Le port de Lorient va changer de gouvernance
Le port de Lorient change de gouvernance. Il passe sous le statut de société portuaire en 2028, écrit Gaël Cogné dans Mer et Marine.
Comme à Brest depuis 2021, le port de Lorient va devenir à son tour une société portuaire. Elle pourrait voir le jour le 1er janvier 2028. La Région Bretagne en sera actionnaire à hauteur de 51%, aux côtés de Lorient Agglomération et de la CCI du Morbihan. Cette nouvelle gestion doit faciliter des investissements de long terme.
La fin de la SAS PCLBS
« Un grand moment », pour le maire de Lorient, Fabrice Loher. « Un accord historique pour l’avenir du port de Lorient », selon le président de la Région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard. Avant même que s’achève la concession de 10 ans de la SAS Port de Commerce de Lorient Bretagne Sud (SAS PCLBS), fin 2029, le port de Lorient va changer de gouvernance, ont annoncé les deux élus, le 4 avril, en présence des dirigeants de la SAS PCLBS et de la Chambre de Commerce et d’Industrie.
Une société portuaire d’ici trois ans
Ils ont décidé, d’un commun accord, de lancer d’ici trois ans une société portuaire, à l’instar de ce qui a été créé à Brest. La Région Bretagne, Lorient Agglomération et la CCI en seront les trois actionnaires. La Région Bretagne détiendra 51% des parts au côté de ses deux coactionnaires, dont les participations restent à déterminer. Cette nouvelle gouvernance vise à être « à même de porter des investissements sur le long terme », indique un communiqué de la Région, avec une concession sur 30 ou 40 ans.
Une concession qui date de 2020
Pour rappel, la Région est propriétaire du port depuis 2007, après transfert de l’État. Elle a concédé, le 1er janvier 2020, la gestion et l’exploitation des sites de Kergroise et du Rohu dans le cadre d’une délégation de service public à la SAS PCLBS. Cette structure regroupe la CCI du Morbihan (actionnaire majoritaire, avec 56% des parts), la Caisse des dépôts et consignations (20%), Xsea (filiale immobilière de Lorient Agglomération, 10%), Cipago (5%), 56 Energies (5%), Sellor (1%), le Crédit agricole du Morbihan (1%), la Caisse d’épargne Bretagne / Pays de Loire (1%) et le Crédit Mutuel Arkéa (1%).
Une solution trop contraignante
Mais cette solution s’est avérée trop contraignante, a expliqué David Cabedoce, président de la SAS PCLBS. « Il y a eu des cycles de discussion avec la Région Bretagne, la Chambre de commerce et Lorient Agglomération sur le contrat de délégation de service que gère la SAS depuis 2020. Ce contrat a été établi sur dix ans. Il s’avère que pour porter les investissements, c’est très court. Vous imaginez, sur des investissements qui sont de l’ordre de plusieurs millions d’euros, porter sur cette durée, c’est très compliqué, parce que le droit nous oblige à faire ce qu’on appelle – c’est un peu technique – des suramortissements caducité » (amortissement permettant la reconstitution, au plus tard à l’expiration de la concession, de la totalité des capitaux investis par le concessionnaire).
Faire évoluer le contrat de concession
Il reprend : « Nous nous sommes dit : pourquoi ne pas faire évoluer le contrat de concession pour anticiper sa fin et partir sur un modèle qui donnerait du temps au port de Lorient pour ses investissements, aussi bien en infrastructures qu’en outillages ? Surtout que la Région Bretagne bénéficie déjà d’un exemple, avec le port de Brest. » Un mode de gestion qui a également séduit la Région Nouvelle-Aquitaine. Le 1er juillet 2024, la CCI Bayonne Pays Basque, concessionnaire pour 15 ans, a cédé la gestion à la Société Portuaire du Port de Bayonne. Elle réunit la Région, la CCI Bayonne Pays Basque et la CCI des Landes pour une concession de 40 ans.
Pourquoi ce choix ?
