Golfe Persique : la géopolitique sous la loupe des opérateurs pétroliers
Dans un rapport du 17 juin, le courtier Signal explore les différents scénarios liés à une escalade du conflit entre l’Iran et Israël.
Les tensions entre l’Iran et Israël suscitent encore des inquiétudes de la part des opérateurs logistiques pétroliers. Sans que cela n’apparaisse aujourd’hui clairement dans les déclarations, le blocage du détroit d’Ormuz demeure une hypothèse plausible.
Un trafic de 20,9 Mb/j
Dans son rapport du 17 juin, Signal rappelle l’importance du détroit d’Ormuz. Situé à l’entrée du golfe Persique, il permet l’accès aux plus grandes réserves pétrolières et gazières du monde. En effet, en 2023, ce passage a vu un trafic de 20,9 Mb/j (million de barils par jour) de produits pétroliers. Cela représente 20% de la consommation mondiale et 25% du trafic mondial de produits pétroliers.
Un rôle primordial dans l’économie mondiale
Ce détroit joue donc un rôle essentiel dans l’économie mondiale. Au cours des dernières décennies, les tensions géopolitiques n’ont pas entravé la navigation. Ainsi, entre 1980 et 1988, pendant la première guerre du Golfe, les deux belligérants ont pris pour cible des pétroliers. Cependant, la navigation n’a jamais connu d’interruption. Effectivement, les forces armées américaines et européennes ont mené des opérations d’escorte et de déminage. « Une escalade du conflit et le blocage de ce détroit conduirait à des conséquences sans précédents tant pour le marché de l’énergie que pour l’Iran », note Signal. Il représente le lien vital pour l’Iran avec les pays d’Asie.
Le prix du baril s’est emballé
Dès les premiers missiles, le marché pétrolier a craint des conséquences. Le prix du baril a gagné 10$ en quelques heures pour passer à 70$ le baril dès le 13 juin. « Toutefois, le sentiment du marché a depuis commencé à s’apaiser. À ce jour, le passage par le détroit d’Ormuz ininterrompu des pétroliers a atténué les craintes immédiates, entraînant un léger recul des prix et suggérant que la prime de risque géopolitique pourrait avoir atteint son maximum à court terme », indique signal. Néanmoins, le risque d’une escalade régionale plus large reste une préoccupation majeure. Selon JP Morgan, une escalade pourrait retirer du marché plus de 2,1 Mb/j. Les prix du baril s’envoleraient et pourraient dépasser la barre des 100 $.
Le port de Bandar Abbas toujours opérationnel
Les premiers comptes rendus militaires indiquent des frappes israéliennes près du port iranien de Bandar Abbas. De son côté, l’Iran affirme que les opérations n’ont pas été affectées. Le port de Bandar Abbas est stratégique pour le pays. Des dommages pourraient perturber le trafic des navires pétroliers. Pour sa part, la National Iranian Oil Refining and Distribution Company a déclaré que ses installations de raffinage et de stockage restaient pleinement opérationnelles et n’avaient subi aucun dommage.
Le temps d’attente s’allonge avant les attaques
Néanmoins, le risque de perturbation des flux de pétrole persiste, surtout si l’on considère les menaces passées de l’Iran de bloquer le détroit. Le risque d’attaques de missiles sur les infrastructures portuaires pétrolières iraniennes accroît l’incertitude, comme en témoigne l’augmentation des temps d’attente estimés au port de l’île de Kharg. La période d’attente des navires a augmenté. Ainsi, des cinq jours répertoriés en début du mois de mai le délai est passé à 11 jours le 13 juin. Une augmentation qui s’est produite sans qu’il y ait eu d’augmentation du nombre de navires.
Le scénario d’un blocage total
Le contexte actuel amène le courtier a proposé trois scénarios pour les prochaines semaines. Le premier prend en compte la fermeture totale du détroit d’Ormuz. La première conséquence sera une flambée des prix du pétrole à plus de 100 $/baril. Dans ces conditions, le monde entrera dans une instabilité économique. Il n’est pas exclu de voir un risque accru de conflit. Même les pays qui n’importent pas directement le pétrole du Golfe seraient affectés par une baisse immédiate de l’offre mondiale. Une fermeture totale entraînerait également une hausse des taux de fret.
La fermeture partielle du détroit
Le deuxième scénario imagine une fermeture partielle de ce détroit. Le franchissement du détroit d’Ormuz sera perturbé par des attaques ou des détournements. De plus, l’Iran pourrait utiliser les Houthis pour accroître les perturbations. Une hypothèse qui doit aussi prendre en compte l’affaiblissement des capacités militaires des Houthis depuis les attaques menées par les États-Unis au Yémen. « Dans ce scénario, certains armateurs pourraient refuser d’accéder aux terminaux du golfe Persique. Cela entraînerait un resserrement de l’offre de navires disponibles pour les chargements vers l’Est. » Dans un tel scénario, les exportations de pétrole du Moyen-Orient seraient maintenues, mais la disponibilité limitée des navires ferait grimper les taux de fret. Par ailleurs, « l’interruption du transit du pétrole prolongerait la hausse des prix du pétrole. Une position qui profiterait aux États-Unis et à d’autres producteurs, en particulier en Atlantique. »
Le rôle de la Chine
Cependant, ce scénario doit composer avec le rôle de la Chine. En effet, l’Empire du milieu reste le principal client pour le pétrole iranien avec plus d’un Mb/j. Si Téhéran devait poursuivre l’escalade en attaquant des pétroliers pour perturber le transport maritime, les recettes pétrolières iraniennes en pâtiraient. Dans le cas de perturbations pour l’approvisionnement en pétrole iranien, la Chine pourrait probablement chercher à renforcer son partenariat existant avec les compagnies pétrolières brésiliennes. La question demeure de savoir si les capacités brésiliennes peuvent remplacer celles de l’Iran.
L’alternative pipe-line : une solution limitée
Le troisième scénario s’apparente à une conséquence des deux premiers. Il prévoit d’utiliser des pipe-lines pour éviter le passage par le détroit d’Ormuz. Cependant, seuls l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) disposent d’oléoducs opérationnels capables de contourner le détroit d’Ormuz. Saudi Aramco exploite l’oléoduc est-ouest d’une capacité de 5 Mb/j. De leur côté, les Émirats arabes unis relient possèdent une infrastructure pour relier les productions terrestres au port de Fujairah, dans le golfe d’Oman. L’oléoduc offre une capacité de 1,5 Mb/j. L’Iran, quant à lui, a inauguré, en 2021, l’oléoduc Goreh-Jask. Il est relié au terminal de Jask, dans le golfe d’Oman. À ce jour, cet oléoduc n’a transporté qu’une seule cargaison en juillet 2021. La capacité de cet oléoduc est estimée à 0,3 Mb/j. Au total, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime qu’environ 3,5 Mb/j de capacité théorique de ces oléoducs sont disponibles.