Corridors et logistique

European Car Group : dans un marché changeant, les logisticiens automobiles se penchent sur la décarbonation

Le congrès annuel du European Car Group a pris la mesure du changement dans la production automobile et des règlementations européennes sur les importations chinoises. Les logisticiens automobiles sont revenus sur la collaboration avec les constructeurs pour décarboner la logistique.

La filière de la logistique automobile est inquiète. Lors de son congrès annuel à Hambourg, les responsables du European Car Group ont alerté sur la situation. Le besoin d’investir dans de nouvelles technologies pour décarboner la logistique passera par une plus grande coopération entre les logisticiens et les constructeurs.

Une production de 86 millions de voitures

C’est sur un constat d’une nouvelle donne économique que s’est tenu le congrès d’ECG (European Car Group) à Hambourg du 22 au 24 octobre. Le président d’ECG, Wolfgang Göbel, a commencé par souligner que la production automobile n’est pas entrée dans une spirale descendante. « Elle se stabilise. » Avec 86 millions de voitures produites dans le monde en 2024, elle affiche une baisse de 2%, comparativement à l’année passée. La tendance générale sur les cinq dernières années reste malgré tout orientée à la hausse. Entre 2020 et 2024, la production de voitures a progressé d’environ 20%.

Délocalisations des usines

Le changement qui s’opère dans la production tient principalement aux modifications des lieux de production. Dans son analyse de marché, Mark Fulthorpe, directeur de S&P Global, constate que les centres traditionnels de production (Europe, Amérique du Nord, Corée du Sud et Japon) se contractent. Ils devraient perdre environ 1% de leur part de marché. Dans le même temps, la Chine, l’Inde et l’Amérique du Sud voient leur part de marché s’accroître. Cette tendance se confirme avec la domination chinoise. Depuis 2019, la production automobile de ce pays a progressé de 19%, soit a mise de 19 millions de véhicules sur le marché mondial.

Des accords pour arrêter l’hémorragie

De plus, continue le directeur de S&P Global, la part des constructeurs nationaux en Chine grandi plus vite que celle des fabricants étrangers. Pour inverser cette tendance, les constructeurs automobiles européens et japonais tentent de nouer des partenariats avec des constructeurs locaux. À titre d’exemple, Volkswagen travaille avec SAIC et Xpeng pour avoir un accès à des plates-formes de vente de véhicule. Tata a noué un partenariat avec Chery pour développer une nouvelle marque. Selon S&P Global, ces accords pourraient arrêter l’hémorragie sans pour autant retrouver les volumes d’avant la pandémie.

La Chine, moteur de la logistique automobile

Ainsi, la Chine s’impose comme le moteur de la logistique automobile dans le monde. Les exportations de véhicules chinois dans le monde arrivent à un plafond en 2024 avec environ 4,8 millions d’unités. Un maximum qui pourrait s’étendre jusqu’en 2027, année à partir de laquelle les exportations de véhicules chinois rétrograderaient. Dans le même temps, la production par les constructeurs chinois hors de leur territoire va aller croissante. Elle est estimée à environ 1,3 millions de véhicules dans le monde en 2024. Elle dépassera 3,1 millions d’unités en 2030.

Europe: d’exportateur à importateur net

Cette « délocalisation » de la production chinoise se caractérise par l’implantation d’usines. À titre d’exemple, BYD a déjà monté une usine en Hongrie. Le constructeur vise ainsi le marché européen et du Moyen-Orient pour des modèles électriques et hybrides. En attendant, indique l’expert de S&P Global, « l’Europe est passée du statut d’exportatrice nette à celui d’importatrice nette depuis 2023. »

Des taxes européennes de 7,8% à 35,3%

Dans ce contexte, les autorités européennes tentent de se prémunir pour contenir le flot de véhicules construites en Chine par des taxes. Elles s’échelonnent entre 7,8% pour les Tesla construites en Chine jusqu’à et 35,3% sur les voitures de SAIC. La réponse de Pékin ne s’est pas fait attendre. Par la voix de son ministre du commerce, il a déclaré que cette décision « est injuste. Nous ne l’acceptons pas »

