Corridors et logistique

Commerce : la bataille sino-américaine continue

La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis continue. Avec l’entrée en vigueur le 14 octobre des taxes américaines sur les navires chinois, Pékin répond par une mesure similaire. Et Donald Trump continue sa guerre tarifaire en menaçant les pays qui voteront en faveur du projet de l’OMI « Net Zero Framework ». Et l’Europe intervient avec l’ETS.

Un proverbe laotien dit : « quand les éléphants se battent, ce sont les fourmis qui meurent ». Une maxime qui signifie que les affrontements entre les hommes de pouvoir se répercutent plus lourdement sur celles qui en dépendent.  Alors, cette guerre entre les deux éléphants du commerce international, à savoir les États-Unis et la Chine, a des impacts pour les populations des deux pays et au-delà.

Les USTR Fees contre les navires chinois

Pour mémoire, le 14 octobre l’administration américaine taxe les navires chinois ou sous contrôle d’une société chinoise qui escalent dans leurs ports. Une mesure qui signifie pour les armateurs une facture de plusieurs millions de $. Face à cette annonce, le gouvernement de Pékin répond. Le 10 octobre, Pékin adopte de nouvelles taxes en réponse à la décision de l’administration de Donald Trump.

Une taxe chinoise pour les navires américains

Ainsi, à compter du 14 octobre, le gouvernement chinois applique de nouvelles taxes. Elles s’appliquent à tous les navires appartenant ou exploités par une entreprise américaine ou une organisation dans lesquelles des intérêts américains sont présents à hauteur de 25%. Cette taxe s’adresse aussi aux navires sous pavillon américain et aux navires construits en Chine.

Une contribution progressive

Cette nouvelle taxe s’élève à 400 RMB (48,5 €) par tonne nette du navire. Une redevance qui est portée à 640 RMB (77,7 €) par tonne nette à compter du 17 avril 2026. Un an plus tard, au 17 avril 2027, le montant est porté à 880 RMB (106,8 €). Enfin, le 17 avril 2028, cette contribution grimpe à 1120 RMB (135,9 €). Le montant de cet impôt intervient à la première escale d’un navire quand il réalise plusieurs escales dans le pays. Enfin, la taxe n’est prélevée que cinq fois au cours de l’année.

USTR et taxe chinoise se ressemblent

Cette décision chinoise ressemble par plusieurs points à celle mise en place par l’administration américaine, l’USTR Fee. Les deux mesures prévoient une progressivité dans le temps. Les dates d’augmentations coïncident et les montants sont du même ordre. Une ressemblance que le gouvernement chinois ne cache pas. Le gouvernement chinois justifie cette décision. La décision américaine d’imposer des taxes sur les navires chinois « constitue une violation grave des principes commerciaux internationaux applicables et de l’accord sino-américain sur le transport maritime. Elles causent un préjudice grave au commerce maritime entre la Chine et les États-Unis. »

De nouvelles menaces américaines contre le Net Zero Framework

Dans ce contexte de guerre commerciale, les États-Unis ne sont pas en reste. Ainsi, le 10 octobre, Washington menace d’imposer de nouvelles mesures aux pays contre voteront en faveur du projet « Net Zero Framework ». Une décision que Caroline Britz détaille dans un article de Mer et Marine.

Un projet de taxation mondial

Les États-Unis ont menacé, le 10 octobre, d’imposer des restrictions de visas, des sanctions économiques et une interdiction d’accès à leurs ports contre les pays qui voteraient en faveur du projet « Net-Zero Framework » de l’Organisation maritime internationale (OMI).  Pour mémoire, le texte, dont l’adoption finale est prévue en octobre 2025, vise à imposer des limites obligatoires d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et un mécanisme de tarification carbone, afin d’orienter le secteur vers la neutralité carbone « autour de 2050 ». (voir notre article détaillé sur la question).

Exclure les navires des pays qui votent en faveur de ce projet

Dans une déclaration commune, les secrétaires d’État, à l’Énergie et aux Transports américains, Marco Rubio, Chris Wright et Sean Duffy, ont estimé que le projet constituerait une « taxe mondiale non autorisée », pénalisant les consommateurs et les entreprises maritimes. Ils ont affirmé que Washington « ne tolérerait aucune mesure augmentant les coûts pour les citoyens américains, les armateurs et leurs clients ». Les États-Unis envisagent ainsi d’exclure des navires battant pavillon des pays favorables au plan de leurs ports, et de restreindre les visas des responsables impliqués dans ce qu’ils qualifient de « politiques climatiques militantes ».

Les répercussions pour les armateurs

Sur le plan opérationnel, de telles mesures pourraient entraîner des répercussions concrètes pour les armateurs. Les navires sous pavillon d’États ciblés par Washington risqueraient de perdre l’accès aux terminaux américains. Les compagnies pourraient être contraintes de redéployer leurs flottes, de recourir à des pavillons neutres ou de renégocier leurs affrètements pour éviter les routes exposées. Les assureurs maritimes, de leur côté, évaluent déjà les conséquences potentielles sur les primes et les garanties de couverture.

Pas plus de 2 MEVP dans les ports en fin d’année

Dans ce contexte, la National Retail Federation (NRF) apparaît plutôt pessimiste pour les trafics portuaires de la fin de l’année. Cette guerre tarifaire a incité les distributeurs à anticiper les approvisionnements pour les fêtes de fin d’année. Ainsi, la NRF table sur un trafic en dessous des 2 MEVP dans les ports pour les prochains mois. Pour mémoire, les mois de juillet, août et les premières prévisions de septembre tablent sur un trafic de 2,4 MEVP dans les ports américains.

Une année 2026 difficile

« De nouveaux droits de douane sectoriels continuent d’être annoncés, mais la plupart des détaillants ont bien approvisionné leurs stocks pour la période des fêtes et font tout leur possible pour protéger leurs clients des coûts liés aux droits de douane aussi longtemps que possible », Jonathan Gold, vice-président de la NRF chargé de la logistique et de la politique douanière. Alors, si les fêtes 2025 sont « sauvées », le commerce de détail anticipe une année 2026 difficile. La hausse des droits de douane sur certains produits, comme ceux en bois, et la « volatilité de la politique tarifaire américaine créé une incertitude. » Alors, les détaillants s’inquiètent. Dès l’épuisement des stocks actuels, les détaillants devront répercuter la hausse des droits de douane sur les produits. Pour le consommateur américain, cette augmentation impactera son pouvoir d’achat. La bataille des gouvernements touche directement les consommateurs.

L’Europe entre dans le jeu avec l’ETS

Et l’Europe ? Elle a commencé ses taxes pour la décarbonation avec l’Europe Trading System (ETS). Une mesure qui taxe les navires selon leur empreinte carbone par voyage. L’ETS 1, sur les voyages est entré en vigueur. La deuxième phase, l’ETS 2 concerne les escales. Alors pour les consommateurs, ces différentes mesures signifient des hausses de prix. Pour les armateurs, il va falloir jouer entre les pavillons et les lieux de construction de leur navire pour les escales ou accepter les taxes. Les prévisions de baisse des échanges risquent de se confirmer.