Ukraine : un an après le début du conflit, la logistique céréalière toujours au cœur
Un an après le début du conflit entre l’Ukraine et la Russie, la situation de la logistique céréalière ne s’améliore pas malgré l’entrée en vigueur des corridors maritimes humanitaires.
Lors du Salon international de l’Agriculture, France AgriMer a présenté le bilan d’un an de conflit entre l’Ukraine et la Russie. Pour Marc Zribi, chef de l’unité grains et sucre de France AgriMer, le conflit est intervenu dans une situation de crise continue depuis quatre ans.
Quatre ans de crise
En effet, déjà en 2018 les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis ont commencé à tendre la situation politique et économique. En 2020, la crise sanitaire a perturbé le monde du mois de mars jusqu’à l’automne 2021. Ensuite, la reprise économique dans des proportions importantes a créé des perturbations sur les chaînes logistiques maritimes. « C’est dans ce contexte difficile qu’est intervenu le conflit en Ukraine », a rappelé Marc Zribi.
Des crises climatiques
Ajoutées à ces tensions politiques et économiques, les crises climatiques ont encore plus détérioré la situation. Pour mémoire, au cours de l’été 2021, le Canada et les États-Unis ont subi un « dôme de chaleur » qui a pesé sur les récoltes céréalières. À ce dôme a suivi des ouragans pendant l’automne qui ont endommagé les plates-formes offshore de production de gaz. « Alors, quand le conflit va éclater, ces tendances vont se trouver amplifier ».
Russie et Ukraine: 75% des exportations d’huile de tournesol
En premier lieu, a rappelé Marc Zribi, l’entrée en guerre de l’Ukraine et de la Russie met en lumière la sécurité alimentaire pour de nombreux pays. Pour mémoire, l’Ukraine se place au 4è rang des exportateurs de maïs, au 2è rang des exportateurs d’orge et au 8è rang pour le blé. Pour sa part, la Russie se positionne comme le premier exportateur mondial de blé. Au total, ces deux pays représentent 75% des exportations d’huile de tournesol, 28% du blé et 29% de l’orge et 15% du maïs.
Des exportations de 4,4 Mt avant le conflit
Des produits qui sortent par les ports de la mer Noire. Or, les navires en cours de chargement avant le conflit sont bloqués dès le début du conflit par la Marine russe. Si une partie de la production céréalière a déjà quitté l’Ukraine avant le conflit, les experts estiment que 19 Mt de maïs et 14 Mt de blé sont coincées dans les ports ukrainiens. En février 2022, avant le déclenchement du conflit, l’Ukraine exportait 4,4 Mt de céréales par mois. Le conflit a mis un terme à ces flux.
Les Solidarity Lanes pour sortir des céréales par voie terrestre
Pour éviter une crise alimentaire mondiale, la logistique organise des couloirs pour acheminer les produits vers les principaux marchés. Alors, dès le mois de mars, les Solidarity Lanes sont mis en place. Il s’agit d’exporter par voie ferroviaire et fluviale les céréales ukrainiennes vers l’Union européenne. Les premiers mois sont difficiles pour mettre sur pied toute l’organisation. En mars 2022, les exportations ukrainiennes atteindront 280 000 t. Progressivement, les Solidarity Lanes s’organisent et permettent de sortir jusqu’à 1,8 Mt sur le mois de juin.
L’accord sur les corridors maritimes
Ensuite, en août, l’accord signé entre les Nations Unies, la Turquie et les deux belligérants permets d’exporter des céréales depuis les trois ports ukrainiens d’Odessa, Yuzhni et Chornomorsk. Un système qui fonctionne puisqu’entre septembre et décembre, ce seront environ 5 Mt de céréales qui sortiront d’Ukraine. Ainsi, au 24 février, les corridors maritimes ont permis l’exportation de 22 Mt. Les acheminements ferroviaires ont vu transiter 9,3 Mt et les expéditions par voie fluviale ont concerné 7,5 Mt, soit au global 38 Mt. L’effet direct a été de desserrer l’étau sur les prix des céréales.
Négociations ouvertes pour le renouvellement
Après un an de conflit, la situation ne semble pas se résoudre dans un court terme. La prochaine échéance doit intervenir le 18 mars. À cette date, l’accord sur les corridors maritimes doit être renouvelé. L’Ukraine a demandé à entrer dès le début du mois de mars en négociation. Kiev voudrait étendre cet accord à d’autres ports, notamment celui de Mykolaev, voire de disposer d’une extension sur six mois. Dans l’hypothèse où les corridors maritimes seraient maintenus, les stocks de blé actuels pourraient être résorbés d’ici au mois de septembre.
Aider les pays dépendants à produire plus
Sur le plus long terme, les experts rappellent que le marché mondial des céréales ne pourra pas se passer des productions russes et ukrainiennes. De nombreux pays sont dépendants de ces deux pays comme l’Égypte, la Turquie, l’Iran, la Lybie ou encore la Tunisie. Pour Philippe Mitko, président de Cocéral, l’avenir doit se bâtir sur la continuation de la production en Europe. « Nous devons faire en sorte que les marchés restent fluides ». Ensuite, il est vital pour l’avenir d’aider les pays dépendants aux productions des pays de la mer Noire à augmenter leur production.