« La société portuaire a deux intérêts. Un : on se donne beaucoup de temps puisqu’on fait des contrats sur 30 ou 40 ans. Deux : elle aligne la position du propriétaire, la position des actionnaires et la stratégie de la société elle-même dans une seule entité qui est la société propriétaire », a expliqué Loïg Chesnais-Girard, soulignant qu’il y aurait un « pacte d’actionnaires » pour se mettre d’accord sur « une vision » commune. Le but est notamment de pouvoir « définir la stratégie de long terme et mener les investissements en concertation ».
Consolider les trafics historiques
Car la Région et ses partenaires veulent « consolider les trafics historiques » et « en développer de nouveaux à forte valeur ajoutée, comme les énergies marines et le vélique », indique la collectivité. Depuis 2007, 50 M€ ont été consacrés à la modernisation des infrastructures portuaires de Lorient, dont plus de 30 millions pour accueillir des vraquiers de gabarit Panamax (extension des quais et dragage) et 20 M€ pour le maintien en condition opérationnelle. Fin 2024 encore, l’acquisition de deux remorqueurs a été entérinée, dont 11.5 millions d’euros sont financés par la Région.
Des investissements lourds
Mais, d’après Fabrice Loher, ce sont encore « plusieurs dizaines de M€ qu’il faudra assumer dans les années qui viennent pour la modernisation des infrastructures, les quais, les moyens de manutention… ». « Les investissements de court terme – pour nous c’est 2030 – s’élèvent déjà à 90 M€ », a fait valoir Michaël Quernez, vice-président à la Région en charge des ports. « On voit bien qu’on est sur des volumes extrêmement importants, mais il serait encore prématuré de donner un volume global à l’échelle de la durée de ce que l’on va donner à cette société portuaire », avant le pacte d’actionnaire et la feuille de route.
Lorient engagé dans le projet InFlow
Le port de Lorient est engagé dans le projet InFlow avec le port de Brest, dans la perspective de la construction du parc éolien flottant en Bretagne Sud. La première phase de 250 MW, portée par Pennavel, devrait être mise en service en 2031. La deuxième phase, de 400 à 550 MW, est prévue par la suite. Une infrastructure EMR est à l’étude pour accueillir les colis lourds et la flotte nécessaire au déploiement des systèmes d’ancrage. Cela nécessite notamment de créer un quai renforcé capable de soutenir les ancres et chaînes. Une base de maintenance est aussi prévue, probablement rive gauche du Scorff. Elle nécessitera des hangars de stockage et pontons pour accueillir les navires de transfert de techniciens (CTV) chargés de la maintenance en mer des éoliennes.
Se développer sur le vélique
Par ailleurs, le port de Lorient souhaite attirer un trafic de navires à propulsion vélique. Un projet qui nécessiterait certains aménagements portuaires, comme l’aménagement de la paroi des quais ou l’adaptation d’outils. Le port bénéficie aussi de l’implantation de la SolidSail Mast Factory. Elle fabrique les mâts du système vélique SolidSail / AeolDrive conçu par les Chantiers de l’Atlantique. Ils sont, pour le moment, exportés par la route, mais ils pourraient transiter par voie maritime à l’avenir.
Quel avenir pour Saint-Malo ?
Faut-il s’attendre à ce qu’après les ports de Brest et Lorient, le troisième important port de commerce breton, Saint-Malo, change aussi son mode de gouvernance ? Actuellement, c’est la société Edeis qui gère les ports de Saint-Malo et Cancale pour une concession de 10 ans, jusqu’à fin 2029. Par le passé, « le port de Saint-Malo a refusé la société portuaire. C’est la raison pour laquelle nous sommes partis dans un autre modèle », a répondu Loïg Chesnais-Girard. « Sur Saint-Malo, c’est un autre projet qui est parti pour le moment. Nous discutons avec cette entreprise qui a une DSP et qui travaille sur Saint-Malo. Je ne veux pas les mettre en vibration aujourd’hui ».