Prospectives

Drewry : les effets du conflit russo-ukrainien sur le monde maritime

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine a des répercussions importantes pour toutes les industries du transport maritime, indique le consultant britannique Drewry.

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine entre dans sa quatrième semaine. Si, aujourd’hui, les échanges demeurent fluides, les répercussions sur tous les secteurs de l’industrie maritime sont importantes, indique Drewry dans une note. Néanmoins, les risques demeurent élevés pour les armateurs en raison de la hausse importante des primes d’assurance pour les navires opérant en mer Noire. Dans ces conditions, il devient difficile de trouver des navires. Quant à ceux qui sont toujours dans le secteur, les taux de fret ont fortement augmenté.

Charbon : une hausse des prix

Du côté des vracs secs, ce conflit va perturber les trafics de céréales et de charbon. Drewry rappelle que la Russie représente un des principaux fournisseurs de charbon en Europe avec 42% des importations européennes. Il reste un acteur majeur dans les échanges mondiaux en fournissant 16% du marché mondial. Face aux difficultés pour les acheteurs asiatiques de contourner les sanctions contre la Russie, ils sont obligés de se tourner vers d’autres origines. Cependant, les mineurs des autres pays producteurs comme la Colombie, les États-Unis, le Canada ou encore l’Afrique du Sud n’ont pas augmenté leur production. Finalement, les prix du charbon enregistrent des hausses importantes.

Produits chimiques : de l’huile de tournesol vers l’huile de soja

Le conflit a aussi fait prendre conscience de la forte dépendance de la production d’huile de tournesol russe et ukrainienne. Les deux pays représentent 80% des échanges mondiaux. Les deux pays qui pèsent dans ces échanges sont l’Argentine avec 7% des échanges mondiaux et la Turquie avec 5%.

Une hausse des taux pour les Medium Range

« Dans ces conditions, nous pensons que la demande d’huile de tournesol va se transformer vers l’huile de soja, augmentant ainsi des trajets plus longs depuis l’Amérique du sud vers l’Inde, la Chine et l’Europe. Avec un besoin en tonnes-miles plus important, les taux de fret vont augmenter pour les Medium Range Tankers à court terme », indique Drewry dans son analyse. Sur un plus long terme, Drewry estime que la demande en huile végétale pourrait globalement se réduire si le conflit devait perdurer. Les industriels ne pourront pas se satisfaire de la seule production turque et argentine. « Alors, les échanges d’huile végétale se réduira avec des effets négatifs pour les opérateurs de navires de type Medium Range », continue Drewry.

Pétrole brut : la surcapacité peut demeurer

Les sanctions européennes contre la Russie ont eu un effet immédiat sur les cours du pétrole brut. Les effets se sont fait ressentir principalement sur les Aframax au départ de la mer Noire. La recherche de nouvelles sources d’approvisionnement amène une hausse sur l’ensemble des trafics de pétrole. L’absence de la Russie sur le marché pétrolier va peser sur le long terme. En effet, le pays pèse 11,5% de l’offre mondiale.

Les observateurs s’interrogent sur un retour du pétrole iranien. Pour Drewry, « cela ne suffira pas pour remplacer le pétrole russe ». De plus, une hausse trop importante du prix du pétrole brut pourrait, à long terme, impacter les échanges mondiaux. Le consultant britannique imagine que si les taux de fret connaîtront une hausse à brève échéance, ils pourraient s’infléchir si le prix du baril reste élevé. Enfin, note Drewry, « même si le conflit se termine rapidement, les échanges de pétrole brut se normaliseront et la surcapacité pèsera à la baisse sur les taux de fret ».

GNL : hausse des flux des États-Unis vers l’Europe

Le conflit va entraîner une hausse, à court terme, des importations de gaz en Europe. Déjà, fin février, en prévision du conflit, les opérateurs européens ont reconstitué leur stock. À terme, note Drewry, les flux avec la Russie vont se tarir. Dans le même temps, les importations depuis les États-Unis devraient s’accroître. Pour Drewry, les taux de fret devraient baisser en raison de ces changements. Avec des routes plus courtes depuis l’Amérique du Nord vers l’Europe que celles vers l’Asie, la demande en tonne-mile va se réduire impactant les taux à la baisse.

Pour le consultant britannique, si le conflit devait continuer, les investissements dans l’industrie gazière et pétrolière russe aurait pour effet de reporter ces fonds sur des projets aux États-Unis et en Afrique. Pour les cinq prochaines années, la demande va rester à des niveaux élevés.

GPL : la levée des sanctions contre l’Iran peut jouer

Du côté du Gaz de Pétrole Liquéfié, les sanctions contre la Russie, qui alimente l’Europe à hauteur de 3,7 Mt par train et par voie maritime, vont créer une demande en navire de type VLGC (Very Large Gaz Carrier). L’offre depuis le Moyen-Orient et les États-Unis est attendue à la hausse avec aussi la possibilité de voir les produits iraniens revenir sur le marché si les sanctions sont levées. L’Iran pourrait alors suppléer une partie des approvisionnements depuis la Russie.

Conteneurs: hausse des soutes et restructuration des services

Enfin, ce conflit a eu un double impact sur l’industrie de la conteneurisation. En premier lieu, le conflit a entraîné une hausse du prix des soutes qui se répercute sur les taux de fret. En second lieu, plusieurs armements dont CMA CGM, Mærsk et MSC ont annoncé suspendre leurs services avec les ports russes de mer Noire, de Baltique et d’Extrême-Orient. Avec 5% du trafic mondial, la suspension de ces services ne devrait pas affecter les chaînes logistiques globales, a indiqué Upply dans son dernier baromètre.