Politique

Commerce international : le coup de canif de Donald Trump

Donald Trump a publié la liste des droits de douane. L’Union européenne voit ses exportations taxées à 20%. Les professionnels s’inquiètent.

« Le jour de la libération est arrivé », a déclaré le président des États-Unis. Le 2 avril, Donald Trump a publié la liste des droits de douane pour les produits importé aux États-Unis. Il a présenté un tableau avec l’application des nouvelles mesures qui entrent en vigueur dès le 5 avril. Ils viennent s’ajouter aux 10% de droits déjà décidés quelques jours plus tôt. Dès le 7 avril, les bourses mondiales ont accusé le coup. Elles enregistrent des baisses de 6% à 10% selon les pays.

Des inquiétudes pour le commerce international

Pour les observateurs, cette décision de Donald Trump est un coup de canif aux règles du commerce international telles que nous les vivons depuis la seconde guerre mondiale. Tous les pays sont touchés. « Donald Trump a même augmenté les droits de douane d’îles où ne vivent que des manchots », se sont amusés des commentateurs. Derrière ces commentaires se profilent des messages d’inquiétude de l’avenir du commerce international.

Une balance commerciale de 1 600 Md€

L’Union européenne et les États-Unis ont bâti des relations commerciales fortes ces dernières années. En 2023, la balance commerciale entre le vieux continent et le nouveau monde s’élève à 1600 Md€, selon les chiffres de l’UE. Cela comprend 851 Md€ de biens et 746 Md € de services. Le poids des États-Unis dans la balance commerciale européenne représente 16,7% des échanges. Pour sa part, l’UE entre pour 18,6% des échanges américains. L’UE importe principalement du pétrole, des produits pétroliers, du gaz naturel et des produits médicaux depuis l’Amérique du Nord. Pour sa part, l’UE exporte vers les États-Unis des médicaments, des voitures et des produits pharmaceutiques.

Un impact sur l’emploi

Alors, face à cette décision, les professionnels s’inquiètent. Les nouveaux droits de douane auront un impact important pour les entreprises européennes. Dans un communiqué publié dès le 2 avril, la FEVS (Fédération des exportateurs de vins et spiritueux) s’alarme. « En France, on peut craindre un recul des exportations d’environ 800 M€ ce chiffre passant à 1,6 Md€ pour l’UE. Un tel recul aura un impact énorme sur l’emploi et l’économie du secteur. »

L’UE a plus à perdre que les États-Unis

Le monde agricole appelle à un accord. Selon Farm Europe, les européens exportent principalement du vin, des spiritueux, de l’huile d’olive, du fromage, de la bière, du jambon et d’autres produits transformés. Pour leur part, les États-Unis exportent surtout du soja, des fruits et des noix vers l’Europe. « Nous avons plus à perdre que les États-Unis », continue l’organisation. « Les Américains peuvent se diversifier vers d’autres marchés. Il sera difficile pour l’Europe de compenser les pertes des expéditions vers les États-Unis. » Dans un communiqué Farm Europe souhaite un accord sur l’agriculture. « En l’absence d’un tel accord, l’UE doit prendre des mesures qui touchent l’industrie américaine. Par ailleurs, elle doit se préparer à aider la filière agricole européenne. »

Donald Trump plante le dernier clou du cercueil de l’acier européen

Plus avant, le 12 mars, lors des premières mesures imposées par l’administration de Trump sur l’acier et l’aluminium, Eurofer, organisation regroupant la sidérurgie européenne, a lancé un cri d’alarme. « Elles sont le dernier clou dans le cercueil de l’industrie sidérurgique européenne », indique le président d’Eurofer, Henrik Adam. La disparition de la sidérurgie européenne aura des conséquences sur l’industrie automobile, la défense, les infrastructures et les transports, alerte Eurofer. Ces mesures pourraient entraîner la perte de 1Mt d’acier vers les États-Unis. « Or, nous avons déjà perdu 1 Mt avec les précédentes mesures. » Et dans sa décision, l’administration Trump inclus aussi les produits dérivés de l’acier comme l’aluminium.

La NRF appelle à d’autres outils pour sauvegarder le marché américain

Ces inquiétudes sont partagées par les organisations américaines. Ainsi, la National Retail Federation (NRF), représentant les distributeurs aux États-Unis, rappelle que leur marché « s’appuie sur des importations pour offrir aux consommateurs américains des produits de haute qualité et à des prix variés. » La hausse des taxes se répercutera directement sur le consommateur américain, préviens la NRF. « Les droits de douane ne sont qu’un des outils dont dispose l’administration pour régler les différends commerciaux. La NRF exhorte l’administration à explorer d’autres outils susceptibles d’atteindre les mêmes objectifs. Tant que ces droits de douane seront en vigueur, les entreprises, les consommateurs et l’économie américaine en subiront les conséquences. »

Des relations sur le principe du loose-loose

Cependant, ces cris d’alarme de chaque côté de l’Atlantique n’ont pas encore atteint les oreilles du président des États-Unis. Il a déclaré que la situation serait difficile mais qu’il fallait faire le dos rond pour passer l’écueil. L’effet indirect de ces mesures se répercutera sur l’industrie portuaire. La hausse du coût des produits va réduire les importations. Selon certains observateurs, les États-Unis entrent dans une politique protectionniste. « Imaginer que ces taxes auront pour effet de délocaliser des industries depuis l’Europe, la Chine ou d’autres pays vers les États-Unis est illusoire. Ce mouvement peut se matérialiser mais sur une période de dix ans. En attendant, les relations commerciales entre l’UE et les États-Unis se fondent désormais sur une relation loose-loose », répètent les commentateurs.