Corridors et logistique

Shipping Days (6/6): la cybersécurité et l’intelligence artificielle appliquée à la logistique portuaire

La chaîne logistique génère des données importantes. Pour que chaque opérateur dispose de la bonne donnée au bon moment, les sociétés ont créé des systèmes informatiques. Afin que la confidentialité demeure, la cybersécurité est devenue essentielle à la bonne marche.

« La cybersécurité est vitale pour l’économie d’un pays », a rappelé, en introduction, Frédéric Giletta, directeur général adjoint d’Easyport. Le développement des échanges de données nécessite de se doter d’outils fiables pour sécuriser ces transferts d’information. « L’idéal est de mettre en place des fire walls applicatifs pour surveiller les systèmes. » Elle se réalise au travers d’outils comme les SOC (Security Operating Center) pour vérifier la compatibilité des process selon les bases de données des attaques répertoriées.

De ICS à Antes

Et les législations nationale et européenne évoluent. La règlementation ICS2 de l’Union européenne oblige désormais les agents économiques à informer par anticipation, le type de marchandises qui sera importée. « L’ensemble de ces marchandises sera centralisé sur une base de données européenne. Ensuite, les opérateurs devront informer les produits entrant sur le territoire de l’UE », rappelle Laurie Mazurier, directrice commerciale de Soget. Après, lorsque les marchandises sont prêtes à la consommation, il faut le notifier aux autorités européennes. « La première partie de ce processus relève de l’ICS, la seconde de l’Antes. »

La simplification des opérations

Dans ces conditions, « Soget créé des systèmes pour permettre aux opérateurs de simplifier ces opérations tout en respectant les normes internationales », continue Laurie Mazurier. Les douanes pourront intervenir plus rapidement pour contrôler la cohérence des déclarations faites par l’exportateur et la réalité de la mise à la consommation.

Le partenariat avec Orange cyberdéfense

Ainsi, face aux risques d’attaques, France PCS, GIE entre Soget et MGI, a signé un partenariat avec Orange Cyberdefense pour proposer des modules de protection des PCS. « Ce partenariat vise à développer des SOC (Security Operating Center) sur les deux Port Community system développer par les deux membres de France PCS, S) One et CI5. L’objectif est de couvrir l’ensemble des places portuaires françaises », explique Lina Haddad, déléguée générale de France PCS. De plus, Orange Cyberdefense peut proposer des modules spécifiques pour chaque place portuaire en fonction de ses besoins. « Notre objectif vise à créer une forteresse Vauban numérique pour chaque port. » Le principe est d’identifier les attaques, de se prémunir collectivement et de neutraliser les attaques à venir.

Clear France pour aller plus loin dans la cybersécurité

Pour aller encore plus loin, France PCS a remporté un appel d’offres de Clear France. Il consiste en une plate-forme commune à tous les ports français pour ouvrir un accès aux deux Port Community System nationaux. Ensuite, dans le cadre d’un partenariat avec le groupe Imprimerie nationale, le projet Clear France va permettre d’améliorer l’identification des utilisateurs. « Nous pourrons identifier chaque utilisateur. » En effet, France PCS adopte une approche collaborative et constructive. « Nous voulons mettre ces partenariats au service de la souveraineté numérique et pour renforcer la compétitivité des ports français », continue Lina Haddad.

L’arrivée de l’Agentic IA

Cependant, la sécurité des systèmes d’information ne doit pas enrayer la mise en place de nouvelles technologies. L’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) dans l’industrie et dans la vie personnelle amène à s’interroger sur son application dans la logistique portuaire. Or, l’IA avance aussi vite que la marée dans la baie du Mont Saint Michel. « En 2025, nous sommes passés à l’Agentic IA. Elle procède à des actions quand elle n’était qu’une simple collectrice de données un an plus tôt », explique Thibaut Court, directeur général de Pharaday. Et pour expliciter ce changement il prend l’exemple d’un navire. En 2024, le navire se connecte à internet une heure ou deux par jour pour lire et envoyer des mails. À terre, les opérateurs gèrent la réception de ces informations. En 2025, l’IA réceptionne, transfère et ordonne des actions selon les mails envoyés et reçus.

L’IA transforme l’emploi sans le détruire

Le poids de l’IA peut alors faire craindre la pérennité de certains emplois. « Les tâches répétitives et longues pour remplir des documents, les envoyer et éviter les erreurs seront réalisées par l’IA. Cela permettra aux agents de recentrer leur travail sur des opérations de vérification et de relations. » Cette notion de vérification est primordiale. « L’humain doit rester seul maître à bord pour prendre la décision », insiste Thibaut Court. Une approche que les Ports de la rade de Toulon confirment. « Notre objectif est avant tout de permettre à notre personnel de monter en compétence avec de nouvelles tâches. Nous abordons cette nouvelle technologie avec une approche projet et de façon pragmatique », conclu Christine Rosso.

Une approche systémique de l’intelligence artificielle

Et l’IA seule ne peut pas tout régler. L’intelligence artificielle doit s’appréhender comme un tout. « Il faut adopter une approche systémique », rappelle Christine Rosso, directrice générale des ports de la rade de Toulon. En effet, outre l’outil de l’IA, il faut disposer d’un réseau optimal. « Nous avons opté, à Toulon, pour un réseau 5G privé. » Pour la direction du port, le couplage entre un réseau 5G privé et l’utilisation de l’IA permet d’améliorer la sécurité et la sûreté portuaire. « Il s’agit d’un sujet essentiel pour un port comme le nôtre qui partageons une partie de l’espace avec la base navale de la Marine nationale. »

Une aide aux changements règlementaires

Cependant, l’IA peut aussi être source de cyberattaques. « Les cyberattaquants utilisent l’IA. Il faut que de notre côté nous utilisions cette technologie pour nous défendre. Cela se fait au travers des SOC pour analyser les risques », rappelle Frédéric Giletta. Elle peut aussi servir aux déclarants en douane. Le nouveau code douanier européen, créé de nouvelles procédures douanières. Pour éviter des tâches répétitives, Soget met en place un système pour indiquer aux opérateurs les changements dans les déclarations douanières. « Les déclarants en douane n’auront plus à rechercher les nouveaux codes mais pourront se concentrer sur leur activité. L’IA interviendra pour les avertir des modifications », souligne de son côté Laurie Mazurier.