Shipping Days (5/6): les énergies marines renouvelables et la coopération des acteurs logistiques
Nous continuons notre tour de table des conférences des Shipping Days avec le débat autour des énergies marines renouvelables. Entre les autorités portuaires, les manutentionnaires, les exploitants de parc éoliens et les armateurs, le besoin de coopération entre les opérateurs logistiques est indispensable.
L’éolien évolue. Depuis la mise en place d’éoliennes terrestres jusqu’aux projets de parcs éoliens offshores flottants, la filière des énergies marines renouvelables a changé de visage. L’installation du parc de Saint-Nazaire en éolien posé a démontré de la capacité des acteurs logistiques à s’adapter.
Aucun port n’a réalisé de terminaux pour l’éolien flottant
La filière se projette maintenant sur l’éolien flottant. Pour répondre à la demande, les besoins changent. « Dans le cadre de l’éolien posé, le GPM de Nantes Saint-Nazaire a investi 15 M€ pour l’aménagement des terrains et 8 M€ dans l’outillage. La logistique de l’éolien flottant est différente. En effet, aucun port dans le monde n’a réalisé de terminaux pour ce type de projets », souligne Philippe Léon, chef de projet Éole du GPM de Nantes Saint-Nazaire.
Une concertation entre les ports pour la filière énergies marines renouvelables
Pour rappel, un flotteur d’une éolienne flottante mesure 100 m x 100 m. « Ce type d’engins mérite une adaptation de nos installations. Nous avons alors transformé notre espace portuaire pour s’orienter vers un quai en mer pour accueillir ces flotteurs. Il a fallu renforcer les quais. » Ce virage s’effectue en concertation avec d’autres ports.
Une adaptation des infrastructures du port selon son rôle
« Un port seul ne peut répondre », explique Sandrine Gourlet, présidente du directoire du GPM de La Rochelle. L’augmentation de la taille des éoliennes rend difficile de réaliser l’ensemble des opérations sur un lieu unique. « Avec ces nouvelles dimensions, la coopération interportuaire est devenue nécessaire. » Ainsi, le rapprochement entre La Rochelle et Nantes Saint-Nazaire s’est fait tout naturellement. Cependant, chaque port doit adapter ses infrastructures à son rôle.
À La Rochelle, le port mise sur la poldérisation
Sur le site du GPM de La Rochelle, les travaux arrivent à terme. Le port a opté pour la poldérisation d’un terminal. « Cela nous permet d’être opérationnel pour le parc éolien d’Oléron 1 », rappelle Sandrine Gourlet. Cependant, la présidente du directoire du GPM charentais rappelle l’importance de la coopération. Ainsi, en créant Aquitania Wind Energy, les ports d’Aquitaine proposent une offre intégrée aux industriels. Elle regroupe les ports de Bayonne, le GPM de Bordeaux, le GPM de La Rochelle et le port de Rochefort-Tonnay Charente. Cette coopération est vitale. « Organisons-nous sous peine de voir le marché nous passer sous le nez », insiste Sandrine Gourlet.
Adopter une approche par filière
Cette organisation en réseau doit aussi s’étendre au-delà des ports. Pour Antoine Monteillet, chef de projet chez Skyborn, « l’approche se fait aujourd’hui par projet. Demain, elle se fera au niveau de la filière. » Cette différence implique une organisation en réseau. Alors, la coopération entre les ports s’avère nécessaire. « Cette collaboration doit aller au-delà. Elle doit concerner l’ensemble du cluster. » Il s’agit notamment de trouver localement des ressources humaines et des formations. « Le site de La Rochelle est tout particulièrement intéressant puisqu’il a permis d’associer l’université pour former et faire de la recherche sur ce sujet. »
Profiter de la période pour s’adapter
Cette intégration des forces logistiques s’étend jusqu’au manutentionnaire et aux armateurs. Du côté des manutentionnaires, le besoin d’avoir une attitude prospective se développe. « Le temps pour l’éolien flottant est plus long que pour le posé. Cependant, nous devons profiter de cette période pour nous adapter », explique François-Georges Kuhn, directeur général de Maritime Kuhn. Un temps qui sert à équiper la société en matériel mais aussi en formation. « Notre société travaille sur l’aspect humain de la manutention. Nous devons former aujourd’hui des personnes qui travailleront sur des chantiers de demain. » De plus, le groupe de manutention investi dans de nouveaux matériels. « Nous analysons aujourd’hui ce que pourrons être les besoins de demain des industriels de la filière. »
Le choix d’un navire roulier
Quant aux armateurs, ils doivent trouver des solutions innovantes pour transporter et livrer des pièces XXXL. Jean-Louis Cadoret, directeur général de LD Seaplane, filiale du groupe LDA, dispose déjà d’une expérience dans le transport de colis hors gabarit. « Nous transportons avec nos navires les éléments pour Airbus. Demain, nous devrons assurer la livraison de pièces pour ces éoliennes de grande dimension. » Alors, encore une fois c’est par la coopération entre les acteurs logistiques que le projet avance. Le choix d’un navire pour chargement en roulier ou par manutention verticale est à l’étude.
Installer un dispositif de ballastage pour la manutention
La conception du navire doit aussi répondre à des exigences environnementales. L’armement a décidé d’installer des rotors sur les navires pour réduire l’empreinte carbone. Cette unité devra s’adapter aux conditions portuaires. Cependant, les quais dédiés à cette filière sont généralement directement sur la mer. Pour pouvoir charger et décharger les pièces, LD Seaplane envisage un navire avec un système de ballastage qui permette de conserver une rectitude par rapport au quai. Quant à savoir si ces navires seront construits en France ou en Europe, Jean-Louis Cadoret ne cache pas que « nous ne pouvons pas nous passer des chantiers chinois. »
Affecter une partie de la taxe de l’éolien aux investissements logistiques
Enfin, si la coopération fonctionne, le « nerf de la guerre », l’investissement, doit être encore adapté. « : Depuis l’infrastructure portuaire à la formation, en passant par le besoin en matériel, le vrai sujet est l’argent. Le niveau d’ambition est très élevé. L’Ademe prévoit 200 M€. L’ensemble des projets table sur 1 Md€ ». Alors, les professionnels se tournent vers l’État. Le gouvernement a décidé d’une taxe pour l’exploitant d’un parc éolien. Elle dépend de la production. En 2025, cette taxe est de 20 248 € par mégawatt installé. Cela représente 20,2 M€ par an versé à l’État. « Pour les champs éoliens à plus de 12 miles des côtes, la question sur l’affectation des fonds doit servir à la filière. Il faut qu’une partie des fonds soit investie dans les investissements de la logistique de cette filière, plaide Sandrine Gourlet.