Corridors et logistique

Vracs secs : une conjoncture favorable sans effets pour les armateurs

Au premier trimestre, le marché des vracs secs s’oriente à la hausse. Les principaux vracs, comme les minerais, le charbon et les produits agricoles affichent une reprise. Une situation qui n’a pas profité aux armateurs.

Les économies mondiales résistent à la vague d’inflation qui survient dans le monde. Ainsi, dans la zone Euro, l’économie enregistre une progression de 0,1%. Un score meilleur que sur le dernier trimestre 2022 qui affichait une croissance nulle. Du côté de la Chine, après des périodes de confinement et de déconfinement, le gouvernement cherche des leviers de croissance.

Une demande plus faible

Alors, sur le premier trimestre de l’année, le monde des vracs secs a continué sur la même tendance que le dernier trimestre 2022. Cette période de l’année reste faible. En effet, avec le Nouvel an chinois et le ralentissement de l’économie de l’Empire du milieu, d’une part, et la baisse des matériaux de construction, d’autre part, la demande a été plus faible. Dans ce contexte, les armateurs ont adapté la vitesse de leurs navires au marché pour préserver des taux de fret. Ce phénomène a permis de résoudre en partie la congestion portuaire.

Une progression de 6,8% des volumes

Dans le même temps, la fin de la politique Zéro Covid de la Chine a relancé, après le Nouvel an chinois, l’économie nationale. Alors, sur les trois premiers mois de l’année, le volume des vracs secs a progressé de 2% comparativement au dernier trimestre 2022 à 1 200 Mt. Une progression qui s’élève à 6,8% par rapport au premier trimestre 2022.

Reprise de la production d’acier

Pour aller plus en détail, la production d’acier a augmenté. En Chine, elle enregistre une hausse de 9,4%. Elle a profité de la reprise de l’activité industrielle. Allant de pair avec cette reprise, les trafics de minerais de fer s’inscrivent dans la même tendance. Les importations progressent de 9,1% par rapport au premier trimestre de 2022. La même situation se retrouve pour le marché indien. La production d’acier a augmenté de 3%. Le gouvernement de New Delhi espère doubler sa production d’acier d’ici à 2030.

Charbon; une hausse de 9,1%

Du côté du charbon, les flux s’orientent dans la même direction avec une progression de 9,1% comparativement au premier trimestre 2022. En effet, en Europe, les importations ont progressé de 30,4%. Le conflit en Ukraine a amené les États européens à remettre en service leurs centrales thermiques pour contrecarrer la hausse du prix du gaz. Et, pour les analystes, le recours à une production électrique par le charbon pourrait s’étaler sur plusieurs années. En Chine, après des périodes de confinement, les centrales reconstituent leurs stocks. Dans ces conditions de marché, les flux de charbon sont attendus en hausse sur toute l’année et en 2024.

Hausse des vracs agricoles

Quant aux vracs agricoles, qui représentent 12,7% des volumes transportés par voie maritime, ils sont en hausse de 5,7% d’une année sur l’autre. Maritime Analytics, analystes spécialisés dans les vracs, estime que les produits agricoles augmenteront de 5,2% en 2024.

Pas d’effets de la hausse de la flotte

Du côté de l’offre, la flotte des vraquiers atteint aujourd’hui 980,9 Mtpl, en progression de 8,1 Mtpl. Une hausse plus importante que les précédents trimestres, selon les courtiers. Avec la réduction de la vitesse des navires, cette augmentation de la flotte n’a pas eu d’effets sur la congestion portuaire. Du côté du carnet de commandes, la tendance est à la baisse. Avec 600 000 tpl, le niveau de commandes reste le plus bas depuis le troisième trimestre 2016. Ces nouveaux navires représentent 6,9% de la flotte actuelle.

Les Time Charter Equivalent baissent

À la lumière des éléments précédents, les armateurs opérant dans les vracs secs auraient pu tirer profit de cette situation. En effet, si le marché des vracs secs s’est réveillé en fin de premier trimestre, les taux d’affrètement n’ont pas suivi cette tendance. Ainsi, Genco Shipping, opérant principalement dans le secteur des Capesize et des Ultramax, a vu ses TCE (Time Charter Equivalent) se réduire de 42,1% à 13 947$/j. À titre de comparaison, Eagle Bulk, opérant des Ultramax et Supramax, accuse un repli de 52,9% de ses TCE à 12 917$/j.

Moindre baisse pour les Capesize

Dans le même ordre d’idée, l’armement danois Norden Shipping, opérant dans le segment des Supramax, se range dans la même veine. Il enregistre une baisse de 31,8% de ses TCE à 10 100$/j. Comparativement, Golden Ocean Group, armement opérant des navires de type Capesize et Panamax, enregistre une baisse moindre de ses revenus. Il a limité la baisse de ses TCE. L’armement basé en Norvège voit ses TCE se réduire de 26,9% à 14 929$/j.

Les chiffres d’affaires baissent moins que les TCE

Dans ces conditions, les armateurs ont vu leur chiffre d’affaires se contracter face à la baisse des TCE. Cependant, cette diminution de revenus a été limitée. À titre d’exemple, Norden Shipping voit ses revenus se réduire de 8,2% à 999,2 M$ alors que les TCE perdent 31,8%. Dans le même ordre d’idée, Genco Shipping voit son chiffre d’affaires perdre 30,7% à 94,4 M$ alors que les TCE diminuent de 42,1%. A contrario, Golden Ocean Group voit son chiffre d’affaires en ligne avec la diminution de ses TCE. En effet, il affiche une réduction de 25,9% de ses revenus à 196,5 M$ avec des TCE en baisse de 26,9% à 14 929$/j.

Des perspectives plus ou moins optimistes

Dans leurs présentations trimestrielles les armateurs se montrent confiant pour les prochains mois de l’année. La reprise économique en Chine devrait tirer la croissance économique. Cependant, alerte Norden Shipping, « au second semestre, des croissances économiques plus limitées pourraient limiter la tendance haussière ». Pour sa part, Golden Ocean Group reste plus positif. La demande est attendue en hausse de 3,8% en 2023, en tonnes-miles. Ainsi, contrairement aux analyses de Norden Shipping, Golden Ocean Group prévoit une reprise plus forte au second semestre.