Shipping Days (3/6) : l’impact de la réindustrialisation en Europe sur le transport maritime
Nous continuons dans notre série liée aux Shipping Days avec la conférence sur les impacts de la réindustrialisation en Europe sur le transport maritime.
La volonté politique européenne de réindustrialiser son territoire a des impacts sur le transport maritime, et notamment le transport à courte distance (short sea). Les industriels ont pris conscience des risques dans certaines zones et de ceux liés à l’approvisionnement depuis la pandémie. La tendance de rapprocher la production se fait jour. Elle se matérialise par le « nearshoring », à savoir le rapprochement physique des centres de production, voire le « friendshoring ». Cette dernière vise à privilégier les pays avec lesquels les relations politiques et commerciales sont au beau fixe.
Ce mouvement a des impacts directs sur les chaînes logistiques.
Cette société gère le terminal roulier du GPM de Nantes Saint-Nazaire. Ce terminal est né à la fin des année 70 pour accueillir des liaisons avec Vigo en Espagne pour l’industrie automobile. Au cours de son existence, le terminal a connu des développements avec la réception des pièces pour l’Airbus A380, puis des voitures en provenance du Maroc, d’autres depuis le port allemand d’Emden. Dans les mois à venir, ce terminal opèrera les navires de Neoline sur Saint Pierre et Miquelon, Halifax et Baltimore.
Le short sea en partenaire du routier
La tendance de relocaliser les industries au plus près des lieux de consommation constitue une opportunité de développement pour les armateurs opérant dans le transport maritime à courte distance (short sea). Ainsi, WEC Lines, armement basé aux Pays-Bas, assure 45% de son activité sur ce segment. « Nous sommes confrontés à la concurrence avec la route. Les flux intra-européens se réalisent en majorité par ce mode, explique Jean-Baptiste Perrin, directeur France de WEC Lines. Cependant, nous nous présentons comme des partenaires du routier ». En effet, WEC Lines aligne des navires de 700 EVP à 800 EVP. Cela permet d’avoir des escales avec 100 à 150 mouvements. Cela permet d’être compétitif sur des volumes plus réduits.
Le développement de la région de Leixoes
Présent sur l’arc atlantique, WEC Lines charge au départ du Portugal du textile, du papier et des pierres vers la France. En fret retour ce sont surtout des produits agroalimentaires, des pièces automobiles et des pièces pour l’industrie lourde. Dans la région de Leixoes, à proximité de la ville de Porto, de nombreuses usines sortent de terre. Alors, avec le Maroc, dont l’industrie se développe, ces marchés sont des potentiels de développement pour le marché du short sea. Plus au Nord, en Pologne et dans les pays baltes, le nearshoring devient concret et constitue un marché à prendre pour le short sea.
Le ferroviaire doit s’articuler avec le maritime
Si la relocalisation européenne des industries s’amplifie, la logistique doit suivre. Couplé avec le transport maritime à courte distance, le ferroviaire doit aussi ajuster son offre. Pour l’opérateur du terminal roulier du GPM de Nantes Saint-Nazaire, Somaloir, le port doit proposer des solutions intermodales avec des modes massifiés. Pour satisfaire les demandes, Somaloir travaille avec trois solutions ferroviaires. La première vise le train complet. La deuxième consiste à avoir des trains complets vers des ports intérieurs avec plusieurs types de marchandises. Enfin, Somaloir, avec l’autorité portuaire, propose des solutions en wagon isolé. Une solution que le responsable WEC Lines en France confirme. « Nous sommes opérateur ferroviaire aux Pays-Bas et en Espagne. Nous pensons que ce mode fait partie de notre développement. »
La diversification des ports
En Méditerranée, le nearshoring a commencé depuis quelques années. Ainsi, la Turquie s’impose comme un marché en plein développement. « Cependant, cela ne doit pas nous faire ignorer les marchés du Maghreb comme l’Algérie, la Tunisie et le Maroc », continue Jacob Sidenius, directeur général de Seayard. Cette tendance à rapprocher les productions industrielles présente un avantage en diversifiant les ports. Et le dg de Seayard de rappeler la part de marché prise par le port de Sète sur les flux en provenance de Turquie.
Turquie : une part non négligeable se fait toujours par la route
Néanmoins, le maritime doit faire face à une concurrence interne et externe. En effet, entre roulier et conteneur, la concurrence est vive depuis la Turquie. Par ailleurs, précise Jacob Sidenius, une partie non négligeable des flux depuis la Turquie se réalisent encore par le routier. « Nous avons un potentiel de croissance sur ce marché ».
Le potentiel de développement du marché égyptien
En Méditerranée, l’Égypte constitue aussi un marché à regarder avec attention. Sa position en sortie du canal de Suez lui confère une position stratégique. La situation géopolitique actuelle induit une baisse des trafics par cette voie maritime. « Sur le long terme, nous devons prendre en compte ce pays comme un développement pour la filière comme les fruits et les légumes. » Quant à la Libye, elle est le grand absent de ce marché en raison de sa situation politique. « Elle dispose d’un fort potentiel de développement en Méditerranée. »
La politique volontariste de la région PACA sur la logistique
La réindustrialisation européenne doit passer par la création de zones logistiques dans les ports. La région PACA (Provence Alpes Côte d’Azur) vise à développer la logistique. La demande est importante localement, assure Jacob Sidenius. « Néanmoins, trouver des espaces pour créer des zones logistiques n’est pas simple. Il faut composer avec les habitants qui acceptent difficilement une zone logistique a proximité. »
Le fluvio-maritime, un mode plein d’avenir
Cette demande des chargeurs de se rapprocher des lieux de consommation se constate aussi par le développement du fluvio-maritime. De plus en plus de navires assurent des liaisons directes depuis le Maghreb vers Arles et Lyon sans emprunter les installations du GPM de Marseille-Fos. « Pour les opérateurs du GPM, le fluvio-maritime est du trafic retiré de nos quais. Néanmoins, je pense que sur le long terme, ce mode se développera », soutien Jacob Sidenius.