Prospectives

La propulsion vélique au secours du cabotage maritime

Une étude réalisée par Zéphyr & Borée lors de Wind for Goods développe l’idée de cabotage maritime dans les ports bretons. La solution logistique avec des navires propulsés à la voile peine à s’imposer.

Le cabotage maritime reste, en France, une option peu utilisée par les donneurs d’ordre. Sans faire un retour historique en des temps anciens, c’est grâce à ce mode de transport que le commerce français s’est développé. Aujourd’hui les liaisons entre les grands centres de consommation se réalisent par la route.

Les atouts de la région Bretagne

Face à ce constat, la région Bretagne a décidé de réactiver ce mode de transport. Elle a missionné l’entreprise Zéphyr & Borée pour réaliser une étude sur le potentiel de développement de ce mode de transport avec des navires propulsés à la voile. « Consciente du potentiel de la propulsion vélique pour décarboner le transport maritime, et des atouts de la Bretagne pour se positionner sur ce créneau, la Région a adopté, à l’automne 2023, une feuille de route en faveur du transport vélique. »

Une région logistique majoritairement routière

Actuellement, les transports intérieurs en Bretagne sont réalisés en grande majorité par le routier. En effet, entre 4000 et 10 000 camions empruntent chaque jour les deux routes nationales qui relient l’est et l’ouest breton. Au total, ces flux représentent 115 Mt par an. Un chiffre qui devrait s’élever à 160 Mt en 2050. Il y a donc urgence à trouver des solutions de report modal décarboné.

Trois scénarios entre Lorient et Brest

Alors, Zéphyr & Borée présente trois schémas logistiques de report modal entre Lorient et Brest. Ils permettent « d’évaluer la pertinence économique et écologique dans les conditions socioéconomiques actuelles. » Le premier consiste en l’utilisation d’un véhicule Utilitaire Léger (VUL) avec un navire à voile. Une hypothèse dans laquelle le principal du trajet est assuré par voie maritime en voilier cargo. Une solution qui comprend un pré et un post acheminement par la route sur une distance de 10 km. La deuxième hypothèse prend un transport routier avec un poids lourd en lot complet. Enfin, la troisième propose de combiner un transport avec un véhicule utilitaire léger et un poids lourd. Le VUL rejoint un entrepôt avant que le poids lourd ne réalise un transport de groupage.

Le transport vélique en mauvaise place

Ces trois hypothèses posées, la comparaison ne plaide pas en faveur d’un report modal vers une logistique vélique. En effet, dans la première hypothèse, le coût par palette revient à 180€ de porte-à-porte. Les rédacteurs du rapport valorisent la capacité du navire à 250 palettes. Dans l’hypothèse d’un poids lourd pouvant emporter 33 palettes, le coût à la palette est ramené à 10€. Enfin, l’utilisation du système de groupage par camion porte le coût à 150€ par palette.

Le cabotage à la voile n’est pas pertinent

Et Zéphyr & Borée de tirer la conclusion évidente sur le coût du transport. « Au niveau régional et dans les conditions socio-économiques actuelles, le scénario de cabotage à la voile proposé n’est pas pertinent comparé au transport routier car il présente un surcoût estimé à +1 800 % » De plus, pris du point de vue des émissions, la solution d’une logistique vélique ne remporte pas la palme. Ainsi, la conclusion est que le schéma logistique avec un voilier cargo est plus émissif que la solution tout route. La raison tient à l’utilisation de VUL en amont et aval du transport maritime. L’avantage de la solution vélique peut devenir intéressant si le recours au VUL est évité. Compte tenu des désavantages logistiques que présente le schéma en voilier cargo (prix, délai, fréquence) en 2025, nous estimons que le transport à la voile n’est pas pertinent sauf pour des cas très spécifiques au niveau régional, indique le rapport.

Deux scénarios entre Brest et Gijón

Zéphyr & Borée a étendu son étude sur un transport entre Brest et le port espagnol de Gijón. Dans cette étude, les rapporteurs considèrent deux schémas. Le premier se penche sur le transport d’un conteneur 40’ avec un porte-conteneurs hybride avec un pré et post acheminement par la route sur 70 km. Le navire dispose d’une capacité de 100 EQP. Le second schéma se fait par la route de porte-à-porte.

Un coût logistique favorable à la route

Le résultat montre un coût de 2 383 € dans la première solution. Il est à 2 100€ par conteneur pour le second schéma. La conclusion est que la distance rend le maritime plus compétitif. De plus, continue le rapport, « En 2025, les économies d’échelle sont le facteur n°1 dans l’optimisation du coût. Alors, plus le navire est grand et moins le coût unitaire de transport est cher (à condition d’avoir un taux de remplissage satisfaisant). » Par ailleurs, pour les longues distances, le transport maritime à la voile permet une réduction des émissions de CO2.

Des leviers sur la manutention

Le rapport propose plusieurs leviers pour favoriser le report modal vers des navires cargos à voile. D’une part il faut agir sur le coût de la manutention. Alors, il faut se pencher sur la tarification dans les ports pour les petites lignes de cabotage à la voile pour que les frais liés aux escales récurrentes soient supportables. Un autre levier vise à étudier la possibilité pour les caboteurs à propulsion vélique d’utiliser dans les ports leurs propres moyens de manutention pour charger et décharger leurs marchandises. Le troisième levier consiste à mettre en place une convention entre les armateurs et les acteurs portuaires pour la mise en place de lignes régulières de cabotage à propulsion vélique. Elle doit porter sur la tarification des droits de ports et la manutention au cas par cas afin que cela soit mieux adapté au type de trafic.

L’optimisation du coût du transport maritime

Les leviers doivent aussi se porter sur l’optimisation du coût du transport maritime. Alors, le rapport propose d’agir sur l’investissement initial dans le navire soit en équipant des navires existants de systèmes à propulsion vélique, soit en affrétant un navire à propulsion vélique existant. Ensuite, l’optimisation des économies d’échelle par l’engagement des partenaires sur la durée et avec des volumes réguliers, en s’assurant d’un taux de chargement suffisant dans les deux sens pour une taille du navire optimale à positionner sur la ligne. Ensuite, pour mettre en avant cette solution logistique, le rapport propose de disposer d’entrepôts stratégiquement placés en zone portuaire. Enfin, cette solution passe par la garantie d’un nombre de rotations suffisant. Pour cela il est indispensable de réduire le temps passé à quai et donc d’optimiser les opérations de manutention au maximum.