L’effet contre productif des taxes européennes

Les responsables d’ECG n’acceptent pas cette taxe. « Les taxes ne sont pas une mesure utile pour limiter les importations chinoises. Nous avons besoin d’un marché libre », répète le président d’ECG. Or, il apparaît aujourd’hui que le marché de l’automobile entre dans une ère de marché régulé. De plus, la Chine importe plus de véhicules thermiques et hybrides que de voitures électriques. « Avec ces mesures, les Européens sont incités à se tourner vers la production européenne. Or, cela signifie qu’il faut débourser environ 30 000 € pour s’acheter un véhicule électrique. Ces taxes vont dans le sens opposé de ce que l’Europe souhaite en matière de décarbonation de la mobilité », a souligné Constantino Baldissari, trésorier d’ECG. La fin des mesures incitatives des gouvernements européens tend à amener les consommateurs à revenir à des modèles thermiques. « Décarboner la mobilité doit se faire dans un esprit plus pragmatique. L’Europe disposera de la mobilité qu’elle peut s’offrir. Alors, ces taxes tendent à aller à contresens de la décarbonation de la mobilité et de la logistique« , a insisté le vice-président d’ECG, Mark Hindley.

Une collaboration à deux niveaux

Par ailleurs, le congrès est revenu sur la nécessité d’une plus grande collaboration entre constructeurs et logisticiens pour décarboner la logistique. « Nous avons besoin d’une collaboration plus étroite à deux niveaux. D’une part, elle doit se faire entre les opérateurs logistiques et les constructeurs. D’autre part, elle doit se renforcer aussi entre ECG et les constructeurs », a indiqué Wolfgang Göbel. Sur le premier point, le président d’ECG appelle à une stabilité pour permettre des investissements sur le long terme. Du côté de la coopération entre ECG et les constructeurs, le président de l’organisation a indiqué que se développe un indice pour mesurer l’empreinte carbone des opérations logistiques. « Nous développons cet outil actuellement dans un esprit de coopération. L’objectif est d’offrir à tous les acteurs de la chaîne logistique un outil simple et fiable ». Ainsi, le sujet est aussi étudié par les étudiants de l’Académie d’ECG. Des 28 étudiants, une partie travaille, dans le cadre de leur formation, sur les bases de cet indice. « Cette académie devient un véritable laboratoire. Nous avons confiance en la jeunesse pour trouver des solutions simples et efficaces. »

L’infrastructure de recharge des camions électriques

Cette collaboration avec les constructeurs doit permettre aux opérateurs d’entreprendre les investissements nécessaires pour la décarbonation. Alors, l’utilisation de camions électriques est revenue sur le devant de la scène. Si l’offre des constructeurs tend à s’améliorer, l’infrastructure des recharges reste en débat. « Nous devons agir par nous-mêmes, a déclaré Wolfgang Göbel. Nous avons besoin d’un cadre européen. Pour le reste, nous nous en occupons. »

Renault intègre le camion électrique dans le Nord

Et pour montrer que le camion électrique peut avoir une place de choix dans les opérations logistiques, François Prince, directeur général de la logistique des véhicules chez Renault, a expliqué son schéma. Le système est développé pour les entrées dans les usines du nord de la France. « Nous avons créé un éco-système local avec des transporteurs régionaux. » Le principe est d’avoir des camions électriques qui sont en permanence sur la route. Ils déposent les marchandises et repartent aussitôt avec une autre remorque. « Nous avons fait en sorte d’avoir des sous-traitants qui ne sont pas éloignés à plus de deux heures de nos usines pour assurer des flux constants avec ce type d’engins. » Cette expérience démontre de la faisabilité de ces opérations logistiques, même si le prix du transport dépasse celui qui serait appliqué avec des camions thermiques. « Nous regardons maintenant pour implanter ce système dans d’autres régions ».

Passer au ferroviaire

Cette décarbonation de la logistique passe aussi par un virage avec le ferroviaire. « Des sociétés ont entrepris de construire des wagons pour proposer des offres logistiques », a indiqué le président d’ECG. Cependant, ce tournant vers le ferroviaire est plus lent. Le handicap du rail vient que les constructions neuves remplacent les wagons mis au rebut. De plus, le réseau demeure dans un état relativement peu satisfaisant. « Nous avons créé un groupe de travail sur la logistique ferroviaire appliquée à l’automobile pour réfléchir sur les actions à entreprendre », assure Wolfgang Göbel.