Commerce international : le blues des industriels américains face aux droits de douane
Les nouveaux tarifs douaniers américains impactent aussi les industriels du pays. Pour le fabricant de cordes de guitare et de baguette de batterie D’Addario, la facture s’élèvera à 2,2 M$.
Le « Liberation Day » de Donald Trump s’est rapidement transformé en « Blues Day » pour certains. L’imposition de nouveaux tarifs douaniers américains ont aussi un impact pour les producteurs américains. L’augmentation du coût des matières premières pèse sur les prix finaux. Alors, pour le groupe D’Addario, société basée à Long Island, cette annonce a eu l’effet d’un coup de blues. Spécialisée dans les cordes de guitare, les baguettes pour les batteries et les anches des instruments à vent, elle voit le prix de ses produits fabriqués aux États-Unis augmenter. En effet, le groupe estime que la facture des tarifs douaniers s’élèvera à 2,2 M$. Elle était de 700 000 $ en 2024.
Des groupes de travail sur la guerre commerciale
Dans un entretien avec l’agence de presse Reuters, les dirigeants du groupe D’Addario estiment que la hausse des tarifs douaniers pèse sur la production, aux États-Unis. Un contexte nouveau qui amène la société à se réunir hebdomadairement pour répondre à cette décision. Ces réunions hebdomadaires sont appelées « le groupe de travail sur la guerre commerciale », indique le président de la société John D’Addario III. Ce type de réunion n’est pas propre au fabricant de cordes de guitare. « Ces réunions stratégiques ont lieu dans toutes les entreprises américaines.
Repenser la chaîne de fabircation
Les droits de douane imposés par Trump créent des perturbations et des coûts supplémentaires dans les chaînes d’approvisionnement mondiales mises en place depuis des décennies », souligne le groupe new-yorkais. Pour D’Addario, cela a nécessité d’examiner tous les aspects de son activité afin d’évaluer son exposition. Alors, le groupe doit repenser à sa fabrication. Dans cet état d’esprit, il a créé sa propre zone de libre-échange et le réacheminement des produits pour éviter les droits de douane.
Les consommateurs absorbent le surcoût
Dans son reportage, Reuters souligne qu’aucune solution miracle n’existe. « Ce qui semble fonctionner une semaine peut être dépassé la semaine suivante, à mesure que les droits de douane, ou les menaces de droits de douane, évoluent. » Et pour expliquer cette position, le groupe souligne la difficulté de s’approvisionner en chêne japonais. D’Addario utilise ce bois pour fabriquer les baguettes de batterie. Il permet de faire des accessoires avec une durée de vie plus longue et un toucher particulier. Alors, la hausse des droits de douane en provenance du Japon, passant à 25%, pèsent sur la production. Cependant, « il n’y a pas vraiment d’alternative valable : les gens veulent leur chêne Shira Kashi », indique Hank Sheller, directeur de l’approvisionnement. Les consommateurs sont prêts à accepter une hausse du prix, indique le groupe.
L’effet de la hausse du cuivre
Dans le même ordre d’idée, la hausse des droits de douane à 50% sur le cuivre se répercute sur le prix des cordes de guitare. En effet, les cordes pour les guitares électriques et électro-acoustiques sont réalisées en cuivre. Même si le groupe n’achète pas du cuivre brut mais des tiges de cuivre, l’impact sera important. « Le problème, c’est que nous ne connaissons pas vraiment l’origine du cuivre que nous achetons, s’il provient d’une source nationale ou s’il est importé », indique John D’Addario. « Mais il est plus probable que nous subissions une augmentation des coûts, même s’il s’agit d’un fournisseur basé aux États-Unis. » Et contrairement au chêne japonais, les cordes en cuivre sont un produit de base, il est donc peu probable que les prix à la consommation augmentent pour couvrir le coût des droits de douane.
La hausse des droits sur la canne à sucre
Aussi, D’Addario produit des anches pour les instruments à vent. Elles sont fabriquées à partir de canne à sucre. Le groupe américain s’approvisionne principalement depuis le Mexique et les départements antillais français. Les droits de douane sur la canne ont augmenté de 10%. L’imposition de tarifs à 25% pour l’Europe et 30% pour le Mexique pénalise la production de ces anches.
Revoir la logistique
Pour contourner ces tarifs douaniers, D’Addario revoit sa logistique. Ainsi, les produits fabriqués en Chine et destinés aux consommateurs hors des États-Unis sont directement acheminés sans passer par les entrepôts américains. Auparavant, ces marchandises entraient aux États-Unis et étaient réexpédiées depuis le site américain. Certes, la part de ces produits est faible puisqu’elle représente environ 5% des ventes. Les industries chinoises se sont adaptées. Elles étaient réticentes à expédier de petites quantités. Désormais, elles s’adaptent. « À cause des droits de douane, nos fournisseurs chinois sont soudainement devenus beaucoup plus accommodants. »
Une zone sous douane à Farmingdale
Autre solution trouvée, la création d’une zone sous douane. D’Addario a mis son site de Farmingdale sous douane. Cela lui permet de stocker des produits importés et de ne payer les droits de douane que s’ils sont consommés sur le territoire national. Et cette solution en appelle d’autres. Ainsi, la société imagine faire venir des pièces de Chine, les assembler avec des produits américains et les réexporter. Toute une logistique qui éviterait de payer les droits de douane sur ces produits.
Le vrac, une idée qui fait travailler une société logistique chinoise
Des idées ingénieuses mais, « cela ne se fera pas du jour au lendemain. » Le dirigeant du groupe estime qu’il faudra probablement plus d’un an pour obtenir les autorisations nécessaires. Il faudra aussi sécuriser le site. Une autre alternative vise à conditionner les cordes de guitare directement en Chine. Les cordes seront envoyées en vrac et conditionnées en Chine par une entreprise logistique. Jusqu’à présent, ce conditionnement logistique se réalise aux États-Unis. La valeur des cordes en vrac étant inférieure à celle du même nombre de cordes conditionnées pour la vente au détail, les droits de douane sont réduits. Selon John D’Addario, « ces économies seront cruciales si la Chine riposte aux droits de douane américains. » Ainsi, le président des États-Unis coupe les cordes des guitaristes américains sous leur doigt.