Automobile : le marché souffre de sa logistique
L’Assemblée générale annuelle de European Car Group (ECG) s’est déroulé à Copenhague sous le thème : « le meilleur est à venir ». En effet, le marché souffre et surtout de sa logistique.
Le marché de l’automobile entre dans une phase de transition importante. En effet, il se situe entre la fin des véhicules thermiques et la nouvelle ère des véhicules électriques. D’autre part, il doit faire face à une demande apaisée dans certaines régions du monde en raison du retour de l’inflation.
Les ventes s’élèvent à 85,2 millions d’unités
Néanmoins, les chiffres semblent contredire cette tendance. Dans sa présentation, Tatiana Hrisova, directrice du groupe de recherche de S&P Global Mobility, estime que les ventes de voitures en 2023 atteignent 85,2 millions d’unités. Un chiffre en progression de 8% par rapport à l’année dernière. Cependant, les volumes de 2023 ne retrouvent pas encore les niveaux de 2019. Au cours de cette année pré-pandémique, les ventes de voitures ont totalisé 89,7 millions d’unités.
2,3 M de voitures vendues en plus en Europe
Pour revenir plus en détail sur les ventes dans le monde, Tatiana Hrisova explique qu’en 2023, les ventes d’automobiles progressent, en volume de 6,3 M d’unités. Or, les deux tiers de la progression des ventes sont à mettre au crédit de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Ainsi, l’Europe voit ses ventes augmenter de 2,3 M de voitures et l’Amérique du Nord de 1,9 M. Quant au marché chinois, il progresse de 4,1%. La plus forte augmentation des ventes de véhicules en 2023 revient au Japon et à la Corée dont les ventes augmentent de 12,1%, soit 701 000 véhicules supplémentaires vendus.
Des flux à hauteur de 20,3 M d’unités
Derrière ce marché des ventes de véhicules se dessine les flux dans le monde. En 2023, selon les estimations de S&P Global, les exportations de véhicules s’élèvent à 20,3 M d’unités. Et ces trafics se réalisent principalement au départ d’Asie. En effet, environ 20% de ces flux se réalisent au départ de Chine vers les États-Unis, de Chine vers l’Europe et D’Europe vers l’Amérique du Nord.
L’indice logistique à 158,7 points
Ainsi, si les chiffres de l’industrie automobile s’imposent à des niveaux élevés, la logistique automobile souffre. Dans leur présentation, les deux responsables de PwC Autriche, Matthias Riveiro et Thomas Windhager, notent que l’indice logistique du secteur progresse. Ainsi, cet indice s’établi à 158,7 au deuxième trimestre de l’année. (L’indice 100 est pris au 1er janvier 2019). Après avoir subi une baisse depuis le troisième trimestre 2022, l’indice repart à la hausse. Cet indice signifie qu’en cinq ans, les coûts du transport, tous modes confondus, augmentent de 58,7%.
Les coûts de la logistique maritime progresse de 145%
La plus forte progression de cet indice, indiquent les auteurs du rapport, est à mettre au crédit des coûts de la logistique maritime. Il passe de 240,5 points au premier trimestre à 245,9 points au deuxième trimestre. Pour les auteurs du rapport, cette progression tient principalement au coût des soutes des navires. Le coût du transport routier enregistre une légère baisse au deuxième trimestre avec 123,1 points contre 125,7 points le trimestre précédent.
Route : le manque de chauffeurs
Une hausse des coûts du transport qui s’ajoute à la difficulté de trouver du personnel, notamment dans le transport routier. Selon l’organisation du transport routier, IRU (International Road Union), il manque environ 600 000 chauffeurs en Europe. Pour Wolfgang Göbel, président du European Car Group, le manque de chauffeurs routier semble se résorber quelque peu. « Avec la baisse des volumes conteneurisés, nous voyons des chauffeurs revenir vers notre secteur d’activité. » Cependant, ce changement n’est pas encore suffisant. « Pour attirer les jeunes vers notre métier, nous devons les former dès la sortie des études », continue le président d’ECG.
Les revers des primes pour les chauffeurs
Pour faire face à ce contexte de manque de chauffeurs, dans les pays d’Europe orientale, les entreprises décident d’offrir des primes. Une solution qui permet d’attirer les candidats mais qui se trouve confronté à un revers. « Les chauffeurs routiers doivent manutentionner les voitures. Or, dès qu’une voiture subi un dommage, les primes sautent. Il est difficile d’accéder aux voitures quand elles se situent en haut de la remorque et les accrocs, même minimes, sont fréquents. Alors, les chauffeurs se découragent vite », nous a confié un responsable.
L’engorgement des terminaux portuaires
Et ce manque de chauffeur a des effets directs sur la logistique. L’entrée massive de véhicules en Europe au cours des derniers mois sature les terminaux d’Europe. Dans ce contexte, des armateurs utilisent d’autres ports. Cela a été le cas à Bordeaux. Quant à la logistique maritime, elle est aujourd’hui dans une situation de sous-capacité. Les armateurs commandent des navires. Les armateurs attendent une cinquantaine de navires dans les prochains mois. Les taux de fret élevés pourraient alors perdre de leur volume.
Le nouveau monde de la logistique automobile
Une prospective que le vice-président de ECG, Bjorn Svenningsen, nuance. En 2023, la Chine exporte plus d’un million de véhicules vers l’Europe. « L’acheminement de ces voitures se fait dans des conditions de réduction de vitesse pour respecter les règlements environnementaux. Avec la crise des semi-conducteurs, qui n’est pas entièrement résolue, le conflit en Ukraine avec ses effets sur les matières premières, il n’est pas certain que les nouvelles capacités suffisent. » Et sa conclusion est sans ambages : « nous entrons dans un nouveau monde de la logistique automobile ».
Adopter une approche réaliste
Parce que l’aspect règlementaire des modes de transport touche aussi le secteur de la logistique automobile. Et en cette période, les discussions tournent principalement autour de la décarbonation des modes de transport. Raluca Marian, secrétaire générale de l’IRU, rappelle que réaliser un transport routier national, international, urbain ou du dernier kilomètre ne se fait pas avec la même approche. « Quelle technologie environnementale devrons-nous appliquer au transport routier de demain ? », s’interroge la secrétaire générale. Elle plaide pour une approche réalistique. « Il est difficile de faire un transport sur 1000 km avec un camion électrique en raison du manque de bornes de recharge en Europe. »
Investir avec un retour
De plus, la décarbonation doit aussi s’attacher aux coûts des investissements. Déjà, Jörg Mosolf, président de la société éponyme, indique que sa société achète des camions électriques. « Nous disposons de 15 camions aujourd’hui, soit 1% de notre flotte. A ce rythme, nous aurons décarboné notre flotte dans 100 ans. Avant d’investir nous devons pouvoir estimer le retour sur investissement de ces achats. » De plus, les opérateurs logistiques demandent de la transparence avec les autorités règlementaires. Et le directeur adjoint de la DG Move, Szymon Oscislowski, acquiesce. « Nous devons agir ensemble pour une règlementation qui vient en appui du secteur. »
Une action combinée entre logisticiens et constructeurs
Des développements que les groupes de transport comme Mosolf sur le routier, UECC dans le maritime et d’autres réalisent sur leurs fonds propres. Alors, pour Jean-Christophe Deville, vice-président de Toyota Europe en charge de la logistique, il faut une action combinée entre producteurs et logisticiens. « Si nous ne prenons pas le risque ensemble, nous ne ferons rien », souligne le responsable logistique de Toyota. Et ne rien faire, c’est aller dans une direction opposée à la décarbonation.