Juridique et social

Le Sao Paulo indésirable dans les chantiers de déconstruction

L’envoi à la déconstruction du porte-avions Foch, rebaptisé Sao Paulo, a été le feuilleton de l’été. Le navire est interdit d’entrer dans les eaux turques.

Le 2 septembre, les autorités turques ont refusé l’accès du Sao Paulo dans ses eaux territoriales. Ce navire envoyé du Brésil n’est autre que l’ancien porte-avions Foch. Rebaptisé Sao Paulo, le navire cherche des chantiers pour être déconstruit.

Une victoire pour les organisations environnementales

Pour l’organisation non gouvernementale Shipbreaking Platform, ce refus constitue une victoire. « Depuis des semaines les organisations environnementales et les groups des droits sociaux ont protesté contre le voyage de ce navire depuis le Brésil au port d’Aliaga aux motifs que cette déconstruction ne répond pas aux obligations des conventions de Bâle et de Barcelone », indique un communiqué de Shipbreaking Platform.

Après le Clémenceau, le Sao Paulo

L’histoire semble se répéter. En effet, en 2006, le Clémenceau a commencé son ultime voyage vers l’Inde pour être déconstruit. Dénoncé comme une exportation de navire illégale selon les règles européennes du transport de déchets, le président de la République de l’époque, Jacques Chirac a ordonné son retour. Dans un contexte presque similaire, les organisations non gouvernementales ont réactivé leur communication pour demander au président de la République, Emmanuel Macron, de prendre la même décision en rappelant le navire pour être déconstruit dans des conditions saines.

Respecter les lois internationales

« L’histoire se répète tristement. Sera-t-il nécessaire pour les mouvements de citoyens de retourner devant la justice en 2022 pour le respect des lois internationales et le respect de la santé et de l’environnement ? », s’interroge Annie Thébaud-Mony, de l’organisation Ban Asbetos France.

Un transport qui contrevient au protocole d’Izmir

L’argumentaire de l’organisation Shipbreaking Platform souligne que le transport du Sao Paulo contrevient le protocole d’Izmir de 1996 pour la prévention de la pollution en Méditerranée par des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination. Ce protocole interdit l’entrée en Méditerranée de déchets sauf à ce qu’ils sont destinés à un pays de l’Union européenne pour le recyclage. De plus, ce transport viole la convention de Bâle qui oblige le pays expéditeur à demander l’autorisation aux pays traversés, en l’occurrence le Maroc, l’Espagne et la Grande-Bretagne (Gibraltar).

Des niveaux élevés d’amiante et de PCB

Shipbreaking Platform estime que les niveaux d’amiante, de PCB et de matériaux toxiques dans le navire sont sous-estimés. L’importance de ces matériaux, de même niveau que ceux du Clémenceau, qualifient ce navire de déchet toxique. Des manifestations se sont développées la semaine dernière à Izmir, port de destination du navire. « Plus de 150 000 personnes ont signé la pétition pour demander l’arrêt du voyage de ce navire. La volonté des citoyens a permis au gouvernement de reconsidérer sa décision », indique Shipbreaking.

Le navire est à l’arrêt

À la suite de la décision du gouvernement turc, Ibama (l’institut brésilien pour l’environnement et les ressources naturelles renouvelables) a envoyé un courrier à Oceans Prime Offshore Agenciamento Maritimo Ltda, la société en charge de l’exportation du navire, pour lui demander d’ordonner le demi-tour du Sao Paulo au Brésil. Le 2 septembre, aucun ordre de retour n’a été donné au navire. Le navire est actuellement au large de l’Afrique de l’Ouest. Selon le site Marine Traffic, le remorqueur est à l’arrêt en attente d’ordre. Nicola Mulinaris, directeur de Shipbreaking, demande au Maroc et à l’Espagne d’arrêter le navire, « même si cela doit bloquer le détroit de Gibraltar. Nous sommes face à un cas de trafic illégal ».