Caraïbes : entre hub et porte d’entrée du marché domestique, la double vocation des ports
Une étude menée par PortEconomics démontre la double fonction des ports des Caraïbes. Ils servent de point d’entrée des marchandises pour l’île, d’une part, et de port de transbordement, d’autre part. Les ports antillais français s’inscrivent dans cette tendance.
Les Caraïbes ont cette particularité d’être un ensemble d’îles. Chacune dispose de son port pour s’approvisionner. Or, outre sa fonction de point d’entrée et de sortie de l’île, le port joue aussi, dans certaines îles, un rôle de port de transbordement. Une étude menée par PortEconomics en juin démontre de cette double vocation.
Des nœuds logistiques
Réalisée par Ricardo J. Sanchez et Eliana P. Barleta, l’étude sur les ports des Caraïbes analyse la situation tant dans les îles qu’en Amérique centrale. « Les ports des Caraïbes ont la double caractéristique d’être vital pour l’économie locale ainsi que d’être des nœuds logistiques entre l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord », expliquent les auteurs de l’étude. De plus, les ports dans les îles de taille réduite souffrent d’un déficit en infrastructures. Ils peuvent aussi manquer d’espaces pour accueillir en même temps des terminaux de vracs, conteneurs et de croisières.
Un ratio de 1 à 133 entre les deux extrêmes du tableau
Pour aller plus en détail, l’étude de PortEconomics prend en compte le trafic conteneurisé des 25 principaux ports caribéens. Le rapport de volume entre le port au trafic le premier et le dernier port du tableau est de 133. Dans le haut du tableau, les terminaux caribéens du Panama totalisent 4,9 MEVP. Dans le bas de ce classement se retrouve le port de Sainte Lucie avec 37 000 EVP. L’analyse de PortEconomics porte sur les cinq dernières années. Au cours de cette période, le quinté de tête change peu. En effet, les terminaux de Panama, tant du côté de la mer des Caraïbes que du Pacifique, trustent les deux premières places. Vient ensuite le port colombien de Cartagène avec 3,29 MEVP. Après avoir réussi à se hisser en deuxième place en 2022, le port de l’est de la Colombie rétrograde d’une place l’année passée.
La Martinique et la Guadeloupe au centre du tableau
Les deux dernières places du quinté de tête se jouent entre le port jamaïcain de Kingston et le port de la République dominicaine de Caucedo. Quant aux deux ports français des Antilles, ils se situent dans le milieu du tableau. Le GPM de la Guadeloupe, avec 216 000 EVP se place en 16è position. Le GPM de la Martinique, pour sa part, évolue entre la 16è et la 18è place selon les années. Les deux ports antillais français accusent le coup en 2023 en raison d’une consommation locale en berne.
Le GPM de la Guyane en 23è place
Le classement ne prend pas en compte le GPM de la Guyane. Or, avec 75 777 EVP en 2023, le port français de la côte ferme se place en 23è position devant celui de Bocas Fruit de Panama. Le port guyanais a gagné 4% en 2023. Dans le bas du tableau, après le port panaméen, qui opère principalement des exportations de bananes pour la société Chiquita, se trouve celui de Barcadera, sur l’île d’Aruba qui a réalisé un trafic de 64 800 EVP en 2023. Pour clore ce classement, les deux ports de Sainte Lucie, à savoir Vieux Port et Castries, totalisent 37 000 EVP.
Des trafics majoritairement en baisse en 2023
L’étude montre aussi qu’en 2023, la majorité des ports de ce classement termine l’année sur une note négative. Ils affichent des baisses qui s’élèvent à 22,8% pour Freeport, aux Bahamas. Sur les cinq dernières années, cet établissement a vu son trafic se réduire de 11,6%. D’autres ports affichent des baisses en 2023 mais, depuis 2019, s’inscrivent dans une tendance positive. Il en est ainsi de Kingston qui gagne 22,7% ou encore de Caucedo avec une progression de 49% en cinq ans. Dans le même état d’esprit, Port of Spain, sur l’île de Trinidad et Tobago a gagné 17% entre 2019 et 2023. Les deux ports des Antilles françaises affichent des résultats dans la même veine. Le GPM de Guadeloupe 4,4% sur les cinq dernières années. Quant au GPM de la Martinique, il progresse de 6,2% sur la même période.
Des ports devenus des hubs avec 91% de transbordement
L’évolution de ces trafics conteneurisés dépend en premier lieu de la consommation de l’île ou du pays. Pour certains, le port joue aussi un rôle de hub de transbordement. Ainsi, les deux auteurs de l’étude indiquent la part de transbordement de ces ports. Il apparaît que les principaux ports de la région affichent une part de transbordement importante. Ainsi, les terminaux panaméens, tant sur la côte atlantique que pacifique, réalisent 91% de leur trafic avec des flux de transbordement. Dans la même proportion, Freeport s’inscrit surtout en port de transbordement avec 90% de son trafic conteneur réalisé pour cette activité. Du côté de Kingston, un autre hub important dans la région, le transbordement intervient pour 85%. Quant au port de Caucedo, en République dominicaine, il traite 46% de son trafic en transbordement.
La combinaison entre hub et port local
Les observateurs s’accordent pour reconnaître qu’une activité de transbordement reste plus aléatoire que du trafic destiné au marché local. La décision d’un armement ou d’une alliance de changer de hub peut s’opérer en quelques jours. Pour sa part, le trafic domestique dépend plus de l’économie locale. En effet, il est attaché à desservir un marché même si celui-ci tend à diminuer par moment. Cette stratégie de combiner un hub avec une fonction de port domestique se développe dans les deux îles françaises. L’annonce par l’armement CMA CGM de créer le Hub Antilles autour de la Guadeloupe et de la Martinique dans une stratégie de desserte des Antilles va placer les deux ports à un niveau plus élevé dans le transbordement. En effet, avec 13% à 18% de transbordement, les deux ports français des Antilles se placent loin derrière les grands hubs de la région.
Des hubs internationaux et régionaux
La mise en place de cette stratégie va donner une nouvelle dynamique. D’une part, les deux ports continueront d’alimenter leur marché local. D’autre part, ils joueront un rôle central dans la desserte des Antilles et de l’Amérique du Sud. Or, le groupe CMA CGM est déjà présent dans le terminal à conteneurs de Kingston pour traiter des flux en transbordement. La mise en place du Hub Antilles en Guadeloupe et en Martinique, permet à l’armement marseillais de disposer de hubs internationaux et régionaux dans les Caraïbes.
Des caractéristiques qui se déclinent dans les départements ultramarins
L’étude réalisée par Ricardo J Sanchez et Eliana P. Barleta montre la double vocation des ports dans les îles des Caraïbes. Ce rôle de point d’entrée et de sortie du marché domestique avec, par endroit, une fonction de hub peut se décliner dans d’autres parties du monde. Ainsi, dans les départements ultramarins, Le GPM de La Réunion tente de s’imposer avec cette double casquette. Il en est de même du Port autonome de la Nouvelle Calédonie. Outre cette fonction de hub, les ports français offrent l’avantage de rapprocher l’Union européenne de certains marchés. La Réunion est souvent perçue comme la porte d’entrée de l’UE pour l’Afrique du Sud et les pays de ‘lest de l’Afrique.