Corridors et logistique

Gaz naturel liquéfié : l’Europe importe moins mais plus de gaz russe

Les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe déclinent en 2024, selon l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis. Le gaz russe progresse.

Dans sa dernière analyse, l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA), l’Union européenne a importé 16% de gaz naturel liquéfié (GNL) en moins en 2024, par rapport à 2023. En étendant l’observation sur l’Europe, à savoir en ajoutant le Royaume-Uni, la Turquie et la Norvège, la baisse des importations augmente. Elle atteint 19,1% à 135,1 Mm³.

La dépendance aux énergies fossiles se réduit

Une baisse qui tient en premier lieu à une consommation de GNL stable d’une année sur l’autre. Par ailleurs, les stocks élevés en début d’hiver et une météo plus clémente limitent les besoins du continent. De plus, l’IEEFA indique que les mesures d’économie d’énergie en Europe portent leurs fruits. Enfin, le déploiement des énergies renouvelables, comme le solaire et l’éolien, permet de réduire la dépendance de l’UE aux énergies fossiles comme le GNL.

La France, premier pays importateur de GNL

Dans son rapport, l’IEEFA pointe la position de la France dans cette filière. Premier pays importateur de GNL en Europe avec 19% du total, l’Hexagone domine de plusieurs longueurs ses voisins. Les Pays-Bas entrent à hauteur de 14%, l’Espagne pèse 13% des importations de LNG et la Belgique compte pour 6%.

Le GNL américain en pole position

La position de la France s’explique par le nombre de terminaux gaziers. De Dunkerque à Marseille en passant par Nantes Saint-Nazaire et le FSRU (Floating Storage and Regazeification Unit) au Havre, les capacités de réception et de stockage du GNL en France surpasse ses voisins. Elle dispose d’une capacité de regazéification de 39,5 Mm3 par an, selon le décompte du rapport. La France dépend à hauteur de 38% du gaz américain. La Russie représente 34% des importations de GNL. L’Algérie entre à hauteur de 17%. Enfin, le Nigéria et le Qatar pèsent chacune 4%. Les 3% viennent d’autres marchés.

Les importations belges se contractent

Parmi les pays qui affichent les plus fortes baisses apparaît la Belgique. Outre-Quiévrain, les entrées de GNL perdent 29% en 2024. Cette diminution des volumes tient, en partie, à la mise en service de FSRU dans le port allemand de Brunsbüttel. En effet, une grande partie du GNL utilisant les installations portuaires belges, notamment à Zeebrugge, est destinée au marché allemand. La mise en service du FSRU dans le port allemand incite les opérateurs à préférer le port national. La Belgique détient la palme, en 2024, des importations de gaz russe. Elles contribuent à hauteur de 44%.

La progression des entrées de GNL russe

Le GNL consommé en Europe vient en majorité des États-Unis. Le pays de l’oncle Sam entre à hauteur de 46%. Viennent ensuite la Russie, l’Algérie, le Qatar, la Norvège et le Nigéria. Le point marquant de cette année est à mettre au crédit de la Russie. Elle pèse 16% des entrées de GNL en 2024. De plus, les flux russes affichent une progression de leurs volumes vers l’UE de 12%. Avec la Norvège, elle est le seul pays à voir sa part progresser. En effet, les États-Unis, le Nigéria, le Qatar et l’Algérie voient leur trafic baisser.

Zeebrugge et Nantes Saint-Nazaire, porte d’entrée du gaz russe

Et pour enfoncer le clou, le rapport de l’IEEFA indique que les terminaux gaziers de Dunkerque et de Nantes Saint-Nazaire constituent les principales portes d’entrée de ce GNL. Or, l’Union européenne a promulgué plusieurs paquets de mesures contre le gaz russe. Au cours de l’été dernier, elle a notamment interdit le transbordement dans les terminaux européens de gaz russe depuis Yamal vers les sites d’Europe du Nord. Cependant, 3,5 Mm3 de GNL russe depuis Yamal ont fait l’objet d’un transbordement à Zeebrugge et 700 000 m3 à Nantes Saint-Nazaire. Un nouveau train de mesures contre la flotte fantôme utilisée par la Russie est entrée en vigueur en décembre. Et l’UE prévoit de renforcer les sanctions pour « déstabiliser l’économie de guerre de la Russie », a déclaré Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires Étrangères, lors d’un entretien à France Info le 18 février.

Des projets de terminaux annulés ou suspendus

En Europe, le conflit entre l’Ukraine et la Russie a inquiété les gouvernements. Pour faire front au risque d’une coupure des pipe-line avec la Russie, ils ont créé de nouvelles capacités portuaires de réception. Ainsi, depuis 2022, les pays de l’UE ont ajouté 70,9 Mm3 de capacité. Cependant, après la forte augmentation de ces capacités de réception entre 2021 et 2023, les nouvelles installations de réception de GNL se contractent en 2024, indique le rapport de l’IEEFA. Ainsi, avec une progression de 22% entre 2021 et 2023, l’augmentation de capacité se limite à une hausse de 7% en 2024. Plusieurs terminaux gaziers inscrits dans les projets des ports sont actuellement suspendus ou annulés.

Un taux d’utilisation inférieur à 40% pour la moitié des installations

Cette tendance à réduire l’entrée en service de nouvelles capacités n’empêche pas les opérateurs à prévoir de nouveaux terminaux dans les prochaines années. Or, l’institut note qu’en 2024, le taux d’utilisation de la moitié des terminaux gaziers en Europe ne dépasse pas 40%. « Et cela en intégrant les nouveaux FSRU », précise l’IEEFA. À titre d’exemple, le FSRU Cap Ann, installé au Havre, est utilisé à 14% de ses capacités. Alors, les nouvelles mises en service de capacité vont diminuer ce taux d’utilisation. « En 2030, le taux d’utilisation moyen des terminaux gaziers et FSRU ne dépassera pas 30% », alerte le rapport de l’IEEFA.

Une inflation de terminaux face à une baisse de la demande

L’avenir de cette filière demeure problématique. Selon les prévisions de l’IEEFA, la demande en GNL en 2030 sera de 127,21 Mm³. Pour sa part, Dans le même temps, la consommation s’élèvera à 414 Mm³. Cependant, les projets de nouveaux terminaux porteront la capacité de regazéification à 410,4 Mm³. Ces chiffres sont à mettre en perspective par rapport à ceux de 2024. Avec une consommation de 451,6 Mm³ et une capacité de 334,5 Mm³, le taux d’utilisation des terminaux portuaires reste inférieur à 40% pour la moitié des installations. La baisse de la consommation à l’horizon 2030 et la hausse de la capacité des terminaux aura pour effet une baisse de ce taux.