Prospectives

Upply dévoile les trois scénarios pour 2024

Jérôme de Ricqlès, expert maritime chez Upply, dévoile les trois scénarios possibles en 2024 pour le transport maritime. Dans un contexte morose, le transport maritime devra composer avec des facteurs exogènes.

Il est difficile de pouvoir encore regarder le verre avec un peu de liquide. La situation actuelle n’appelle pas à l’optimisme. Ainsi, pour commencer son exposé sur les trois scénarios, Jérôme de Ricqlès rappelle que la baisse des taux de fret a été disproportionnée par rapport au marché. « Certes, les volumes à transporter ont diminué, mais ils sont beaucoup moins dégradés que la baisse excessive des taux ne pourrait le faire croire. »

La question de la participation financière de la décarbonation

De plus, continue l’expert maritime, la fiabilité des services maritimes s’améliore. Cependant, le contexte est loin de satisfaire les clients au niveau du service rendu. Les chargeurs subissent toujours des surcharges importantes visant à compenser des taux de fret bas. Par ailleurs, les questions liées à la décarbonation ne sont pas réglées. Le réchauffement climatique s’aggrave chaque année. Si la COP de Dubaï propose une « transition hors des énergies fossiles », « certains risques ne seront plus assurables face à la trop grande amplitude climatique », précise Jérôme de Ricqlès. Quant à la participation financière des chargeurs à la décarbonation, la question est loin d’être réglée.

La mer redevient un enjeu de pouvoir

Enfin, la géopolitique a fait son grand retour dans le monde du commerce international. Les tensions entre les pays du sud et ceux du nord s’amplifient. Et dans ce contexte, « la maîtrise de la mer redevient un enjeu de pouvoir dans le rapport de force planétaire. » Des éléments qui conduisent à tempérer le peu d’optimisme restant.

Maintenir l’évitement des canaux de Suez et de Panama

Alors, le premier scénario proposé par l’expert maritime de Upply se construit sur l’évitement du canal de Suez et de celui de Panama. Le passage par les caps Horn et de Bonne-Espérance revient comme une évidence. Le déroutement face au canal de Panama tient à la sécheresse que le pays subit. Quant à éviter le canal de Suez et la mer Rouge, les motivations tiennent plus à des questions sécuritaires. Ces nouvelles routes pourraient être « une aubaine pour les compagnies maritimes, afin de susciter un rebond du marché en leur faveur de façon durable ». Le rallongement des routes permettrait de renforcer les flottes des opérateurs maritimes. Et pour Jérôme de Ricqlès, ces déroutements peuvent avoir pour effet de faire remonter les taux de fret des liaisons Asie-Europe aux alentours de 3500$/EQP.

Appliquer une véritable « Carrier Discipline »

Pour sa part, le deuxième scénario table sur une véritable « carrier discipline ». Pour dégager des marges, les armateurs opérants entre l’Asie et l’Europe doivent appliquer des taux de fret entre 2000 $/EQP et 2500$/EQP. Des tarifs qui permettent de couvrir les coûts d’exploitation et ceux de la transition énergétique. Alors, « pour y parvenir, les compagnies maritimes doivent adopter une discipline très stricte en matière de services. Cela passe par un pilotage plus fin de l’offre de transport par rapport à la demande. Or, cela amènera à généraliser simultanément les blank sailings sur la durée jusqu’à ce que les détenteurs de la marchandise n’aient pas d’autre choix, s’ils veulent accéder à la capacité, que de payer le minimum requis pour garantir la rentabilité de l’opération de transport », indique l’expert maritime.

Les répercussions d’un conflit Chine-États-Unis

Enfin, le troisième scénario imagine un embrasement des questions liées à la géopolitique. En février, le conflit entre l’Ukraine et la Russie entrera dans sa troisième année. L’attaque du 7 octobre en Israël a projeté des étincelles jusqu’en mer Rouge. Et, la reprise de Taïwan par la Chine couve. Ce dernier élément « induirait de grands déroutements maritimes et vraisemblablement des embargos qui auraient pour effet de casser la dynamique du commerce. On assisterait alors au mieux à une forte inflation des taux de fret, au pire à des interruptions massives de trafic. » De plus, souligne Jérôme de Ricqlès, bien plus qu’un conflit frontal, l’affrontement entre la Chine et les États-Unis se déplace sur le terrain économique. « Pour les États-Unis, il apparaît désormais évident que sécurité nationale et sécurité économique sont intimement liées », continue l’expert maritime de Upply.