Corridors et logistique

Marchés: les pétroliers et les vraquiers se déroutent vers le cap de Bonne-Espérance

Les marchés pétroliers subissent une baisse des taux pour les VLCC mais une progression sur les MR et les LR. Quant au marché des vracs secs, ils progressent, à l’exception des Capesizes. À quelques jours du Nouvel An chinois, la faillite d’Evergrande inquiète.

Le marché pétrolier peine à remonter la pente malgré des signes économiques positifs, indique le courtier Intermodal. Au cours de la semaine du 22 février, les VLCC accusent une baisse dans les taux de fret. Au départ du golfe Persique vers la Chine, ils diminuent de 11,4%. La situation est identique dans le bassin Atlantique et au départ de golfe du Mexique vers la Chine. Ces derniers affichent une perte de 4,8% au cours de la semaine.

Le déroutement par le cap de Bonne-Espérance

Cependant, la crise en mer Rouge n’épargne pas le marché des pétroliers. Ainsi, les cargaisons depuis le golfe Persique vers la Méditerranée empruntent la route par le cap de Bonne-Espérance. Un déroutement qui allonge le temps de transport de deux semaines et de 4900 miles. Alors, cette crise entraîne une augmentation de 130% des tonnes-miles pour les navires Suezmax sur cette route. Les liaisons entre le Moyen-Orient et la Méditerranée sont assurées en grande partie par des Suezmax. Le déroutement par le Cap de Bonne-Espérance a aussi un effet sur la disponibilité des navires en raison de l’allongement du transport.

Une demande mondiale en croissance

Pourtant, la demande mondiale croît. Le prix du baril ne cesse d’augmenter ces derniers jours. Des signes de croissance aux États-Unis et les stimulus du gouvernement chinois pour la relance de l’économie participent à une demande plus forte. De plus, la baisse des stocks aux États-Unis. Cependant, des attaques des Houthis contre des pétroliers inquiètent les marchés (voir encadré).

Le marché des MR en forme

Du côté des produits pétroliers, les navires de type MR (Medium Range de 25 000 tpl à 45 000 tpl) semblent rompre avec la tradition, en ce début d’année. En effet, les premiers mois de l’année restent généralement calmes. Or, depuis le début du mois de janvier, les taux de fret pour ces navires dans le Pacifique doublent à 56 707 $/j. Un niveau que le marché n’a pas connu depuis décembre 2022. La situation se décline aussi en Atlantique avec une progression de 31% depuis le début de l’année à 36 460$/j.

Les taux doublent pour les Long Range

Cette bonne santé des MR déteint pour les LR (Long Range, navires de 45 000 tpl à 80 000 tpl). Les taux de fret dépassent les 100 000 $/j. Un taux d’affrètement qui double depuis le 2 janvier. À titre d’exemple, un LR entre le golfe Persique et l’Europe se négocie aux environs de 121 520 $/j. Dans cette catégorie de navires, les taux reviennent à des niveaux élevés. Le marché n’a pas connu de tels niveaux depuis avril 2020, en pleine crise sanitaire.

Capesize : des baisses corrigées pendant la semaine

Du côté des vracs secs, la situation se redresse après une baisse depuis le début janvier. Seule la catégorie des Capesize enregistre des baisses. Une tendance qui a évolué au cours de la semaine. Ainsi, dans le nord de l’Atlantique, le manque de navires de ce type s’est fait ressentir. Ainsi, les taux ont progressé. Dans le sud du bassin, la demande a manqué pour assurer des affrètements à tous les navires, tirant les taux vers le bas. Cependant, à la fin de la semaine, un début de hausse s’est manifesté. Dans le Pacifique, les conditions météorologiques en Chine (tempête de neige) et une activité au ralenti impactent ces taux.

Les céréales tirent le marché des Panamax

Quant aux Panamax, ils réalisent au cours de la semaine une bonne progression. Les taux ont augmenté de 9,4% d’une semaine sur l’autre à plus de 15 000$/j. La demande croissante pour acheminer des céréales tant dans le Pacifique qu’en Atlantique explique cette augmentation. De plus, en Atlantique, sur la côte Est de l’Amérique du Sud et en Méditerranée, les navires gréés ont profité d’une demande plus forte.

Le marché se rassure en empruntant la route du cap

Par ailleurs, un grand nombre de vraquiers empruntent la route du cap de Bonne-Espérance en remplacement du canal de Suez. Selon les estimations des courtiers, il y aurait actuellement 3,9 Mt de céréales en route vers le sud de l’Afrique. Cela représente environ la moitié des trafics de céréales qui traversent le canal de Suez chaque mois. Effectivement, l’autorité du canal annonce un trafic d’environ 7,7 Mt en moyenne. Or, l’allongement du temps de transport réduit le nombre de navires disponibles.

L’Ukraine dynamise son corridor maritime

De plus, selon le courtier Xclusiv, l’Ukraine accroît ses expéditions par son corridor maritime. Celui-ci suit la côte nord de la mer Noire pour rejoindre le Bosphore. Le courtier grec estime que les volumes expédiés par l’Ukraine équivalent à ce qui prévalait avant l’invasion de la Russie. Néanmoins, le marché des vracs secs risque un réveil douloureux. L’annonce de la faillite du géant chinois de la construction Evergrande par une cour de Hong Kong peut avoir des effets importants pour ce marché. Effectivement, cette faillite peut mettre à mal toute l’industrie du BTP.

L’effet Evergrande sur le marché des vracs

En effet, la filière de la construction immobilière est une grande consommatrice d’acier en Chine comme l’industrie automobile. L’effet ricochet de cette décision est de voir un ralentissement de la demande en minerais de fer si la sidérurgie chinoise devait adapter sa production. Il reste peu probable que l’industrie automobile puisse compenser la diminution de l’immobilier. Or, la fin de ce groupe intervient dans une période de ralentissement de l’économie chinoise en raison du Nouvel An. L’année à venir est placée sous le signe du Dragon de bois. Dans l’astrologie chinoise, ce signe annonce la croissance, la prospérité mais aussi des obstacles et un besoin de résilience. Et l’économie chinoise en aura besoin pour absorber la faillite d’Evergrande.

 


Le pétrole russe épargné, à une exception près

Les attaques des Houthis visent principalement des navires liés à Israël, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les gagnants de cette crise restent les Russes. Les navires transportant du pétrole russe empruntent toujours le canal de Suez au départ de la mer Noire pour se rendre en Asie et en Inde. Depuis l’invasion de l’Ukraine et les sanctions occidentales contre la Russie, la majorité du pétrole russe utilise une « flotte fantôme ». Il s’agit de navires inscrits au registre de pays qui n’imposent pas de sanctions à la Russie. Et pour parfaire le tout, ces navires utilisent le système de suivi des navires (AIS) pour signaler aux Houthis qu’ils transportent des produits russes. Un système bien rôdé jusqu’à la semaine dernière. En effet, les rebelles yéménites ont tiré sur le Marlin Luanda. Or, ce navire est géré par une société basée au Royaume-Uni. C’est la raison pour laquelle, il a été la cible d’un tir des Houthis. Néanmoins, le trafic de pétrole russe continue en mer Rouge. Quatre navires sont passés par la mer Rouge depuis cette attaque et trois autres sont en route.