Corridors et logistique

Panama et Suez : deux canaux pour une logistique maritime à revoir

L’économie logistique se complique en cette fin d’année. Les menaces d’attaques par les Houthis incitent les armateurs à dérouter leurs navires par le sud de l’Afrique. À l’ouest, le canal de Panama relâche la pression mais, les transits sont toujours limités.

La tâche se complique. Alors que le canal de Panama connaît des restrictions de passage depuis le mois d’octobre, les menaces d’attaque des Houthis vient compliquer l’exercice logistique. En effet, les forces armées houthis annoncent considérer comme une cible tous les navires qui sont en relation avec Israël.

Le déroutement ne concerne pas uniquement les conteneurs

Dans ce contexte, les armements préfèrent éviter d’emprunter le détroit de Bab el Mandeb et le canal de Suez. La solution pour les navires qui viennent d’Asie en direction d’Europe, ou en sens inverse, consiste à se dérouter par le sud de l’Afrique. Ces décisions ont concerné, jusqu’alors, les armements conteneurisés. Cependant, les compagnies opérant dans le vrac ou avec d’autres navires s’alignent sur cette décision.

BP évite la mer Rouge

Ainsi, Lloyd’s List annonce le déroutement des navires de BP pour les voyages entre le golfe Persique et l’Europe. Et cette décision pourrait être suivie dans les prochains jours par les grands noms du transport pétrolier mais aussi des vracs secs. Dans une dépêche, l’agence de presse Reuters liste les compagnies maritimes qui déroutent leurs navires.

Une liste appelée à s’allonger

Alors, au 18 décembre, Frontline, Euronav, Wallenius Wilhelmsen s’ajoutent aux armements conteneurisés. Parmi ces derniers, outre CMA CGM, MSC, Mærsk, Hapag Lloyd des compagnies comme Evergreen, Yang Ming, OOCL, ONE, Wan Hai et Hyundai Merchant Marine déroutent certains services. Cette liste n’est pas exhaustive et pourrait s’allonger dans les prochains jours.

La présence des marines militaires

Pourtant, les marines militaires occidentales déploient plusieurs navires sur zone. « La marine nationale déploie en permanence des capacités dans cette zone, dans un cadre européen avec les missions Agénor et Atalante ou par le soutien à des coalitions navales comme la Combined Task Force 153, initiée par les États-Unis pour la sécurité maritime en Mer rouge », indique un communiqué du ministère des Armées. Néanmoins, la mise en place de cette force navale peut prendre plusieurs jours.

Le double choix armatorial

Dans l’attente de disposer d’une sécurité renforcée, le choix pour les armements est double, indique Lars Jensen dans un post sur Linkedin. D’un côté, les armements attendent que la situation s’améliore pour rejoindre le canal de Suez soit depuis la Méditerranée soit depuis l’océan Indien. La seconde alternative vise à opérer un demi-tour et emprunter la route par le sud de l’Afrique. Cependant, continue Jars Jensen, ce choix entraîne une hausse des coûts opérationnels. « Les coûts de transit et de soutes pourraient s’élever à plus de 2 M$ par navire. Il est donc compréhensible que les navires patientent au large du détroit de Bab el Mandeb depuis plusieurs jours », continue l’expert.

Le détroit de Bab el Mandeb toujours fréquenté

Cependant, les risques n’effrayent pas tous les armateurs. Le 20 décembre, de nombreux navires se rendent de Mer rouge vers l’océan Indien et en sens opposé. Une navigation qui se réalise avec des assurances risques de guerre élevées. Or, le calcul entre le choix de dérouter le navire vers le sud de l’Afrique avec les coûts supplémentaires et celui qui prévoit le paiement d’une surprime risques de guerre semble plaider pour la seconde option pour certains opérateurs.

À l’ouest, le canal de Panama toujours en restriction

Si la situation en mer Rouge reste compliquée, elle n’est pas entièrement bloquée, comme cela a pu être le cas en 2020 lors de l’échouage de l’Ever Given qui a bloqué le canal de Suez pendant plusieurs jours. La complexité de la situation actuelle tient aussi aux restrictions imposées par le canal de Panama. Le pays vit une sécheresse sans précédent. Pour préserver les réserves d’eau potable, l’autorité du canal de Panama a décidé de restreindre le nombre de passage par jour. Une situation qui créé des tensions. Début décembre, plus de 100 navires patientent à chaque extrémité du canal.

Deux passages supplémentaires

En effet, l’autorité du canal a décidé de restreindre à 24 passages de navire par jour sur le mois de décembre. Or, il semble que les dieux de la pluie soient un peu de la partie. Ainsi, le 15 décembre, l’autorité du canal de Panama a accordé un passage supplémentaire dans les écluses pour les neo-Panamax et un passage par les écluses pour les Panamax. Sans que cette décision ne débloque véritablement la situation, il s’agit d’une bulle d’air pour le commerce international.

L’effet de ces perturbations sur les surcharges

La situation de ces deux voies maritimes a des conséquences importantes. Pour rappel, à compter du 1er janvier, le règlement européen sur l’ETS (système de quota des émissions de carbone) entre en vigueur. Chaque conteneur, tonne de céréale ou marchandises qui est déchargée dans un port européen fait l’objet d’une analyse de son empreinte carbone. Alors, les armateurs appliquent une surcharge pour faire payer les coûts supplémentaires liés à cette règlementation. Cependant, le rallongement des parcours maritimes, en raison des perturbations au Panama et en mer Rouge, vont se répercuter sur ces surcharges.

La double peine pour les chargeurs

Alors, pour finir, le destinataire va avoir une double peine. Les conteneurs ou marchandises partis avant la crise en mer Rouge devraient avoir un retard de plusieurs jours en raison du temps de transport allongé. Une situation qui se décline aussi pour les services empruntant le canal de Panama qui préfèrent se dérouter par le sud de l’Amérique. Et ce temps de transport va alourdir la facture des surcharges ETS. Pour résumer, si 2023 a parfois été une année compliquée, 2024 s’annonce comme une équation avec de nombreuses inconnues.