Il est certain que ces futures normes de l’OMI doivent être expliquées et rendues plus simple pour une meilleure application », souligne l’expert maritime de Upply.
La congestion portuaire s’étiole, sans porter ses fruits
Par ailleurs, la baisse de la demande a réduit les volumes, ce qui permet de résorber, partiellement, la congestion dans les ports. Des conteneurs moins nombreux permettent d’évacuer les conteneurs et créer de la place. Ainsi, sur la côte ouest des États-Unis, la situation s’améliore. Sur la côte est, elle s’arrange mais reste encore tendue. « Ne nous trompons pas. L’amélioration de la congestion portuaire ne va pas améliorer la fiabilité des services ».
La relocalisation, un piège pour les armateurs
Enfin, un des éléments de cette année a été le retournement de position des chargeurs. Certains font de la relocalisation de leur centre de production sur des territoires plus proches et plus accessibles une nouvelle stratégie. Une voie détournée pour s’assurer de recevoir leurs biens en temps et en heure et éviter les perturbations logistiques connues en 2021. Pour les armateurs, ces relocalisations sont aussi une obligation à revoir les services pour ne pas voir basculer des volumes vers des modes de transport alternatifs comme le ferroviaire depuis l’Europe de l’Est ou la route depuis l’Afrique du Nord.
Repenser la conteneurisation
Avant même de dévoiler les scénarios pour 2023, Jérôme de Ricqlès imagine l’année à venir sur un air particulier. En 2023, il faudra composer avec les 3R. Le premier vise à repenser le monde de la conteneurisation. « Les choses ne vont pas rester en l’état et il faudra composer l’année avec de nouveaux acteurs. » Les trois alliances maritimes affichent une stabilité au cours des six dernières années mais les plus grandes compagnies maritimes ont enregistré des croissances si importantes en termes de capacité, qu’elles pourraient avoir des velléités à devenir indépendantes. Elles gardent en ligne de mire le mois d’avril 2024 et la révision du système des exemptions accordées pour les Consortia par l’Union européenne. Le risque de voir cette exemption tomber les obligerait à revoir leur stratégie d’accords.
Le besoin de restructurer
Le second R concerne les restructurations. L’année à venir va aussi être marquée par la baisse de la demande qui devrait s’étaler au moins jusqu’au Nouvel an chinois, voire au-delà pour certains. Les bénéfices engrangés en 2022 pourraient fondre l’année prochaine d’autant que les taux de fret FAK dégringolent de jour en jour. « Le besoin de se restructurer deviendra nécessaire », indique Jérôme de Ricqlès.
Un R de réduction mais pas celui de récession
Enfin, le troisième R de ce scénario se décline sur la réduction. Une réduction de la demande, une baisse de la vitesse pour entrer dans les normes environnementales, réduire la consommation de fuel, mais aussi adapter la flotte et des volumes réduits vont amener les compagnies maritimes à revoir leur copie rapidement. Cette situation, pour l’expert maritime de Upply pourrait durer jusqu’à l’été 2023. Un quatrième R aurait pu être ajouté pour récession économique. Même si Jérôme de Ricqlès reconnaît que la récession est aux portes de l’économie mondiale, « je refuse de l’ajouter pour rester optimiste ». Néanmoins, il précise que « nous entrons dans une période difficile ».