Politique

Commerce international : après la politique américaine du « we need you », celle du « we tax you » ou du « we … you »

La politique douanière de Donald Trump produit ses effets. Les premiers impacts sur les échanges conteneurisés se font jour en février. En Afrique, les gouvernements adoptent des réponses différentes. La voix du Nigéria détone.

(Dernière minute : Donald Trump a annoncé suspendre pendant 90 jours les droits de douane réciproques. Il a aussi déclaré que ceux destinés à la Chine ne sont pas compris dans la suspension. L’Empire du milieu est taxé à 124%)

Le 9 avril, les taxes à l’importation décidée par le nouveau locataire de la Maison blanche entrent en vigueur. L’Europe est concernée à hauteur de 20%. Des taxes qui s’ajoutent aux 10% déjà en vigueur.

Des subventions à l’automobile sud-coréenne

La réaction épidermique des bourses passée, les gouvernements de la planète s’organisent. Selon la porte-parole de la Maison blanche, le Japon et la Corée du Sud ont pris des contacts avec le gouvernement américain pour négocier le niveau de ces taxes. Dans un post sur Linkedin, Lars Jensen indique que Séoul a débloqué plus de 2 Md$ pour aider son industrie automobile. En effet, cette filière est la principale visée des mesures douanières américaines.

Des mesures attendues de l’Europe

En Europe, la réponse se fait attendre. L’Union européenne annonce des mesures cadencées au cours des prochaines semaines. La Commission européenne doit publier un premier paquet de contre-mesures. Pour mémoire, les États-Unis imposent déjà des mesures sur l’acier et l’aluminium. Or, cette filière connaît aujourd’hui des difficultés face à la concurrence asiatique.

La réaction chinoise

En défaisant le commerce international tel qu’il existe depuis huit décennies, Donald Trump oblige les pays à s’interroger sur la façon de faire du négoce à plus long terme. Sa politique vise avant tout à la relocalisation des industries sur le territoire. Cependant, la réaction chinoise démontre d’une volonté de ne pas s’en laisser dire. Pékin a imposé les importations américaines. Et la décision de retarder sine die la signature de la cession des ports de CK Hutchinson n’est pas étrangère à ces mesures de la Maison blanche.

Une baisse des volumes conteneurisés en février

L’effet de ces taxes se répercute déjà sur le trafic conteneurisé. Selon les derniers chiffres de CTS (Container Trade Statistics), les importations vers l’Amérique du Nord plongent en février. Elles s’élèvent à 2 464 117 EVP. Sur les deux premiers mois de l’année, les États-Unis ont importé massivement. Le volume des importations s’élève à 5,4 MEVP, en progression de 5,5%. Par ailleurs, Lars Jensen explique dans son post sur Linkedin que la hausse des importations nord-américaines se monte à 10,5% en intégrant le mois de décembre. Une tendance qui est liée à l’annonce de ces taxes.

L’impact sur les ports américains

En appliquant ces nouvelles taxes, Donald Trump ne mesure pas nécessairement les impacts sur les ports américains. La diminution des importations entre le mois de janvier et celui de février s’évalue à 17,5%. Or, le poids du monde ouvrier portuaire reste majeur dans l’économie américaine. Les menaces de grève, tant pour les ports de la côte Ouest que ceux de la côte Est, ont démontré des effets sur l’économie nationale. Le soutien de Donald Trump pendant la campagne électorale au syndicat des dockers de la côte Est risque de se retourner contre lui.

Les réactions africaines : entre soumission et négociation

En Afrique, les réactions à ces mesures sont différentes. Ainsi, le président du Zimbabwe a indiqué sur le réseau X (ex-Tweeter) qu’il suspend toutes les taxes à l’importation depuis les États-Unis. « Il s’agit de faciliter les importations américaines sur le marché zimbabwéen tout en faisant la promotion des exportations du Zimbabwe aux États-Unis. »  De son côté, l’Afrique du Sud reste plus mesurée, indique le site TRT. Le gouvernement de Pretoria privilégiera les négociations plutôt que des contre-mesures.

Renforcer la Zlecaf

En Afrique, la voix du Nigéria détone. TRT reprend la position de la ministre de l’Industrie, du Commerce et des Investissements. Si les mesures ont un impact, « la sortie d’Oduwole a également souligné les enseignements positifs potentiels de cette annonce, appelant les nations africaines à développer pleinement le commerce intra-africain. » Elle souhaite le renforcement du marché intégré africain au travers de la Zlecaf (Zone de libre échange continentale africaine). De plus, le site souligne l’importance que « les nations africaines sont désormais contraintes de diversifier agressivement leurs relations commerciales et d’explorer de nouvelles opportunités. »

Du « We need you à « We … you »

La politique de l’oncle Sam du « We need you » est rangée aux archives. L’oncle Donald prend à contre-pied le commerce international en imposant désormais celle du « We tax you ». Une façon polie de décrire la politique américaine. Cependant, le président des États-Unis aurait déclaré, à propos des pays qui souhaitent négocier, « ces pays nous appellent. Ils viennent m’embarrasser le c… », note Lars Jensen dans son post sur Linkedin. Alors, la véritable politique de Tonton Donald se fait plutôt sur le principe du « We … you ».