Upply dévoile les scénarios du marché de la conteneurisation pour 2025
Jérôme de Ricqlès, expert maritime chez Upply, dévoile les trois scénarios possibles de la conteneurisation pour 2025. Entre la refonte des alliances et les incertitudes liées à l’arrivée de Donald Trump à la Maison blanche, le marché de la conteneurisation pourrait changer de paradigme.
En 2025, le marché de la conteneurisation se situe dans un contexte « tonique ». Pour Jérôme de Ricqlès, expert maritime chez Upply, la surcapacité colossale et la concurrence vive menacent de compliquer la répercussion de cette inflation sur les taux de fret ». Alors, dans son analyse prospective pour les prochains mois, il rappelle les constantes du marché.
Environnement économique et enjeux géopolitiques
Dans le contexte actuel, plusieurs éléments sont à prendre en compte. D’une part, il note les facteurs inflationnistes qui pèsent sur les taux de fret. En premier lieu, l’environnement économique joue un rôle important. Entre la concentration du marché, la hausse généralisée des droits de port et le risque d’une hausse du pétrole, les coûts opérationnels des armateurs augmentent. Le risque géopolitique demeure. Les attaques des Houthis contre les navires et leur déroutement par le cap de Bonne-Espérance, le conflit en Ukraine et les tensions en mer de Chine attisent les craintes.
La décarbonation pèse sur les taux de fret
À ces différents éléments viennent s’ajouter les questions de sécurité et de sûreté. Le risque d’attaques cyber, la lutte contre le trafic de drogues et le durcissement des conditions de transport des batteries au lithium s’ajoutent. Enfin, les questions environnementales complètent ce tableau. Elles concernent la décarbonation de ce secteur avec la nécessité d’entreprendre des efforts de recherche et développement. L’exposition des zones portuaires aux événements climatologiques extrêmes pourrait inciter les États à faire participer les armements. Et, la mise en place probable de mesures plus contraignantes pour le report modal alourdirait encore la facture.
Une hausse de 500$/EVP sur les coûts opérationnels
Dans ces conditions, « si l’on cumule ces éléments inflationnistes ramenés au conteneur, il y a un potentiel de hausse des coûts opérationnels d’environ 500 USD par conteneur, et 1500 USD par conteneur si l’on cumule un transit par le Cap de Bonne-Espérance par rapport à la route “normale” via Suez pour l’axe Asie-Europe », indique Jérôme de Ricqlès.
Des facteurs déflationnistes de la conteneurisation
Outre ces facteurs inflationnistes, plusieurs éléments déflationnistes sont à prendre en considération. Il s’agit notamment de la surcapacité liée aux commandes sans précédent. Ensuite, la recomposition des alliances maritimes plonge le secteur dans une nouvelle donne avec une concurrence importante. Les menaces de droits de douanes élevés aux États-Unis peuvent avoir un effet déflationniste selon Jérôme de Ricqlès. Enfin, le contexte géopolitique peut se retourner. Un retour à la « normale » en mer Rouge aura pour effet de créer une surcapacité explosive.
Le premier scénario privilégie la puissance de MSC
Ces éléments de contexte posé, l’expert maritime de Upply dresse les trois tableaux qu’il imagine pour les prochains mois. Le premier se résume en une phrase, apparaissant presque comme une maxime : « MSC fait le marché, les autres compagnies tentent de suivre ». Cette hypothèse s’articule autour de la stratégie commerciale de l’armement. Avec la première flotte mondiale, des navires équipés de scrubbers pouvant souter avec un carburant bon marché et des prix bas pour les principaux transitaires, MSC dicte sa loi sur le marché. « C’est donc clairement une stratégie primaire de contrôle et d’acquisition permanente de parts de marché, avec le soutien sans failles des grands commissionnaires de transport internationaux », indique l’expert.
Des montagnes russes pour les tarifs
Cependant, la possibilité d’un retournement de marché peut survenir dès le mois de février. Dans ces conditions, MSC a su tirer son épingle du jeu en proposant des taux de fret encore plus bas pour capter des parts de marché. Pour ses concurrents, « les seuils de rentabilité sont fragilisés. MSC, qui ne publie pas ses résultats financiers, peut entretenir la baisse un certain temps avant d’annoncer le retournement du cycle suivant. » Alors, le marché risque d’entrer dans une phase de montagnes russes entre hausse et baisse des taux de fret.
Encadrer la domination du marché de la conteneurisation par MSC
Le deuxième scénario table sur une domination encadrée de MSC. En effet, face à une hégémonie trop importante, les États, des institutions et les concurrents sont tentés de cadrer cette position dominante. L’indépendance de la compagnie devra se faire dans un monde plus polarisé. Pour plaire tant aux États-Unis, qu’à la Chine et l’Europe, MSC devra apprendre à faire le grand écart. Alors, entre ses déboires judiciaires outre-Atlantique, les craintes d’un recentrage en Chine vers les compagnies nationales et la concurrence russe et chinoise en Afrique, MSC devra composer pour conserver sa place.
Quand le shipping américain se réveillera
Le troisième scénario prévoit le « grand réveil des États-Unis ». Aujourd’hui, le pays ne contrôle que 1% de la flotte mondiale. Une stratégie que le pays assume mais qui semble révolu. La place jouée par les compagnies maritimes étrangères dans les chaînes logistiques croît. D’ailleurs, Donald Trump l’a souligné lors de son appui aux dockers de la côte Est. Il s’indigne des profits réalisés par ces sociétés dans les ports américains. Alors, dans ce contexte, Jérôme de Ricqlès estime que « l’hypothèse d’une action plus vigoureuse des États-Unis pour reconstituer une flotte marchande nous semble plus que crédible. »
Entre plan en solo ou à plusieurs
Une solution qui peut s’appuyer sur deux sociétés. D’une part, Mærsk a créé une société américaine lors de la reprise de Sealand avec des navires sous pavillon national. D’autre part, Matson, spécialisé sur la desserte des États insulaires du pays pourrait devenir le bras armé de cette politique. Pour l’expert de Upply, « un plan ambitieux à 10 ans pourrait redonner une place à une compagnie américaine sur les grands océans du globe. Cette stratégie pourrait se déployer en solo, mais serait plus efficace pour les intérêts américains si elle se déployait dans le cadre d’une alliance, car la montée en puissance serait plus rapide. »