Corridors et logistique

Sénégal : la fragilité des corridors terrestres vers les pays enclavés

Les corridors terrestres au départ du port de Dakar vers les pays sans littoral de la sous-région souffrent d’un manque d’entretien. Des pistes sont évoquées pour que le Sénégal retrouve sa position face aux pays sans littoral.

Le Port autonome de Dakar joue depuis plusieurs décennies un rôle dans les chaînes d’approvisionnement des pays sans littoral de la sous-région. Ainsi, le port sénégalais a ouvert, dans sa circonscription un espace sous douane dédié aux opérateurs maliens. Une opportunité pour le Mali mais aussi pour le port de Dakar qui ancre son attachement à desservir le pays.

Les parts de marché du Sénégal sur les corridors s’effritent

Cependant, les corridors terrestres vers le Mali, le Burkina Faso et le Niger souffrent. Dans un webinaire organisé par Africa Supply Chain, les spécialistes dessinent un paysage plutôt difficile. Une situation qui profite aux ports concurrents. « les parts de marché du Sénégal se contractent ces dernières années au profit des ports d’Abidjan, Lomé et de Cotonou. D’autres ports comme Nouakchott en Mauritanie et Conakry en Guinée entrent sur ce marché », indique un responsable d’Africa Supply Chain.

Des acteurs trop nombreux pour une fluidité

Une situation qui s’explique par les handicaps de ces routes. Pour Djibril Mbodj, consultant en supply chain et directeur général de DMA Logistics, le paradoxe sénégalais trouve toute sa signification dans ce sujet. D’un côté, explique le consultant, le Port autonome de Dakar mène une stratégie de développement avec des investissements importants, à l’image du projet de Ndayane. D’un autre côté, les corridors soufrent de goulets d’étranglement majeurs. « Trop d’acteurs publics interviennent pour une fluidité de ces corridors. De plus, le manque d’option multimodale renchérit le coût. Par conséquent, les coûts logistiques entre Dakar et les pays enclavés demeurent les plus élevés de la sous-région ».

Une concurrence accrue de Nouakchott à Lomé

Outre ces points, une partie du fret se détourne du port sénégalais. Les investissements de la Côte d’Ivoire pour donner une place au Port autonome d’Abidjan portent leurs fruits. La part des pays enclavés dans le trafic de transit croît chaque année. De plus, le port de San Pedro prend des parts de marché. Ainsi, la concurrence s’intensifie. Outre les ports ivoiriens, Lomé, Tema mais aussi Conakry et Nouakchott bataillent pour des parts de marché. Une concurrence qui va plus loin. Le projet de route transsaharienne depuis l’Algérie pour relier directement le Niger et le Mali peut constituer une nouvelle concurrence à prendre en compte.

La sécurité : un élément majeur

Cependant, les observateurs notent que ces corridors terrestres ont tous un dénominateur commun : l’insécurité. L’acheminement des marchandises depuis Dakar vers l’intérieur doit se combiner avec la sécurité du transport. Les barrages et les vols de marchandises sont fréquents, selon les observateurs. Et le secrétaire général des transporteurs de conteneurs sénégalais rappelle que les transporteurs préfèrent désormais livrer à la frontière malienne. En effet, la milice Wagner peut demander le paiement de droits pour livrer à l’intérieur du Mali. Des sommes qui peuvent atteindre plusieurs milliers de FCFA par conteneur.

Des défis à releever sur les infrastructures et les formalités administratives

Face à ces handicaps, les observateurs proposent des solutions pour permettre au Port autonome de Dakar de retrouver son aura dans les pays enclavés. Parmi les défis à relever se retrouve, de l’avis unanime des observateurs, la nécessité d’investir dans les infrastructures. Des financements à concentrer sur la route mais aussi le ferroviaire pour disposer d’une option multimodale. De plus, la simplification des procédures devient urgente. Les formalités douanières et administratives se complexifient. Le manque de coordination entre les acteurs publics alourdi le coût et le temps de passage. Aussi, les transporteurs routiers demandent une plus grande sécurité des corridors.

Le cas du port de Ziguinchor pour désengorger Dakar

Néanmoins, ces propositions reposent sur la volonté de l’État. Les privés doivent aussi prendre leur part dans le développement des corridors. « Nous avons tenté de trouver des solutions pour désengorger le port de Dakar, rappelle Djibril Mbodji. Nous avons développé un trafic depuis le port de Ziguinchor pour le trafic d’anacarde. La première année, en 2018, ce sont 200 conteneurs qui ont transité par Dakar au lieu de la Gambie. L’année suivante, nous avons traité 2000 conteneurs sur le port de Ziguinchor. Depuis, le trafic s’est arrêté faute d’une gouvernance du port par l’État. »

Le secteur privé attend un cadre accueillant et sûr

Effectivement, la pluralité de ports doit permettre de diversifier les trafics et alimenter les corridors terrestres. « Chaque port doit avoir sa spécialité. Le futur port de Ndayane sera consacré aux conteneurs. Dakar et Ziguinchor doivent s’intégrer dans ce dispositif national », souligne Abdel Aziz Pouyé, responsable de DP World au Sénégal. Déjà, le secteur privé prend position au Sénégal et investi. « Le secteur privé est prêt à investir. Néanmoins, il attend des pouvoirs publics un cadre accueillant et la sécurité », rappelle Tamsir Ousmane Traoré, président de Logidoo. Or, les observateurs constatent que la sécurité des corridors terrestres fait toujours défaut.