Logistique, un secteur qui recrute : le responsable d’agence portuaire
La logistique est à inscrire parmi les secteurs qui recrutent aujourd’hui. Pour en attester, nous avons interrogé des professionnels pour comprendre les raisons de ces tensions. Nous publions en trois épisodes, notre enquête sur le sujet. Le troisième volet de cette enquête se focalise sur le métier de responsable d’agence portuaire.
Après la crise sanitaire de 2020, l’économie a connu sur la fin de l’année 2021 et en 2022 un regain d’activité. Face à une telle croissance de la demande, le secteur logistique a dû répondre aux besoins des industriels et des consommateurs. Des chauffeurs routiers aux marins en passant par les opérationnels et logisticiens, tous les métiers ont subi une tension plus ou moins intense.
La valorisation des compétences et formation de nouveaux talents
Si les déclarants en douane et les agents de transit souffrent d’un manque de candidats, pour le responsable d’une agence de Bolloré Logistics dans un port, toutes les fonctions de l’agence doivent être surveillées. Sandra Aguiar dirige l’agence de Fos-sur-Mer composée de 25 personnes. Ils sont agents de transit, opérateurs du positionnement des conteneurs (le service appelé TC Haulage), déclarants en douane mais aussi opérationnels pour la partie plate-forme de distribution. Au total, l’agence de Fos-sur-Mer dispose d’une trentaine de salariés dont 25 œuvrant sur des fonctions administratives et six dans l’entrepôt.
Une sous-traitance pour certaines activités
Les fonctions opérationnelles de l’entrepôt sont sous-traitées à un opérateur en lien avec un coordinateur, salarié de Bolloré Logistics. Cette sous-traitance se décline uniquement pour les opérations de certains entrepôts. « Nous avons confié ces opérations à une société dont la couverture locale est plus grande que la nôtre », explique Emmanuel Pannier, DRH de Bolloré Logistics.
Les difficultés de recrutement à plusieurs niveaux
La diversité des fonctions de l’agence de Fos oblige la directrice à regarder avec attention tous les métiers. Elle subit, comme ailleurs en France, des difficultés à recruter des agents de transit et des déclarants en douane. Elle constate aussi des difficultés à recruter de bons caristes. «

», confie Sandra Aguiar. Un métier qui est tout aussi essentiel pour la responsable de l’agence : « Un conteneur mal empoté, peut générer des réclamations des clients et nous travaillons avant tout pour satisfaire les besoins des clients. »
Une population tournée vers les métiers de quai
Face aux tensions de ces métiers, la responsable d’agence reconnaît qu’il est difficile de recruter des talents aujourd’hui. En premier lieu, l’installation de Bolloré Logistics à Port-Saint-Louis-du-Rhône n’aide pas toujours pour le recrutement. Ensuite, la population de la ville est davantage tournée vers les métiers sur les quais du port de Marseille-Fos que vers ceux de la logistique ou de la commission de transport.
Accompagnement des jeunes en formation
Alors, pour répondre à ce besoin de personnel, Sandra Aguiar participe, avec d’autres dirigeants d’entreprises de logistique, à l’accompagnement des jeunes en formation. L’objectif étant de les attirer vers les métiers de la logistique et du transit. « Nous avons ainsi embauché des jeunes après les avoir formés en interne et permis d’atteindre le niveau bac +2, essentiel pour entrer chez Bolloré Logistics. Nous continuons ces actions pour attirer de nouveaux talents », confie la responsable de l’agence de Fos.
Des métiers peu connus
Plus généralement, continue Sandra Aguiar, les métiers de la logistique sont peu connus, dès lors qu’on s’éloigne d’un port ou d’un aéroport. De plus, c’est un métier prenant, stressant par certains égards et qui demande un certain investissement, de l’énergie et de l’agilité. « Mais, c’est un métier passionnant dès lors qu’on aime le mouvement dans sa vie professionnelle ».
Une stratégie à deux niveaux
Pour acquérir de nouveaux talents au sein de ses équipes, la direction de Bolloré Logistics a déployé une stratégie de grande envergure. Elle s’est déclinée à deux niveaux. D’une part, il a fallu mettre en place des mesures pour fidéliser les collaborateurs actuels. Ces actions menées par l’entreprise n’ont pas été que salariale. D’autre part, il a aussi été question de développer la mobilité interne, « un atout que Bolloré Logistics peut proposer compte tenu de son rayonnement au niveau national et international », précise le DRH de Bolloré Logistics.
