Corridors et logistique

Conteneurs : pour qui sonne le glas

Le premier semestre s’est achevé avec des chiffres financiers sur une tendance de hausse pour les armements conteneurisés. Un semestre qui pourrait annoncer la fin du cycle de progression. Les scénarios du second semestre pourraient sonner la fin des festivités.

Les résultats financiers des armements conteneurisés montrent que le balancier a continué son mouvement en faveur des compagnies maritimes. Elles ont continué à maîtriser le marché avec des taux de fret élevés sur les principales liaisons. L’analyse des résultats ne comprend pas les chiffres du groupe CMA CGM qui n’a pas publié ses résultats à l’heure où nous mettons en ligne.

Des chiffres d’affaires en hausse

Globalement, parmi les premiers armements mondiaux conteneurisés, le chiffre d’affaires reste sur une tendance positive. Les progressions annoncées par les bilans financiers semestriels indiquent des augmentations à deux chiffres.

Croissance des taux de fret

Deux éléments expliquent contradictoire cette tendance générale. En premier lieu, les taux de fret ont conservé leur croissance sur les six premiers mois de l’année. Cette progression des taux de fret est estimée entre 67% et 77% selon les armements. Une augmentation qui participe à la croissance du chiffre d’affaires.

Une baisse des volumes transportés

Armements C.A  Évolution Ebitda Évolution Ebit Évolution Volume transporté Évolution Taux de fret moyen Évolution
Mærsk* 32 982 60,5% 17 812 127,1% 15 598 148,4% 12 202 -7,0% 4 771 67,2%
Cosco China 30 144 51,8%     13 95,1% 12 471 -9,9% 2 895 68,6%
Hapag Lloyd 18 562 75,9% 10 942 158,1% 9 919 184,5% 6 912 0,1% 2 855 77,1%
ONE* 9 019 56,1% 5 859 100,4% 5 561 90,2% 2 939 -5,3%    
Yang Ming 7 523 59,5%         2 270 2,0%    
HMM 7 227 64,4% 4 644 120,5% 4 678 1351,0% 1 814 -6,0% 3 984 75,0%
*Le taux de fret est calculé pour un 40′ ** HMM donne le C.A par EVP *** Les chiffres de ONE concernent uniquement le deuxième trimestre 2022 Source: armements

D’un autre côté, les compagnies affichent pour la majorité une baisse de leur volume transporté. Une tendance toute relative qui évolue entre 5% et 10%. Des chiffres qui démontrent du ralentissement de l’économie et des échanges internationaux. Deux armements se distinguent sur ce chapitre. Avec 6,9 MEVP, Hapag Lloyd réussi à se stabiliser. Le volume du premier semestre donne une augmentation de 0,1%. Enfin, Yang Ming réussi l’exploit d’afficher une hausse de 2% de ses volumes transportés.

Confinement de Shanghai et congestion portuaire

Les rapports semestriels des armateurs expliquent ce repli des volumes en raison d’une part, du confinement de la région de Shanghai et, d’autre part, de la congestion portuaire qui a continué à sévir tant en Europe qu’aux États-Unis. La baisse de volume a été compensée par des taux de fret resté élevé. Les taux contractuels ont continué à progresser au cours du deuxième trimestre quand les taux FAK ont enregistré des baisses.

Le ralentissement de l’économie chinoise

L’économie mondiale connaît un coup de frein après avoir bénéficié d’une croissance importante tout au long de l’année 2021. Au premier semestre 2022, la croissance économique en Chine a atteint 2,5% quand elle indiquait une augmentation de 12,7% au premier semestre 2021. Quant à l’économie américaine, elle affiche une croissance de 1,6% au deuxième trimestre comparativement au même trimestre de l’année passée. Une baisse que les experts attribuent au manque d’investissement par le secteur privé et par la baisse des dépenses publiques. Enfin, l’Union européenne a vu son économie croître de 0,6% au deuxième trimestre.

