Les craintes de l’industrie gazière de la fermeture du détroit d’Ormuz
Après la saisie par les Gardiens de la révolution du MSC Aries, les experts géopolitiques s’interrogent sur les conséquences d’un blocage du détroit d’Ormuz. Dans sa newsletter de mai, le courtier de fret grec, Intermodal, analyse les effets pour le marché du gaz et du pétrole.
Entre l’Iran et Oman, le détroit d’Ormuz mesure, à son point minimal, 29 miles nautiques, soit environ 53 km. Pour mémoire, le détroit du Pas de Calais est distant de 31 km entre Calais et Douvres. Ainsi, les deux pays qui bordent le détroit d’Ormuz sont à un jet de pierre. Dans le contexte géopolitique actuel, la menace de fermeture de ce détroit pèse lourdement.
20% du GNL passe par Ormuz
Et cette menace est d’autant plus inquiétante pour le marché du gaz et du pétrole. Le détroit d’Ormuz permet d’accéder au golfe Persique dont les principaux producteurs mondiaux de gaz, comme le Qatar et l’Arabie Saoudite. Il n’en faut pas moins pour les acteurs du marché gazier et pétrolier de s’inquiéter. Dans son rapport hebdomadaire, le coutier de fret Intermodal rappelle que 20% du trafic de GNL emprunte ce détroit. De plus, l’utilisation de cette route maritime demeure la seule alternative. « Contrairement au pétrole qui peut utiliser le pipe-line vers Yanbu, le gaz ne dispose pas de solution alternative », souligne Yiannis Parganas, directeur du département recherche d’Intermodal.
Un trafic réalisé par des méthaniers
En 2023, le Qatar et les Émirats arabes Unis ont exporté 113,8 milliards de m3. Certes, le Qatar a installé un gazoduc dont la capacité annuelle est estimée à 20 milliards de m3. Pour assurer sa fluidité, la quasi-totalité de ce trafic est donc réalisé par des méthaniers. De plus, Oman dispose d’un terminal gazier directement sur la mer d’Arabie dont l’utilisation est aujourd’hui proche de la saturation. Et pour compléter ce tableau, 80% de la production de gaz des pays de la région partent en direction de l’Asie. Les 20% restants le sont vers les pays européens et, dans une moindre mesure, le Koweït.
Difficile de remplacer ce marché
Le paysage brossé, il apparaît donc certain que le blocage du détroit d’Ormuz créerait des perturbations sans précédent pour la filière énergétique des pays destinataires. « Le blocage signifie un manque de 310 Mm3 par jour de GNL. De plus, les capacités de liquéfaction en dehors du golfe Persique atteignent leurs limites. » Ainsi, indique Intermodal, en 2023, l’Australie a utilisé ses capacités à 90 %, les États-Unis sont à 100 %, la Malaisie à 85 % et la Russie a dépassé ses limites. Par conséquent, « il serait difficile de remplacer ce volume perdu. Un tel événement entraînerait une grande volatilité des prix de tous les produits énergétiques, comme le gaz, le pétrole et ses dérivés, et le charbon. Cela nécessiterait une redéfinition des schémas commerciaux. Les marchés asiatiques chercheront à compenser la perte des exportations du Qatar et des Émirats arabes unis. »
Les conséquences sur la production énergétique
Par ailleurs, pour le courtier de fret, les prix du GNL monteraient probablement en flèche, car les pays asiatiques se tourneraient vers d’autres marchés, tels que les États-Unis. Ces derniers entretiennent des relations commerciales plus étroites avec l’Europe. En outre, la fermeture du détroit d’Ormuz et des approvisionnements en GNL pourrait entraîner une baisse de la production électrique à partir de gaz. Or, l’alternative au gaz pour l’électricité ne pourrait pas être le pétrole. En effet, une grande partie des flux passe aussi par ce détroit. Alors, conclu Intermodal, « le charbon pourrait devenir une source d’énergie alternative, comme on l’a vu lors du conflit Russie-Ukraine de 2022. »
Un scénario peu probable
Ce scenario catastrophe semble malgré tout relever plus de la politique-fiction que de la réalité. « La probabilité d’une telle action de l’Iran reste faible. La forte dépendance des marchés asiatiques à l’égard du gaz du golfe Persique, et le temps nécessaire pour que les répercussions se fassent sentir sont peu probables », souligne Yiannis Parganas. Pour le responsable d’Intermodal, le pétrole représente entre 20% et 25% du PIB de l’Iran. Alors, bloquer le détroit d’Ormuz « aurait de graves répercussions sur sa propre économie ».