Corridors et logistique

Les défis et les choix pour la décarbonation du transport maritime

Le rapport annuel de DNV présente les prochaines échéances de la décarbonation du transport maritime. Paul Adrian, président d’Adinergy, nous livre une synthèse de ce rapport.

De par sa dimension internationale, le secteur maritime est soumis aux standards et règlementations globaux. L’OMI a fixé en 2018 l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50% par rapport au niveau de 2008. Ces exigences devraient se renforcer encore en 2023 avec un rehaussement de l’objectif. En effet, il s’agit de décarboner totalement le secteur d’ici 2050, indique le rapport annuel de DNV. L’analyse des éléments de ce rapport par Paul Adrian, président d’Adinergy, nous permet de faire le point sur les choix et les défis de la décarbonation du secteur maritime.

Un secteur consommateur d’électricité

Comme pour les autres secteurs de l’économie à décarboner, le secteur des transports, et le maritime en particulier, seront grands consommateurs d’électricité dans un futur proche. Hydrogène, ammoniaque, e-Méthanol seront produits à partir d’électricité verte pour pouvoir, à leur tour, décarboner le secteur maritime.

Le maritime dans les ETS en 2024

L’Union Européenne est le seul régulateur majeur, parallèlement à l’IMO, à imposer des exigences en matière d’émissions de gaz à effets de serre (GES) aux navires. En effet, le système d’échange de quota d’émissions (ETS) devrait inclure le shipping en 2024. Pour atteindre ces objectifs des politiques nationales et régionales existent ainsi que les initiatives de l’ensemble des parties prenantes.

L’électrification, une solution partielle

L’électrification du secteur maritime ne sera possible, dans l’état actuel de la technologie des batteries, que pour les escales des navires et les navigations côtières ou intérieures. Le transport maritime international doit se trouver d’autres solutions à plus forte densité énergétique.

Un panier de solutions

C’est un panier de solution à mettre en œuvre. En premier lieu, le transfert de carburant, du pétrole (MGO/HFO) au gaz (GNL) aura un impact significatif sur les émissions de GES du secteur. En second lieu, la réduction de la vitesse, l’optimisation des voyages, la propulsion vélique, le captage et stockage du CO2 à bord et les améliorations de performance énergétique des navires contribueront toutes à atteindre les objectifs.

Une réduction de 70% de certaines émissions déjà active

La réduction du taux de souffre dans le MGO entrée en vigueur en 2020 a déjà entrainé une réduction de 70% des émissions d’oxyde de soufre émis par le transport maritime, selon les chiffres de l’OMI. Cette mesure a changé en profondeur le type de carburant utilisé par les navires et le mix carburant ne fera qu’augmenter au fil des décennies à venir.

Les carburants du futur

Ce qui sera sans doute la mesure la plus importante en matière de neutralité carbone et gaz à effet de serre sera le développement de carburants alternatifs aux carburants d’origine fossile. Ainsi, les bio-fuels, produits à partir de la biomasse, c’est-à-dire les matières organiques pouvant devenir source d’énergie, seraient le carburant idéal du transport maritime. Effectivement, ils peuvent aisément être convertis en bio-MGO ou bio-GNL à forte densité énergétique. Au vu des volumes nécessaires et considérant le fait que ces bio-fuels seront demandés par tous les modes de transport (route, air et mer), il apparait cependant que la matière première ne serait pas disponible en quantité suffisante. Ainsi, la concurrence entre les modes renforcera les prix et rendra la disponibilité de ces carburants plus aléatoire. Cette concurrence sur les bio-fuels rendra alors les e-fuels compétitifs. Par ailleurs, ils seront produits en quantité suffisante pour le shipping.

Les dérivés de l’hydrogène

A cause de sa faible densité énergétique, l’hydrogène, sous sa forme pure, ne devrait pas trouver le chemin des moteurs des navires. En revanche, des dérivés de l’hydrogène comme l’ammoniaque, le e-méthanol vont se développer et provoquer une forte hausse de la demande d’hydrogène vert (ces deux carburants sont produits à partir de l’hydrogène).

L’intérêt pour l’ammoniaque

L’ammoniaque suscite beaucoup d’intérêt. En effet, il s’agit d’un carburant à zéro émission de CO2 ou GES. Il est aussi plus facile à stocker que l’hydrogène. Les moteurs alimentés à l’ammoniaque ne sont cependant pas une technologie mature. Le principal défi étant la sécurité car l’ammoniaque est un produit fortement toxique et dangereux. Cependant, il est un produit transporté et stocké pour d’autres usages. Ces infrastructures existent donc et pourraient être utilisés dans les ports pour approvisionner les navires.

Le méthanol, une alternative à l’ammoniaque

Pour sa part, l’ammoniaque est stocké à -33°C ou pressurisé à 10 bars en température ambiante. De son côté, le transport et le stockage du méthanol se réalise à température ambiante. Cet alcool réduirait les émissions de SOx et NOx de 60% et les particules de 95% par rapport au HFO. Autre avantage du méthanol par rapport à l’ammoniaque, le premier peut bénéficier des infrastructures de stockage et de bunkering existantes.

Un flash-point bas

De plus, il est plus simple et moins dangereux à utiliser que l’ammoniaque. C’est donc une alternative sérieuse à l’ammoniaque, à la condition de produire du e-méthanol à partir de sources décarbonées. Le défi du méthanol est son flash-point très bas : 11°C contre 60°C pour les carburants conventionnels. Cela représente un risque important qui nécessitera des mesures de sécurité adaptées dont des systèmes de détection incendies car sa flamme est invisible.

Le rôle de l’électricité

Bien que peu applicable aux transports maritimes internationaux, l’électricité jouera un rôle important dans la décarbonation du secteur maritime en fournissant les navires en escale dans les ports. Cette électrification, déjà en cours dans certains ports, permet la réduction de la pollution générée par les ports qui sont le plus souvent insérés dans des bassins à forte population.

L’électricité décliné sur le fluvial

Pour les mêmes raisons, l’électrification du transport fluvial devrait permettre de développer ce mode de transport. Le transfert modal permet une répartition plus équilibrée entre ces trois modes et ces trois infrastructures. Un système d’échange et de standardisation des batteries est en développement. Il permettra de réduire les temps d’immobilisation des bateaux.

Les énergies renouvelables ne suffiront pas

Cette forte augmentation de la demande d’électricité, source unique d’énergie ne semble pas encore prise en compte par les gouvernements européens qui ferment des centrales nucléaires ici ou là en réactivant des centrales à charbon. Les énergies renouvelables, contributrices essentielles, ne suffiront pas du fait de leur intermittence. Des sources de production d’électricité propres, pilotables sont également indispensables. Le vrai défi commence là.