Politique

Accord historique pour un zéro-émission des navires en 2050

Nous reprenons ci-dessous l’article de Mer et Marine sur l’accord intervenu à l’OMI sur le calendrier de la décarbonation des navires.

Ils ont réussi. Malgré le vent de scepticisme voire de pessimisme qui soufflait sur les négociations sur les émissions carbone de navires qui se sont tenues la semaine dernière à Londres, les États membres de l’Organisation Maritime Internationale sont parvenus à un accord mondial et un calendrier pour la décarbonation du transport maritime, indique Caroline Britz dans son article.

Zéro émissions en 2050

C’est la fin d’un marathon entamé en réalité depuis que le secteur maritime a été inclus dans les objectifs des accords de Paris qui veulent contenir, notamment par la décarbonation, la hausse des températures à +1.5° d’ici 2050. La stratégie mise en place et signée à Londres le 7 juillet vise au zéro-émission de CO2 des navires d’ici 2050. Un sacré bond en avant puisque, jusqu’à présent, les ambitions étaient d’atteindre, en 2050, les -50% de CO2 par rapport aux taux de 2008.

Un nouveau calendrier

Cet objectif, qui était appelé de ses vœux par une grande partie des ONG environnementales mais également par les plus hautes autorités des Nations-Unies et de l’OMI, s’accompagne d’un nouveau calendrier de décarbonation. Ainsi l’objectif pour 2030 est de -20%, « avec une ambition à -30% ». Celui pour 2040 est de -70% avec une ambition de -80%. L’accord sur ces objectifs intermédiaires est également une nouveauté puisque la stratégie précédente ne prévoie que des chiffres indicatifs en la matière.

Des émissions sur le cycle de vie du navire

Il est également intéressant de noter que la méthode de calcul des émissions de navires est désormais celle du « cycle de vie ». C’est-à-dire qu’elle n’est pas uniquement basée sur le CO2 contenu directement dans les émissions des navires mais également dans l’empreinte totale du navire, de sa construction et de la production du combustible.

Pas de valeur juridique contraignante

Que va-t-il se passer désormais ? Cette nouvelle stratégie n’a pas de valeur juridique contraignante en tant que telle. Les instruments qui en ont sont ceux qui vont la mettre en œuvre et qui feront, eux, partie, de conventions applicables et liant légalement les États signataires, comme la convention Marpol.

Déjà les indices CII et EEXI

Les premiers ont déjà été mis en place dans le cadre de la première stratégie de réduction des émissions. Il s’agit des indices CII et EEXI qui sont tous deux entrés en vigueur en 2023. Ces derniers imposent des standards et trajectoires de décarbonation précis avec une approche par navire. Dans la configuration actuelle, ils fixent des objectifs de baisse d’émission mais sans doute insuffisants pour atteindre un zéro-émission en 2050. Il paraît dès lors probable que leurs critères soient renforcés pour accélérer le mouvement.

Un nouvel instrument de mesure

On peut également imaginer un nouvel instrument de mesure ou indice contraignant qui prennent en compte l’empreinte carbone globale (well-to-wake) des combustibles. Et il y a bien sûr l’instrument financier qui, dans le très capitaliste et globalisée monde maritime, sera sans doute un des plus efficaces. Là encore, rien n’est encore défini.

Des initiatives régionales

Des initiatives régionales, comme, par exemple au sein de l’Union Européenne, ont vu la mise en place de quotas d’émission et donc de marché d’échange. Au niveau mondial, une telle initiative paraît compliquée à mettre en place et ouvre également le risque d’une « délocalisation » massive des quotas d’émission vers des pays en développement.

Les réticences sur la taxe carbone

La solution d’une taxe carbone globalisée semble être une solution privilégiée, tant par un certain nombre d’États que par des organismes internationaux comme la Banque Mondiale. Mais des réticences de grands pays, et notamment la Chine, ne vont sans doute pas faciliter la manœuvre pour la mise en place d’un accord contraignant. La prochaine révision de l’accord mondial sur les émissions de CO2 des navires est prévue en 2028.

Une nouvelle phase dans la décarbonation

Après l’annonce de cet accord, le World Shipping Council (WSC) a réagi. Ce calendrier marque « le début d’une nouvelle phase dans la transition énergétique du transport maritime avec des buts clairs. Il reste beaucoup à faire et les armateurs souhaitent continuer à travailler avec les autorités, les fournisseurs de soutes et de nouvelles technologies », indiqué le président du WSC, John Butler.

Un cadre législatif

De plus, il appelle aussi les États membres à publier un cadre juridique pour que ces carburants soient disponibles et compétitifs. « Les deux prochaines années seront décisives », alerte le président du WSC. Pour atteindre les objectifs de 2050, les États membres de l’OMI doivent s’entendre sur un carburant qui permette d’entrer dans les nouvelles normes édictées par l’organisation internationale.