Espagne : la réforme de la gouvernance portuaire sous la loupe
Upply publie une étude réalisée par Daniel Solano sur la stratégie de réforme de la gouvernance portuaire en Espagne.
Une étude publiée par Upply sur le système portuaire espagnol dévoile le besoin d’une réforme de la gouvernance portuaire. Le pays occupe le deuxième rang européen pour le trafic de conteneurs. L’organisation actuelle est définie dans une loi de 2011. Il détermine les principes de base de fonctionnement de ces ports. Parmi ceux-ci se retrouvent l’autonomie, la concurrence entre les ports, l’autosuffisance économique et financière, l’obligation de rentabilité et la solidarité par le biais d’un Fond de compensation interportuaire.
Une combinaison entre autonomie et centralisation
Cependant, l’autonomie portuaire est limitée. En effet, le système actuel combine autonomie des autorités portuaires et centralisation. Les 46 ports regroupés dans 28 autorités portuaires sont chapeautés par Puertos del Estado. Cet organisme public est rattaché au ministère des Transports qui nomme son président. Et cette centralisation, indique l’étude, s’est renforcée au cours des années.
Les effets de la mutation de la logistique portuaire
Ce système fonctionne mais s’est retrouvé confronté à la mutation de l’industrie de la logistique portuaire. Les principales compagnies maritimes ont pris pied dans les terminaux conteneurisés ainsi que dans la logistique terrestre. Ainsi, CMA CGM, Cosco ou encore MSC sont devenus tractionnaires ferroviaires. De plus, en s’implantant dans ces ports, les armements ont intensifié la concurrence entre les ports nationaux. Encore, les autorités portuaires sont confrontées à l’obligation de nouveaux investissements comme des systèmes de digitalisation, l’électrification des quais et l’infrastructure ferroviaire. Enfin, le développement de corridors entre les ports maritimes et les ports secs créent une nouvelle concurrence.
Les revendications de directeurs de ports
Face à ces évolutions, les directeurs de quatre principaux ports (Algésiras, Valence, Barcelone et Bilbao) ont plaidé pour une réforme de la gouvernance portuaire. Leurs revendications tiennent en trois points :
- La nécessité de l’assouplissement de la réglementation et d’une plus grande autonomie de gestion ;
- La revendication d’un régime différencié pour les grands ports ;
- Une réforme des droits de port ;
- Une refonte des conseils d’administration avec une présence accrue du secteur privé.
La publication du Cadre stratégique du système portuaire
De son côté, le gouvernement a regardé l’état des ports. En octobre 2022 il a publié le “Cadre stratégique du système portuaire d’intérêt général » à l’horizon 2030. Le document prend acte des déficiences du système portuaire actuel. Il propose plusieurs pistes de réflexion. Ainsi, il vise à donner au secteur public portuaire le pouvoir nécessaire pour jouer un rôle pertinent. Il s’agit d’étendre l’autonomie des autorités portuaires et de limiter les contrôles administratifs. De plus, il prévoit de « promouvoir un rôle de l’AP plus proche des secteurs économiques présents dans le port. Il s’agirait notamment de lier la participation publique (infrastructures de base) et la participation privée (équipements, bâtiments, etc.) dans les investissements portuaires, dans le cadre d’associations d’un nouveau type auxquelles pourraient participer des acteurs financiers (fonds d’investissement, investisseurs privés banques, etc.), sans oublier les financements publics éventuels (Union européenne par exemple). Puertos del Estado met sur la table une proposition radicalement nouvelle. »
La concertation interportuaire
Une autre piste de réflexion porte sur la mise en place d’un cadre pour la concertation interportuaire. Sans renier la concurrence portuaire, le document propose de partager des ressources ou des objectifs spécifiques comme des produits ou des services. Enfin, le Cadre stratégique veut encourager la création d’espaces de communications entre les autorités portuaires, « jusqu’à aboutir à un cadre de coordination interportuaire, qui “permettra d’atteindre des objectifs plus ambitieux et d’affirmer, à long terme et à sa juste mesure, la représentativité des citoyens dans la zone portuaire », note l’étude de Upply.
Des propositions trop vagues
Ces propositions se sont montrées trop vagues et imprécises. L’organisme public a préféré lancer une concertation plutôt que de définir des lignes précises. « Les “lignes d’action” sont suffisamment vagues pour permettre l’émergence de plusieurs solutions », précise l’étude de Upply. De plus, l’organisme public en profite aussi pour mettre sur la table une idée qui lui tient à cœur depuis longtemps : la coopération interportuaire. Or, cette idée n’a pas fonctionné en Espagne, à l’image de la fusion entre Almeria et Motril qui a pris fin après quelques années d’exercice.
« La réforme de la gouvernance portuaire va se faire »
Cette réforme va se faire, assure Daniel Solano en conclusion. En effet, « le modèle en vigueur est devenu un obstacle à la poursuite du développement des ports espagnols. » Cependant, elle passera plus par des mesures ciblées sur des sujets précis plus qu’une remise en cause de l’ensemble du système. Il pourrait s’agir de mesures sur la fixation des droits de ports, la composition des conseils d’administrations ou encore la collaboration avec les investisseurs privés.