Martinique : la logistique à l’origine de la cherté des prix ?
En Martinique, le coût des produits n’a de cesse d’augmenter. Pour les commissionnaires, plusieurs facteurs interviennent dans cette hausse récente des prix, dont ceux de la logistique.
En Martinique, comme dans d’autres départements des Antilles, le « panier de la ménagère » n’a eu de cesse de grimper ces derniers mois. Une augmentation des prix qui tient à plusieurs éléments. En premier lieu, la hausse des matières premières a aussi des effets en outre-mer. L’augmentation du prix de l’énergie et des produits agricoles se répercute pareillement en outre-mer qu’en Métropole.
La logistique : un rôle majeur
Pour le président du Syndicat des commissionnaires en Douanes et transitaires de Martinique, Jean-Claude Florentiny, « la logistique joue aussi un rôle important. Nous sommes sur un territoire cher pour les marchandises. Or, si la hausse des prix doit être absorbée, nous subissons aussi les coûts de la logistique ».
Des hausses des taux de fret modérée
Et l’augmentation des taux de fret sur les liaisons est-ouest a fortement augmenté ces derniers mois. « Des hausses que nous devons reconnaître ont été plus modérées que sur d’autres liaisons maritimes », note le président du syndicat. En effet, le coût des transports sur la Barbade ou la Jamaïque ont été multipliés par trois, quand sur les Antilles françaises, leur hausse a été beaucoup moindre, d’environ 15%, selon Jean-Claude Florentiny.
Le transbordement, passage obligatoire pour la consolidation
La raison de cette progression tient surtout au fait que les marchandises destinées aux Antilles françaises subissent toujours un transbordement pour les conteneurs en groupage. Les marchandises arrivent d’Asie ou d’Amérique et sont déchargées au Havre ou à Marseille pour être reprises dans des conteneurs avant de rejoindre leur destination finale. « Cette opération a un coût non négligeable qui se répercute sur les consommateurs ».
Les armateurs ont maintenu leurs services
Du côté armatorial, la situation est regardée avec beaucoup d’attention. Les opérateurs assurant les liaisons vers les Antilles rappellent qu’au plus fort de la pandémie en 2020, la desserte des îles a été maintenue. Principal armateur dans cette desserte, le groupe CMA CGM n’a jamais suspendu ses services.
Un gel qui ne concerne pas les surcharges
De plus, entre la Métropole et les Antilles françaises la concurrence est limitée. Le groupe CMA CGM assure cinq services sur la Martinique et six services sur la Guadeloupe. Marfret aligne trois services, dont deux vers les îles des Antilles et un sur la Guyane. Les armements ont malgré tout pris la mesure de la situation en imposant, pour certains, un gel des taux de fret depuis le mois de mai 2021. Cependant, le président du syndicat des transitaires de Martinique souligne que ce gel ne concerne que les taux de fret de base. Toutes les surcharges évoluent au fur et à mesure du temps. « Et la hausse des prix des soutes devrait encore appliquer une augmentation de ces surcharges », continue le président du syndicat.
Un gel après des années de vaches maigres
Du côté des armateurs, le gel des taux de fret intervient en période de croissance générale. Or, pendant des années, la desserte des Antilles françaises s’est réalisée dans des conditions de marché difficile, sans que le groupe n’abandonne jamais son rôle de lien entre la Métropole et ces îles.
La demande a augmenté de 6% à 10%
De plus, ce gel des taux de fret a été décidé pendant une période au cours de laquelle la demande depuis la Martinique et la Guadeloupe a augmenté entre 6% et 10%, selon certains observateurs. Avant même l’augmentation de la demande, le groupe de Marseille a aligné de nouveaux navires avec une capacité entre 2200 EVP et 3300 EVP. Des navires disposant d’une plus grande capacité mais aussi plus performants économiquement.
Une demande pour la continuité territoriale
À la différence de la Corse, il n’existe pas de continuité territoriale avec les départements d’outre-mer. Un manque qu’il faut combler selon certains opérateurs par la prise en charge, par l’État d’une partie du coût des marchandises sur les Antilles. L’avenir n’augure pas de beaux jours dans un proche avenir. Les prix des matières premières restent toujours élevés même si les taux de fret se stabilisent.
S’ouvrir à d’autres compagnies
Alors, une des solutions serait d’ouvrir la desserte à de nouvelles compagnies maritimes au départ de l’Europe. « Les conditions économiques n’ont jamais été aussi favorables qu’en ce moment au vu des taux de fret. Nous avons besoin de pluralité et de donner une nouvelle bouffée d’oxygène à ces liaisons maritimes », indique Jean-Claude Florentiny.
Un nouveau venu pour le long terme
Et pour aller dans ce sens, le président du syndicat souhaite qu’une compagnie s’implante sur le long terme. « Nous ne sommes pas dans la spéculation. Nous voulons un armateur qui assure une régularité de la desserte des îles et qui participe aussi au développement du cabotage intra-caribéen ». Ces liaisons locales sont, pour Jean-Claude Florentiny, essentielles dans un futur proche. Elles doivent permettre de développer les échanges commerciaux entre les îles.
Agir sur la politique fiscale
Dans cette période pré et post-électorale, le temps est venu « de se poser les bonnes questions. Nous sommes fragiles. En fin d’année 2021, nous avons vécu les premiers coups de semonces. La situation peut rapidement dégénérer localement si les politiques ne prennent pas le dossier rapidement ». Depuis 2009, plusieurs mouvements ont embrasé les départements des Antilles. À chaque fois le feu a été étouffé sans être définitivement éteint. Le président du syndicat des transitaires appelle les politiques à agir sur d’autres leviers comme la politique fiscale. Pour cela, il appelle à réunir les acteurs engagés dans l’économie locale. « Les citoyens sont patients mais ils attendent des réponses sur le court terme et le long terme ».
Entamer un dialogue entre tous les acteurs
Dans un terme rapproché, il est demandé que la hausse des prix soit maîtrisée pour éviter de nouvelles augmentations. Sur le long terme, c’est par le dialogue entre les acteurs que la crise pourra être évitée. « Nous constatons un manque de passerelle entre les acteurs industriels et logistiques. Nous devons rapidement tous se mettre autour de la table pour analyser la situation et anticiper les futures hausses, tout en sachant que nos îles s’intègrent dans le concert économique international ».