Europe : la Commission arrête la prolongation pour les consortia
Dans une communication du 10 octobre, la Commission européenne annonce la fin du règlement d’exemption des consortia à compter du 24 avril 2024. Une décision qui pourrait redessiner le paysage du transport de lignes régulières.
Le 10 octobre, dans une communication, la Commission européenne annonce la fin du règlement d’exemption des consortia. Elle explique que le règlement « ne produit plus d’effet en faveur de la concurrence ». Ainsi, le 24 avril 2024, les consortia tombent sous le coup des lois européennes sur les ententes.
Une consultation menée depuis août 2022
Cette décision intervient après une consultation menée par la Commission auprès des différents acteurs de la chaîne logistique maritime et portuaire. Entamée en août 2022, l’autorité européenne a sondé les opinions des opérateurs. L’objectif de cette enquête vise à mesurer l’intérêt de conserver ce règlement.
Des économies limitées
Alors, la publication le 10 octobre des conclusions de l’enquête est sans appel. Après l’audition des différentes parties de la chaîne logistique, la Commission publie un rapport complet sur son enquête. Elle conclu que « selon les opérateurs pointe vers une efficacité limitée du règlement d’exemption des consortia au cours de la période de 2020 à 2023. » De plus, continue la Commission, « en raison du nombre limité de consortia et le profil de ces ententes, le règlement n’apporte que des économies limitées pour les armateurs. Par ailleurs, le règlement ne permet pas aux plus petits armateurs de coopérer pour offrir des services alternatifs. »
Un réexamen après quatre ans
En effet, le règlement d’exemption des consortia permet aux armateurs d’opérer des services en mutualisant leurs navires. Le règlement est examiné tous les quatre ans. En décembre 2019, la Commission a décidé de prolonger le règlement pour une durée de quatre ans. Alors, avec cette décision, la Commission siffle la fin de la récréation pour les armateurs.
Le double effet de la décision
Derrière cette décision se dessine une décision à double effet. Le premier est politique. À huit mois des élections européennes, prévues en juin 2024, la Commission européenne fait le ménage. Elle renforce son idéologie libérale. Pour certains observateurs, cette décision intervient dans un climat politique où le protectionnisme de certains pays membres prend de l’ampleur. En refusant la prolongation de cette exemption, la Commission les drague. En effet, elle donne la possibilité aux plus petits opérateurs, notamment européen, de pouvoir prendre des parts de marché face aux armements imposants qu’ils soient européens ou étrangers.
L’avenir des alliances
D’un point de vue économique, la fin de cette exemption pourrait redessiner les services et les alliances qui desservent l’Europe. Déjà, l’annonce en début d’année de la fin de l’alliance entre Mærsk et MSC a secoué le monde de la conteneurisation. Des deux grandes alliances présentes sur les lignes est-ouest, The Alliance et Ocean Alliance, qui restera et dans quelles conditions ? S’il est encore trop tôt pour le savoir, les états-majors des armateurs doivent revoir leurs dessertes qui tombent sous le coup de ce règlement.
Le Clecat se félicite
Quant aux organisations professionnelles, si certaines accueillent favorablement cette décision, d’autres la regrettent. Du côté des partisans du retrait de ce règlement, le Clecat, organisation européenne des commissionnaires de transport, se félicite de cette décision. L’organisation des commissionnaires a répondu au questionnaire de la Commission avec la Feport, regroupant les manutentionnaires et les chargeurs, regroupés au sein de ESC. « Les commissionnaires combattent depuis longtemps ce règlement d’exemption des consortia », indique un communiqué de presse. Et la directrice générale du Clecat, Nicolette van der, salue la décision de la Commission. « Elle a écouté la voix des commissionnaires. Au cours des auditions, le Clecat a rappelé que ce règlement ne remplit plus les critères d’efficacité. Nous avons aussi relevé que le règlement offre des champs d’application excessif, au-delà des besoins nécessaires pour les accords d’échanges. »
Une période d’incertitude
Du côté des opposants, le World Shipping Council (WSC), regroupant les principaux armements de lignes régulières, regrette la décision. Dans un communiqué, il rappelle que les consortia permettent aux armements une plus grande efficacité dans la gestion de leurs navires tout en assurant une concurrence. John Butler, président du WSC, souligne que « l’application du droit commun de la concurrence créé une période d’incertitude pendant laquelle les armateurs devront ajuster leur offre. »
Les consortia ne sont pas illégaux
Néanmoins, l’organisation des armateurs rappelle les propos de la Commission. Les consortia ne deviennent pas illégaux. Les armateurs opérant avec des accords de partage « évalueront la compatibilité de leurs accords de coopération avec les règles de concurrence de l’UE en se basant sur les orientations détaillées fournies dans le Règlement d’exemption par catégorie horizontale et le Règlement d’exemption par catégorie de spécialisation ».
Un nouveau monde va naître
Après cette annonce et les premières réactions, les opérateurs voient naître le premier jour de leur nouvelle vie. Du côté des armateurs, il faut redéfinir les services, évaluer l’impact sur les alliances et trouver un moyen de conserver ses parts de marché dans un monde de baisse importante de rentabilité depuis le début de l’année. Pour les armateurs de taille modeste, cette décision peut leur ouvrir la porte à exister à côté des mastodontes du liner.
L’avenir des armements de taille moyenne
Quant aux effets sur les taux de fret, ils sont hypothétiques. La grande inconnue demeure sur les services. L’avenir des compagnies maritimes de taille moyenne est compromis. Après avoir investi dans des navires de grande taille, il leur faudra remplir suffisamment leurs cales pour conserver une rentabilité. Cependant, remplir seul des navires de grande taille n’est pas aisé. Alors, au lieu de donner une chance à tout le monde, la fin des consortia pourrait sonner le glas de bon nombre d’opérateurs de taille moyenne.
Un effet boule de neige
Enfin, cette décision européenne peut être la mèche d’une bombe plus importante. En refusant les consortia, l’Europe veut donner le La. Une décision qui peut créer un effet boule de neige auprès des autres instances politiques régionales et nationales. La réaction des autres blocs, comme les États-Unis, l’Australie et la Chine est attendue. Ces pays peuvent s’engouffrer dans la brèche ouverte par la Commission européenne.