Entre infrastructures physiques et digitales, l’Afrique ne fait pas le choix
Pendant Ambition Africa, qui s’est déroulé les 19 et 20 novembre à Paris, la logistique a pris une place importante. Autour des panelistes, le débat sur le choix entre investissements dans des infrastructures physiques et la digitalisation.
La logistique s’est invitée lors des conférences d’Ambition Africa, organisé par Business France. Le thème de cette année se concentre sur les enjeux stratégiques pour le continent tant pour les infrastructures physiques que la digitalisation. Le premier aspect abordé par les différents intervenants a porté sur le nombre de terminaux à conteneurs en Afrique.
Accompagner la croissance du continent
Pour certains observateurs, l’inflation de ce type de terminaux sur le continent inquiète. Une position que la directrice régionale Afrique de l’Ouest du groupe CMA CGM, Adeline Gabillaud, ne partage pas. « L’engouement pour les terminaux à conteneurs en Afrique de l’Ouest doit être mis en perspective avec la croissance du continent. » Une croissance de la population et de l’économie des différents pays. Alors, pour l’accompagner, il est nécessaire de disposer de tous les outils nécessaires. « La surcapacité peut s’analyser sur le court terme. Lissé sur 10 à 20 ans, la situation sera différente. »
Un besoin important en Afrique de l’Est
Cette analyse ne se décline pas sur l’Afrique de l’Est. Pour Abdillahi Adaweh Sigad, directeur général de la Société de gestion du terminal à conteneurs de Doraleh à Djibouti, la situation ne s’analyse pas de la mêle façon sur la façade orientale du continent. Cette partie du continent dispose du plus grand nombre de pays enclavé depuis l’Éthiopie au Zimbabwe. Alors, pour desservir les populations de ces pays, Abdillahi Adaweh Sigad souligne l’importance d’avoir une offre étendue de terminaux. « L’Afrique de l’Est manque de terminaux à conteneurs par rapport à la population à desservir. » Et ce besoin, le groupe AGL l’examine avec attention. Pour Serge Agnero, directeur régional d’AGL, « nous adaptons les besoins en optimisant les procédés logistiques. Dans ce contexte, nous explorons les opportunités qui peuvent s’ouvrir sur l’est et le sud de l’Afrique », confie le directeur régional.
La digitalisation favorise la fluidité
Face au besoin en infrastructure se dessine aussi une nécessité de disposer de structures digitales. « La digitalisation accélère les flux », a rappelé Hervé Cornède, président du directoire de la Soget. Alors, depuis plusieurs années, la société havraise se déploie sur le continent. Après le Bénin et le Togo, elle a implanté un guichet unique du commerce extérieur en RDC (République Démocratique du Congo). Elle travaille actuellement en Côte d’Ivoire. Ces projets apportent une plus grande fluidité des flux. « La connectivité digitale permet une plus grande fluidification et une accélération des flux », nous a confié le président du directoire de la Soget. Et cette connectivité passe par « le collage de la technologie sur les process métiers. »
Développer un réseau ferroviaire et routier
Outre les besoins dans les terminaux, l’Afrique doit faire face à des besoins d’infrastructures pour la desserte de l’hinterland. L’exemple de la desserte de l’Éthiopie par le port de Djibouti est symptomatique. Pour rejoindre la capitale éthiopienne depuis le terminal de Doraleh, un camion met entre une à trois semaines, selon la saison. « Ils doivent rouler sur des routes équivalentes à des départementales en France avec un dénivelé de 1200 m par endroit. Des conditions compliquées ». Alors, la réponse attendue est de développer le réseau ferroviaire. Actuellement au départ de Djibouti, il n’existe qu’une seule ligne. « Nous avons besoin d’un réseau ferroviaire parallèlement à un véritable réseau routier pour assurer les acheminements vers l’hinterland. » Et Abdillahi Adaweh Sigad va encore plus loin en considérant le port de Djibouti comme « une caricature. Nous ne pouvons pas desservir des pays qui ne sont pas limitrophes. Il faut voir plus loin. »
Développer les zones économiques
Cette difficulté de maillage n’est pas propre à la corne de l’Afrique. Les pays du golfe de Guinée sont dans une situation similaire. Pour Habib Mohammed Iya, Chef de la représentation du Port Autonome de Kribi à Douala, le besoin en infrastructures terrestres est estimé à environ 1000 Md$ dans la région. Des infrastructures dans le routier, le ferroviaire mais aussi pour les zones économiques et les ports secs. « Les projets routiers de la région ont besoin d’une coordination entre les États. »
Un plan Marshall pour le multimodal en Afrique
Outre les gouvernements, le secteur privé est aussi appelé à la rescousse. « Le groupe CMA CGM a l’intention d’investir dans le ferroviaire et le fluvial sur le continent », a assuré Adeline Gabillaud, directrice régionale Afrique de l’Ouest du groupe. Cependant, elle appelle les États à exprimer une réelle volonté sur le sujet. Des besoins importants que Serge Agnero appelle de ses vœux. « Nous avons besoin d’un plan Marshall sur la multimodalité en Afrique ». Il demande alerte contre des investissements dans des « éléphants blancs ». Il est besoin de rationaliser les investissements et visé le développement des modes de transport alternatifs.
La digitalisation, un gage de la performance portuaire pour les pays enclavés
Cette connectivité entre les terminaux maritimes et les centres de consommation à l’intérieur ne peut se réaliser pleinement sans intégrer le digital, soutien Hervé Cornède. Et pour expliquer cela, il rappelle que 70% du trafic du port de Pointe Noire est destiné au nord de la RDC. « Sans une connexion entre les systèmes informatiques, c’est toute la fluidité des flux qui est remise en cause. » De plus, cette connectivité est « un gage pour les pays enclavés de profiter pleinement de la performance portuaire. » Alors, comme pour les infrastructures physiques, les investissements dans la digitalisation ne peuvent pas se réaliser sans une volonté politique claire. « Il ne s’agit pas de faire un choix entre les investissements dans les infrastructures physiques et le digital mais plutôt de coordonner les deux en parallèle pour une plus grande connectivité de l’hinterland avec leurs ports. »