Juridique et social

Franck Gonsse, secrétaire national de la CNTPA – CFDT, « le syndicat n’exclut pas un « durcissement » des actions à venir »

Les ports français ont été perturbés par des mouvements sociaux en janvier et février. Jusqu’à présent, le syndicat majoritaire représentant les dockers du GPM de Dunkerque, la CNTPA – CFDT, n’ont pas suivi le mouvement. Une attitude qui pourrait changer dans les prochains jours.

Depuis le début de l’année 2025, le syndicat majoritaire de branche dans les ports français, appelle à des arrêts de travail réplétifs, qui se traduisent par le refus des heures supplémentaires, et par des arrêts de travail de quatre heures programmés certains jours. Le tout est accompagné de deux jours « ports morts » pour les deux premiers mois de l’année.

Une rencontre entre la CNTPA et des sénateurs

Pour les organisations professionnelles, ce mouvement est « mortifère » pour l’économie française. Au port de Dunkerque, les ouvriers dockers ont décidé de ne pas suivre le mouvement sous cette forme, en priorisant la négociation comme à son accoutumée. Le 4 février, le secrétaire national de la CNTPA – CFDT, a rencontré plusieurs sénateurs afin d’exposer les revendications de la profession sources des conflits à répétitions. L’occasion pour le responsable syndical d’exposer la priorité sur la question de l’avenir des dockers et travailleurs portuaires dans le cadre de la réforme des retraites. Malgré ces entretiens où chacun a pu reconnaître la légitimité des attentes des salariés portuaires, la situation semble inextricable. Dans ce contexte, Franck Gonsse a accepté de répondre à nos questions sur la position du syndicat.

« Sans une réponse claire à nos revendications légitimes, notre organisation syndicale n’exclut pas le recours à des actions plus dures« , Franck Gonsse, secrétaire national de la CNTPA – CFDT

Privilégier le dialogue social

Ports et Corridors : L’application de la réforme des retraites de 2023 suscite des interrogations du côté des ouvriers dockers. Le mouvement social initié par la CGT FNPD n’est pas suivi par la CNTPA. Est-ce à dire que vous acceptez ce texte ?

Franck Gonsse : Non. La CFDT, à travers la Coordination Nationale des Travailleurs Portuaires et Assimilés (CNTPA – CFDT), continue de négocier et cela depuis plusieurs mois après l’adoption du texte. Malgré nos appels incessants et nos interventions auprès des élus locaux, des parlementaires, des responsables politiques et gouvernementaux, le constat est clair, le dossier stagne et ce, depuis trop longtemps.

Un appel à la mobilisation

Nous devons maintenant évoluer dans notre approche de ce dossier. Sans une réponse claire à nos revendications légitimes, notre organisation syndicale n’exclut pas le recours à des actions plus dures. Cela s’est déjà produit par le passé. Les salariés sont prêts à défendre leurs intérêts dans le cadre d’actions plus radicales. Nous n’excluons pas d’appeler à la mobilisation pour faire respecter nos droits et obtenir les ajustements nécessaires de cette réforme. La pénibilité de nos métiers et notre exposition à l’amiante doivent être pleinement reconnue et prise en compte. Ces demandes sont totalement légitimes et les salariés n’accepteront d’être sacrifiés face à cette injustice sociale.

P&C : Est-ce à dire que vous changez de position sur la réforme des retraites ?

F.G : Nos positions sur cette réforme sont toujours les mêmes. Nous nous opposons fermement au report de l’âge légal à la retraite. Ce décalage est économiquement inutile et socialement injuste. Nous sommes clairs sur le sujet depuis le début de la mise en place de la réforme !

Le rallongement du dispositif Acaata

Depuis le 1er mai 2023, nous défendons un rallongement du dispositif Acaata (Allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante) jusqu’au 31 décembre 2027. Aujourd’hui, ce dispositif est reconnu pour toutes les embauches avant 2004. Cette revendication s’appuie sur l’arrêté du 29 décembre 2022 concernant la réparation navale. Ce texte modifie et complète la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navale susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante jusqu’au 31 décembre 2027. Or, les ouvriers dockers sont tout autant exposé à l’amiante. Il nous paraît donc logique que nous en bénéficiions également. De plus, nous souhaitons que ces revendications portent tant pour les ouvriers dockers de Métropole que ceux des ports ultramarins. En mars 2024, Patrice Vergriete, alors ministre des Transports, a rencontré les dockers aux Antilles. Il s’est engagé à ouvrir ce dossier de la pénibilité et de l’amiante. Nous souhaitons que le gouvernement actuel assure la continuité.

P&C : Cette position rejoint, sur quelques points, celle de la CGT FNPD. Pourquoi ne pas vous associer au mouvement actuel ?

F.G : Dans les places portuaires où nous sommes présents, comme à Dunkerque et dans des ports ultramarins, nous agissons pour défendre les intérêts des travailleurs portuaires. Ils contribuent à l’économie nationale et locale. Effectivement, nous sommes d’accord avec toutes actions qui défendent les intérêts des salariés portuaires et en particulier celles qui concernent directement les dockers. Cependant, nous n’adhérons pas à la « forme ». Notre organisation syndicale a toujours privilégié le dialogue avant toute autre forme radicale d’action.

La CNTPA veut privilégier les échanges constants et constructifs

Notre souhait est de maintenir des échanges constants et constructifs avec toutes les parties prenantes : entreprises de manutention, autorités portuaires, élus locaux et nationaux. Cette position nous permet d’obtenir des ajustements spécifiques pour préserver les droits de la profession. De plus, la fiabilité que nous garantissons depuis des décennies apporte beaucoup aux territoires sur lesquels nous œuvrons au quotidien. Il suffit pour cela de regarder les différentes annonces d’investissements. Ils sont créateurs d’emplois directs et indirects, source des richesses pour tous, et garants de la pérennisation de la vie sur nos territoires.