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Ports Europe : Les progressions se tassent au premier semestre

De Rotterdam à Gênes en passant par Haropa et Marseille-Fos, les trafics portuaires sur le premier semestre affichent un tassement comparativement à 2021. Les ports français tirent leur épingle du jeu.

En 2021, les ports européens ont profité pleinement de la reprise économique. Une tendance qui s’est déclinée sur les premières semaines de 2022. Les ports d’Europe expliquent ce ralentissement de la croissance aux effets du conflit en Ukraine. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les fondamentaux du commerce et de l’économie se modifient.

L’effet du conflit de l’Ukraine

Avec le conflit ukrainien, les prix de l’énergie ont rapidement augmenté. Pour certains États, il a fallu revoir ses sources d’énergie. Ainsi, en Allemagne, la réactivation des centrales thermiques a joué. En France, pour compenser l’absence de l’Ukraine de certains marchés céréaliers, les trafics céréaliers ont profité, notamment à Rouen.

Des progressions plus faibles

Avec cette nouvelle donne, les trafics portuaires totaux des ports européens ont enregistré des progressions plus faibles qu’au premier semestre 2021. La plus forte progression est à mettre à l’actif du port de Barcelone qui affiche une hausse de 10,4% à 35,3 Mt. Une croissance tirée principalement par les trafics de vracs liquides. Les ports de Ligurie (regroupant Gênes, Savone et Vado Ligure) suivent de près avec une augmentation de 9,1% de ses trafics.

Haropa Ports dans le trio de tête des hausses

Au nord de l’Europe, Haropa Ports s’inscrit dans le trio de tête des progressions avec une hausse de 5,2% de son trafic global à 42,08 Mt. Sur les bords de Seine comme en Catalogne, les vracs liquides ont tiré la croissance, même si les céréales ont aussi participé à la croissance. Le GPM de Marseille-Fos se place en milieu de tableau avec une stabilité de ses trafics à 38 Mt. Quant aux grands ports d’Europe du Nord, Rotterdam, Anvers-Zeebrugge et Hambourg donnent des chiffres avec une faible hausse. Le port d’Anvers-Zeebrugge augmente de 1,4% à 147 Mt. Rotterdam voit le premier semestre s’achever avec une hausse de 0,8% à 233 Mt. Enfin, Hambourg fait office d’exception avec une baisse de 2,7% à 61,8 Mt.

Une hausse des vracs liquides

L’analyse par type de courant reflète la nouvelle donne économique liée au conflit ukrainien. En effet, les vracs liquides s’affichent en progression plus ou moins importante selon les ports. Cette progression tient à plusieurs éléments. Sur les bords de Seine, Haropa Ports bénéficie du redémarrage de la raffinerie de Gonfreville. Alors, les importations de pétrole brut gagnent 65% sur le premier semestre et les produits raffinés baissent de 17%.

Recul du pétrole à Marseille-Fos

En Méditerranée, au GPM de Marseille-Fos, les vracs liquides se contractent de 1,5% à 21 Mt. La filière est tirée vers le bas par le recul de 18% du pétrole raffiné par rapport à 2021. Parmi les causes, la direction du GPM de Marseille-Fos évoque le prix de l’énergie et les effets de la guerre en Ukraine. Avec le conflit ukrainien, si le pétrole baisse, les flux de GNL enregistre une progression. À Marseille-Fos, il progresse de 24%.

Des flux céréaliers réduits depuis la mer Noire

Les vracs secs ont connu, sur ce premier semestre, des sorts plus divers. Sur cette filière, le conflit entre l’Ukraine et la Russie a eu des effets importants, notamment pour les trafics céréaliers. En effet, l’Ukraine intervient pour environ 25% des flux céréaliers mondiaux. Le conflit a bloqué les expéditions des produits agroalimentaires. Même si les négociants ont trouvé une alternative en expédiant les céréales ukrainiennes par les ports de Roumanie et de Bulgarie, les flux se sont considérablement réduits depuis la mer Noire.

L’Europe du Nord compense l’Ukraine

Dans ce contexte, les ports d’Europe de l’Ouest ont tenté de compenser en partie l’absence de l’Ukraine et de la Russie sur les marchés internationaux. Une tendance qui s’est révélée sur le site de Rouen d’Haropa Ports. Les quais de Seine affichent une croissance de 2% comparativement à l’année précédente. Une tendance qui se confirme pour le port charentais de La Rochelle qui affiche une progression de 35,8% de son trafic céréalier à 2,3 Mt.

Le BTP a souffert en début d’année

Cette tendance des vracs céréaliers n’a pas été déclinée sur tous les produits des vracs secs. Ainsi, à Haropa Ports, les trafics d’agrégats accusent une baisse de 22% en raison de la météo difficile du début d’année qui a mis un coup d’arrêt à de nombreux chantiers. Même son de cloche pour La Rochelle qui a vu ses trafics liés au BTP se réduire de 7,1% à 696 908 t. La même situation se retrouve dans le port phocéen avec une baisse de 8% de ces flux de vracs solides à 6 Mt. Pour l’autorité portuaire du GPM de Marseille-Fos, « la décarbonation des industries, la baisse de la consommation, l’augmentation des prix des matières premières, de l’énergie et du fret expliquent cette tendance ».

Le retour en grâce du charbon

Dans le nord de l’Europe, la situation reste plus nuancée. À Rotterdam, les vracs secs affichent une hausse de 4,4% à 39,3 Mt. Une croissance liée en grande partie à l’approvisionnement en charbon. Ces flux ont progressé de 29,7%. Le charbon connaît un regain d’intérêt pour suppléer au gaz russe, l’Allemagne a décidé de réactiver un grand nombre de centrales thermiques pour assurer son approvisionnement en électricité. Ensuite, la hausse des trafics de vracs a bénéficié de l’effet d’engorgement des chaînes logistiques conteneurisées. Un grand nombre d’opérateurs se sont tournés vers les approvisionnements en navire vraquiers plutôt que conteneurisés des marchandises comme cela se faisait avant la crise.