L’atout de Bolloré Logistics
Ces dispositifs de maintien des salariés en poste constituent aussi des atouts dans le cadre de recrutement de nouveaux talents comme le confirme Emmanuel Pannier. « En offrant des opportunités de mobilité interne, nous pouvons pourvoir des postes qualifiés en interne et donc nous concentrer sur le recrutement de personnes parfois sans qualifications. Il s’agit de personnes qui ne connaissent pas les fondamentaux du transport et que nous allons former à nos métiers. »
Des formations en coopération avec Isteli
Alors, ces formations que l’entreprise entreprend depuis de nombreuses années, elle les mène dans le cadre notamment d’une coopération avec le groupe Isteli. Elles permettent de disposer des fondamentaux dans le secteur du transport et de la logistique. Chaque année, Bolloré Logistics forme ainsi entre 15 et 40 collaborateurs. Et cette formation est gratifiée par l’obtention d’un diplôme de niveau Bac +2. Si le système a fonctionné pendant quelques années, il a fallu changer de braquet en 2022 pour répondre aux besoins des ressources humaines. « Nous avons eu besoin d’un dispositif accéléré pour former des personnes sans connaissances du secteur des transports », continue Emmanuel Pannier.
Une formation théorique et sur le terrain
Ce dispositif prévoit une formation théorique de 140 heures avant d’intégrer un poste d’agent de transit. Les personnes doivent ensuite être formées sur le terrain pour s’adapter aux flux sur lesquels ils travailleront. Cette formation, adaptée aux besoins de Bolloré Logistics, est dispensée par un organisme privé extérieur.
Une formation propre à chaque agence
L’organisme de formation est capable d’intervenir sur l’ensemble du territoire. « La difficulté est que chaque formation est propre à une agence. Or, nous ouvrons ces formations pour une quinzaine de personnes. L’agence doit pouvoir intégrer ces futurs agents de transit après leur formation. Cela concerne donc principalement nos grands hubs maritimes et aériens sur le territoire français », précise le DRH de Bolloré Logistics. Ainsi, à l’issue des 140 heures de formation, les personnes sont recrutées en CDD de six mois et peuvent être reconduits en CDI. Ainsi, en janvier 2022, plus de 50 % des personnes ayant suivi la formation ont été recrutées en CDI.
Une formation pour les agents de transit
Ce système de formation pour déboucher sur un CDD puis un CDI s’est, à ce jour, limité aux agents de transit. Pour les caristes et les préparateurs de commande, le besoin ne s’est pas fait sentir aussi fortement. Pour ces métiers, les besoins sont ponctuels et localisés sur des marchés où la logistique est importante comme en Rhône-Alpes et en Alsace. « Nos besoins ont été parfois de deux ou trois personnes, ce qui ne justifie pas d’ouvrir une formation. », précise Emmanuel Pannier.
Un manque d’attrait pour le secteur
Cette tension des métiers de la logistique tient aussi au manque d’attrait du secteur. Les organismes de formation sont nombreux en France et suffisants, selon le DRH de Bolloré Logistics France. La principale difficulté vient du recrutement des candidats à entrer dans ces formations. « Quand le manque de salariés se fait sentir, c’est à nous d’investir dans le recrutement en proposant des formations. » Ainsi, les responsables des agences locales participent au cycle de formation en dispensant des cours ou en participant à des jurys.
Le recrutement de deux formateurs
Pour compléter le dispositif, la direction des ressources humaines prévoit de recruter deux nouveaux formateurs, un dans l’activité maritime et un pour l’aérien. Ils auront la charge de former, à n’importe quel niveau, des candidats qui ne connaissent pas le métier d’agents de transit et d’agents du service clientèle. Alors, ce dispositif permettra de former de nouveaux collaborateurs mais aussi de former des salariés en reconversion ou en reclassement interne.
« Nous avons tout le temps besoin de nouveaux collaborateurs »

Ces tensions du marché de l’emploi sont cycliques. « Nous avons tout le temps besoin de nouveaux collaborateurs pour faire face à un turn-over naturel des salariés avec les départs en retraite ou les changements de vie. » Même si les prévisionnistes estiment que l’activité logistique va connaître une détente en 2023, les besoins en personnel restent toujours présents, à des niveaux plus ou moins élevés. De plus, la période du Covid-19 a eu un impact pour les ressources humaines de Bolloré Logistics. Comme dans d’autres secteurs d’activités, quelques salariés ont aspiré à un changement de vie professionnelle.
Transformer l’alternance en CDI
Pour le responsable des ressources humaines de Bolloré Logistics France, le marché français est demeuré relativement protégé. En effet, « la situation était déjà plus complexe en Europe du Nord et aux États-Unis bien avant la crise sanitaire. Les confinements ont aggravé une situation déjà compliquée. » Pour y faire face, l’entreprise a créé un dispositif de formation par alternance avec la possibilité pour une majorité des alternants de transformer leur contrat en CDI ou en VIE à la suite de l’obtention de leur diplôme. « Cela permet de solutionner une partie des recrutements ».