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Europe de l’Ouest: les trafics portuaires s’essoufflent au premier semestre

Les bilans semestriels des ports d’Europe de l’Ouest affichent des baisses de leur trafic global. Hambourg au nord et Marseille-Fos au sud font office d’exception. La hausse du trafic conteneurisé fait presque l’unanimité.

Les trafics portuaires reflètent généralement l’état de l’économie nationale. Ainsi, tant sur le versant nord que sur le sud, les trafics des ports affichent des baisses. Notre tableau des chiffres montre une dominante de rouge, signifiant une baisse, des chiffres. Deux exceptions confirment cette règle avec Hambourg au nord et Marseille-Fos au sud.

Bilan des trafics des ports au premeir semestre
Les tendances des trafics portuaires au premier semestre de ports en Europe. © Ports et Corridors

Vracs liquides : des baisses malgré la bonne tenue du pétrole brut

Cette baisse généralisée des ports européens tient en partie à une diminution des flux de vracs. Ainsi, de Rotterdam à Gênes, ce courant s’affiche en retrait. Du côté des vracs liquides, les baisses tiennent au marché en légère surcapacité, notamment en Europe du Nord. Les tensions géopolitiques et les sanctions européennes affectent ce secteur. Cependant, les ports d’Europe du Nord affichent malgré tout une progression des entrées de pétrole brut. Ces baisses ne compensent pas la bonne tenue de ces trafics dans les ports de Marseille-Fos, Barcelone et de Hambourg. En Allemagne, la demande des raffineries dope ce courant. Dans le sud de la France, à Marseille-Fos, toutes les composantes de ce secteur s’améliorent. Ainsi, le pétrole brut augmente de 4% tout comme les produits raffinés. Concernant ces derniers, l’augmentation est liée à la constitution de stocks en raison de la fermeture temporaire de la raffinerie de Petroineos. Quant à la chimie, elle bénéficie de la bonne tenue des biocarburants. Du côté de Barcelone, les entrées d’essence et de GNL portent les volumes à une hausse de 22,1%. Enfin, le GNL affiche des scores satisfaisants dans la majorité des ports. Les opérateurs profitent de l’été pour reconstituer des réserves avant l’hiver.

Vracs solides : le double effet des produits agricoles et des minerais

Au chapitre des vracs solides, la situation se calque sur celle des liquides. La baisse touche tous les ports sauf Marseille-Fos et Gênes. Une diminution de volumes qui tient, d’une part, aux baisses de produits agricoles, et d’autre part, aux diminutions des flux de charbon et de minerais. En effet, la mauvaise récolte de 2024 s’est répercutée sur les premiers mois de l’année, la campagne céréalière se termine en juin. Haropa Port note, malgré tout « un regain de dynamisme » des exportations au premier semestre depuis le site de Rouen. Une hausse qui ne permet pas de rattraper les chiffres de 2024. Aux mêmes causes les mêmes effets à Hambourg. Les volumes de produits agricoles perdent 80%.

La sidérurgie européenne souffre

Dans les ports d’Anvers-Bruges et Rotterdam, les baisses tiennent aux baisses de volumes de charbon et de minerais de fer. Un recul qui s’explique par une moindre demande en matières premières des sidérurgies allemandes. Ces dernières subissent les effets des tarifs douaniers imposés par les États-Unis sur l’acier et l’aluminium depuis le mois d’avril. Quant au charbon, le retrait des volumes est aussi lié à la production électrique qui se tourne de plus en plus vers les énergies renouvelables.

Marseille-Fos et Gênes progressent

Les baisses de ces ports côtoient des hausses notamment dans les ports de Marseille-Fos et de Gênes. Le port phocéen est porté par les importations de minerai pour ArcelorMittal et les performances du terminal d’alumine. Au total, avec 3,9 Mt, il gagne 23%. Quant au port de Gênes, il bénéficie d’une augmentation des trafics industriels, notamment pour la sidérurgie. Ces hausses compensent les pertes intervenues sur les flux de produits agricoles.

Diverses : des hausses tirées par les conteneurs

Enfin, les marchandises diverses évoluent dans un environnement paradoxal. D’une part, les trafics conteneurisés s’améliorent. D’autre part, les autres composantes de ce secteur reculent. Ainsi, du côté des augmentations de trafic, Haropa Port, Rotterdam et Gênes voient ce courant s’améliorer. Haropa Port tire sa progression par le trafic conteneurisé. Une augmentation ralentie par la baisse des trafics automobiles. Pour sa part, Rotterdam enregistre une progression des marchandises conventionnelles tant par son trafic conteneurs que par les exportations d’acier et de produits pour les champs éoliens. Quant à Gênes et à Hambourg, les progressions tiennent au trafic de conteneurs. Les volumes de marchandises conventionnelles sont, de leur côté, en repli.

L’acier pèse à Anvers-Bruges

Du côté des baisses, les raisons tiennent soit à la baisse du trafic conteneurs, comme pour le port de Barcelone, soit à des diminutions de trafics comme l’acier à Anvers-Bruges. Ainsi, les décisions américaines d’augmenter les tarifs douaniers sur l’acier européen pèsent sur les volumes. Par ailleurs, la concurrence de la Chine avec des prix plus bas affecte durement la filière sidérurgique européenne.

Conteneurs : une unanimité presque générale

Quant aux trafics de conteneurs, ils semblent être sur la même longueur d’onde tant au nord qu’au sud du continent. La hausse des volumes est au rendez-vous sur ces dix premiers mois. Il reste une exception, le port de Barcelone. L’élément marquant de ce premier semestre est le peu d’écart entre les deux premiers ports nord-européens. Anvers-Bruges et Rotterdam sont distants de 100 000 EVP. Le port belge affiche une meilleure progression que son confrère néerlandais. Cependant, l’autorité du port belge considère que cette hausse de trafic aurait pu être meilleure. Le port souffre d’une congestion liée à des arrivées de navires désordonnées en raison de la recomposition des alliances et du rerouting des navires par le cap de Bonne-Espérance.

La constitution de stocks aux États-Unis

D’une façon plus générale, la hausse des trafics tient à l’amélioration de la consommation en Europe, selon le port de Rotterdam. Les nouveaux tarifs douaniers de la Maison blanche ont, pour leur part, incité les opérateurs nord-américains à constituer des stocks avant une éventuelle augmentation des droits de douane. Une tendance qui ne profite pas au port de Hambourg. En effet, si le trafic conteneurisé a repris une pente ascendante en Allemagne, cela tient aux trafics en import depuis l’Asie et avec les pays de Baltique. Les États-Unis perdent du terrain pour le port de l’Elbe.

Barcelone : une baisse liée aux conteneurs vides

Le seul port de notre étude à afficher une baisse de son trafic conteneurisé est celui de Barcelone. Il perd 7,3% à 1,8 MEVP. La recomposition des alliances au cours du semestre et les effets de la désorganisation des liaisons avec l’Asie expliquent, en partie, cette diminution. Cependant, cette diminution du trafic touche principalement les conteneurs vides. Selon les chiffres publiés par l’autorité portuaire, les trafics de conteneurs pleins à l’import et à l’export progressent de, respectivement, 8% et 12%. Du côté des conteneurs vides, la baisse atteint 15,4% à 1,1 MEVP. « Une hirondelle ne fait pas le printemps », mais cette tendance doit s’analyser sur le long terme. Elle peut signifier un repositionnement de certaines boîtes sur d’autres ports de la Méditerranée.