Des mouvements sociaux à Rotterdam

Si les flux de vracs solides progressent globalement, Rotterdam accuse, malgré tout, des faiblesses notamment sur les produits agroalimentaires. Une baisse liée à la production mais aussi à des mouvements sociaux chez le principal opérateur du port. De plus, la hausse du prix de l’énergie sur la fin du semestre a amené les aciéries allemandes à réduire leur activité et, par voie de conséquence à acheminer moins de matières premières.

Gênes profite de l’attrait du charbon

En Méditerranée, les vracs solides enregistrent de bons résultats dans les trois ports de Ligurie (Gênes, Savone et Vado Ligure). Une croissance tirée par les flux de charbon dans le port de Gênes qui progressent de 16,7%. Quant aux céréales, l’autorité portuaire avoue une baisse de ces trafics, liées en partie aux prix des produits italiens sur le marché international d’environ 62% sur les six premiers mois de l’année. À Barcelone, les trafics céréaliers ont résisté. Ils progressent de 65,9% à 266 913 t. Un courant qui a surtout bénéficié de l’approvisionnement en potasse qui a plus que doublé. Avec 339 282 t, ces flux ont augmenté de 133%.

Conteneurs : Rotterdam et Anvers en baisse

Enfin, les trafics conteneurisés en Europe ont subi, au nord, les effets de la congestion des installations. Les deux principaux ports du continent, Rotterdam et Anvers, affichent une baisse de leur trafic de respectivement, 4,4% et 6,9%. Pour sa part, Haropa Ports a résisté en affichant un trafic étal à 1,4 MEVP. « La part de marché progresse légèrement dans un contexte de baisse globale du trafic conteneur sur le Range Nord », souligne un communiqué d’Haropa Ports.

Hambourg stable

Hambourg, l’autre grand port conteneurisé du nord du continent, affiche pour sa part une légère progression de son trafic. Avec 4,3 MEVP, il réussit à s’afficher en positif à 0,6%. La part entre le transbordement et les trafics dirigés vers l’hinterland n’a pas changé comparativement à l’année passée.

Marseille-Fos franchit un record

Au sud, Gênes peine à retrouver ses trafics d’avant la crise avec une diminution de 0,7% à 1,42 MEVP. La baisse des exportations de produits italiens n’a pas pu être compensées par les importations pour le marché de la péninsule. Une situation identique dans le port catalan de Barcelone. Avec 0,7% de hausse, le port espagnol affiche un trafic de 1,8 MEVP. Les entrées progressent de 1,4% avec une hausse plus forte pour les conteneurs traités en trafic roulier à 909 888 EVP. Quant aux sorties, elles se stabilisent à 894 802 EVP. Quant à Marseille-Fos, le port semble bénéficier de la faible évolution de ces deux concurrents. Le GPM de Marseille-Fos affiche un trafic de 800 000 EVP, en augmentation de 5% par rapport à 2021 et 7% par rapport à 2019. Un record pour le port phocéen, indique l’autorité portuaire. « Le Port de Marseille Fos profite ici de la congestion de ports méditerranéens voisins, en raison d’une plus grande fluidité sur ses terminaux », continue la direction du GPM.

Ports chinois : baisse de trafics à Shanghai

Ces évolutions de trafics conteneurisés sont à mettre en perspective aux résultats des trafics des ports en Asie, notamment en Chine. En effet, l’Empire du milieu constitue pour la grande majorité des ports européens le premier partenaire commercial. Or, au cours de ce premier semestre, les ports chinois accusent le coup. Shanghai perd 1,7% à 22,5 MEVP. Une diminution liée principalement au confinement décidé dans la région. Dès cinq premiers ports chinois, hormis Shanghai, Guangzhou affiche aussi une baisse de ses volumes de 0,3% à 11,7 MEVP. Les autres ports de ce quinté de tête, Ningbo, Shenzhen et Qingdao, sont pour leur part en progression entre 4,7% pour Shenzhen et 8,7% pour Ningbo. Cette baisse de Shanghai réduit la différence entre les deux principaux ports de 26% à 5MEVP, soit environ six semaines de trafic.

États-Unis : l’effet congestion de Los Angeles

Aux États-Unis, les importations sont restées très dynamiques en début d’année, indique Anne Kerriou dans un rapport de Upply publié le 5 septembre. Confronté à une sévère congestion, le port de Los Angeles a vu son trafic stagner. Le déclin du trafic de conteneurs pleins (-3,1% à l’import et – 5,6% à l’export) est compensé par trafic de conteneurs vides en hausse. On observe également cette croissance des conteneurs vides à Long Beach. Mais dans ce port, la progression de l’import (+6,3% à 2,5 MEVP) compense le déclin de l’import (-5,5% à 710 593 EVP). « Face à la congestion des ports de la côte Ouest, les chargeurs ont recherché des solutions alternatives sur la côte Est où tous les ports ont tiré leur épingle du jeu. C’est aussi le cas de Houston dans le Golfe du Mexique. New York, le plus important des ports de la côte Est, a vu son trafic progresser de 11,4%. Le trafic de conteneurs pleins a augmenté de 7,9% pour atteindre 3,1 MEVP, dont 2,5 millions à l’import (+12%) et 664 323 EVP à l’export (-5%). Le trafic de conteneurs vides est quant à lui une hausse de 18,3% (+18,7% à l’export et -29,6% à l’import). »