La croissance au rendez-vous de 2022

La seconde moitié de l’année s’annonce sur une tension du marché de la conteneurisation. À écouter les armateurs, la situation sera difficile mais devrait malgré tout permettre de conserver une croissance financière. Plusieurs éléments militent dans ce sens. En premier lieu, même si la Chine n’a pas mis un terme à se politique du Zéro Covid, aucun port ni aucune région chinoise n’est pour l’instant confiné. D’autre part, la baisse des volumes laisse espérer une amélioration dans les opérations portuaires tant en Amérique du Nord qu’en Europe.

Un scénario où les armateurs mènent la danse

Pour Jérôme de Ricqlès, expert maritime chez Upply, trois scénarios se dessinent pour la fin de l’année. Le premier prévoit que les compagnies maritimes vont « continuer de mener la danse ». Il estime que les résultats devraient être encore meilleurs que ceux de 2021 avec un panier moyen en nette progression. Une hypothèse qui reste la plus probable avec un doublement des profits entre 2021 et 2022.

Le tsunami d’après le confinement n’a pas eu lieu

Un paysage sans nuages qui pourrait s’assombrir. Jérôme de Ricqlès constate que les stocks élevés dans les entrepôts européens incitent les industriels à ne pas commander trop rapidement et à écouler leurs marchandises. Ainsi, le tsunami attendu après le déconfinement de Shanghai n’a pas eu lieu. Ensuite, les politiques contre l’inflation pourraient relancer la machine économique en Europe au dernier trimestre.

La stigmatisation des armateurs

Ensuite, continue l’expert, « les compagnies, qui préfèrent pour l’instant maintenir les recettes plutôt que de réintroduire de la qualité de service au détriment des volumes, sont de plus en plus stigmatisées par les pouvoirs publics aux États-Unis, quand elles ne sont pas désignées comme uniques coupables des effets inflationnistes généralisés, ce qui est bien sûr abusif. » Jouer le jeu de la désynchronisation des services de lignes régulières profite surtout aux armateurs.  Or, si les derniers chiffres de Sea Intelligence montre une amélioration au cours de l’été de la régularité des services, la métronomisation des services reste encore éloignée des standards atteints avant la pandémie.

Le grippage de la machine

Le deuxième scénario imagine le « grippage de la machine ». Une hypothèse qui aurait pu survenir avec le confinement en Chine. « La menace s’est momentanément éloignée mais ce scénario de grippage reste d’actualité », continue l’expert de Upply. Et la situation est d’autant plus tendue qu’aucune compagnie ne fait l’effort de remettre en place une véritable régularité dans leurs services. « Chez Upply, nous estimons à 20% la capacité offerte supplémentaire immédiatement disponible en espace et en conteneurs par mois, par service et par port, si l’ensemble des services se recalaient sur leurs fenêtres hebdomadaires, jour fixe heure fixe… », rappelle Jérôme de Ricqlès.

Et si le second rang tirait le premier

Le dernier scénario imaginé consiste en une politique différente des armateurs de « seconde ligne ». Refusant la discipline que s’imposent les alliances, des armateurs de second rang pourraient décider de baisser les tarifs. Cet effet n’a été observé que très marginalement lors du premier semestre. Pour l’instant personne n’a osé sauter le pas tant l’effet de politique tarifaire indifférenciée est profitable. »

Les leaders des Alliances veillent au grain

Dans ce cas, Jérôme de Ricqlès explique que si les taux de fret spot FAK ne remontent pas pour inverser la tendance en sortie de Chine, « cela signifierait clairement que la demande est en panne. Ce scénario pourrait inciter les petits à tirer les premiers pour augmenter leurs parts de marché dans une baisse généralisée. Mais les leaders de chaque Alliance veillent au grain et gèrent déjà dans la pratique les allocations de leurs partenaires minoritaires. » CE qui aurait pu être de l’économie-fiction il y a quelques mois reste plausible. La baisse des prix du transport maritime serait, pour la Chine, un levier pour accélérer sa croissance.