Corridors et logistique

Caraïbes : une étude sur le cabotage intra-caribéen

Une étude de Diego Aita, publiée par la Cepal (Commission économique pour l’Amérique latine), détaille les conditions de mise en place de lignes ferries entre les îles des Caraïbes.

Le développement économique des pays insulaires passe nécessairement par les échanges régionaux. Depuis plusieurs années, des études sur des liaisons maritimes entre les différents marchés caribéens aboutissent à un constat : ces lignes sont nécessaires. Néanmoins, rien ne se réalise. Une étude de Diogo Aita, publiée en début d’automne par la Cepal (Commission économique pour l’Amérique latine) tente d’apporter des idées nouvelles sur le sujet. Dès l’introduction, l’auteur souligne que de nombreuses études ont échoué. Les raisons de ces échecs tient notamment à l’inefficacité des procédures, la technologie, les systèmes douaniers et les politiques migratoires.

Des services hebdomadaires

Ainsi, pour partir de l’existant, Diogo Aita rappelle qu’il existe aujourd’hui 90 lignes régulières maritimes dans les Caraïbes. Les trois quarts, (74%) opèrent en service hebdomadaire et 7% à une fréquence de 15 jours. Elles sont réalisées par des navires porte-conteneurs à 69%, du roulier à 18% et des navires conventionnels à hauteur de 12%. Des services qui se répartissent entre des compagnies maritimes américaines et des multinationales maritimes.

Peu de liaisons entre les îles

Ces lignes partent majoritairement depuis le continent américain et seuls 15% des services maritimes assurent des liaisons entre les îles des Caraïbes. Parmi les ports qui accueillent le plus de services conteneurisés se retrouvent Point Lisas, Port of Spain, Pointe-à-Pitre, Georgetown et Bridgetown. Quant aux services ferries, ils sont au nombre de 43. Leur vocation est avant tout dirigée vers le transport de passagers. « À quelques exceptions, des navires rouliers assurent ces liaisons », explique l’auteur.

Un taux à 47,5$/t

Pour adopter une approche financière, l’étude reprend les prix relevés en 2015 par la Banque mondiale. Le taux moyen utilisé est de 1,06$/mile pour les passagers. Pour les services de ferries rapides, ce montant s’élève à 2,71$/mile. Enfin, pour le trafic en roulier, il établit le taux de fret moyen à 47,5 $/t.

Quatre routes sous la loupe

Pour analyser la rentabilité économique d’un service de ferry, l’étude considère quatre routes. Trois liaisons partent de Trinidad et Tobago. Elles desservent le marché colombien, d’une part, le Guyana et le Surinam, d’autre part, et enfin Saint Lucie. La dernière rotation part de Puerto Rico pour rejoindre Sainte Lucie via la Guadeloupe. Si Trinidad et Tobago est envisagé comme hub sur les liaisons avec la Colombie et le Surinam, le port de Castries, à Sainte Lucie, sert de hub secondaire sur les autres rotations.

Le Ro-Pax d’un rapport économique plus intéressant

Alors, les simulations réalisées sur ces différentes routes démontrent que l’utilisation de navires Ro-Pax reste d’un rapport économique plus intéressant. Et pour aller plus loin, Diogo Aita explique qu’avec un taux de remplissage de 50% tant pour les passagers que le fret, les navires les moins rapides sont les plus rentables. Parmi les différents types de navire pris pour cette étude, il s’avère que le Mexico V, navire pur passagers, doit atteindre un remplissage à 60% pour devenir rentable. Une donnée qui tient à ses coûts opérationnels.

Revoir le traité de Chaguramas

Cependant, ces données brutes doivent être adaptées aux conditions économiques et politiques locales, continue l’auteur. D’abord, le traité de Chaguramas, à l’origine du Caricom doit être revu. Il doit revoir les conditions d’entrée des marchandises et de circulation des ensembles routiers dans les marchés desservis. Ensuite, les opérations portuaires doivent être suffisamment rapides pour éviter des escales trop longues. Enfin, si les Caraïbes représentent un grand marché, « elles doivent relever de nombreux défis pour devenir une zone logistique intégrée », continue Diogo Aita. Enfin, parmi les points à améliorer, l’auteur met en avant des infrastructures peu efficaces et un manque de fluidité dans l’envoi des informations des navires en arrivée et des enregistrements des marchandises.

Investir dans des infrastructures

Comme pour toutes les liaisons maritimes, leur réussite se base sur la fréquence. Or, à part le port de Trinidad et Tobago, « les autres ports nécessitent des investissements dans des installations portuaires. L’objectif est de pouvoir assurer une connectivité régulière et intense. Même pour les ports qui disposent de rampes pour les rouliers, elles ne suffisent pas pour absorber un trafic supérieur. » Pour y remédier, Diogo Aita propose de créer des partenariats publics/privés (PPP) pour financier les infrastructures, les liaisons et les connexions entre les ports.

S’inspirer de l’exemple européen

Ces différentes approches déterminent les solutions techniques. D’un point de vue financier, l’approche doit prendre exemple sur ce qui a été développé en Europe et au Chili. En effet, en Europe, le principe des Autoroutes de la mer permet de démarrer des services avec des aides. Au Chili, un système de subvention permet de maintenir un service de ferry. Pour revenir aux Caraïbes, l’auteur se penche sur les questions relatives aux appels d’offres.

Le cadre institutionnel

Ainsi, il s’interroge sur l’opportunité de « savoir si les appels d’offres seraient spécifiques à chaque route et port ou multiples. Les deux alternatives ont des avantages et des inconvénients, Un projet pilote doit être mis en place pour tester et tirer des enseignements de chaque possibilité. » Un autre défi à résoudre est le cadre institutionnel qui soutiendrait le réseau de ferry dans les Caraïbes. Cette étude considère qu’il est essentiel de définir un coordinateur général pour diriger la mise en œuvre, comme c’est le cas en Europe.

Le poids de la volonté politique

Enfin, pour parvenir à la réalisation de liaisons entre les îles des Caraïbes, Diego Aita rappelle que la volonté politique pèse. Il propose de créer un système de partenariat public/privé. Cependant, souligne l’auteur, ce type de montage suppose des adaptations légales dans chaque pays concerné.

Quelle unité pour le fret

Il ressort de cette étude que la réalisation de liaisons passagers et fret entre les îles des Caraïbes rassemble des avantages. L’étude aborde peu les questions liées au volume de fret potentiel entre les marchés caribéens. Quant au trafic de passagers, il doit s’aligner sur le marché aérien. Ce dernier est largement utilisé pour relier les îles. Déjà, dans les Antilles françaises de nombreuses études ont été publiées sur ce sujet. La principale interrogation qui se pose, à la lecture de ces rapports, est de déterminer l’unité de base pour le fret : le conteneur, la palette, voire des unités encore plus petites.