Céréales : quand la logistique devient un élément clé du marché
La campagne 2022/2023 s’annoncent tendue selon les prévisions de Agritel avec une récolte française en baisse et des incertitudes sur les capacités des corridors logistiques en sortie des ports ukrainiens. La logistique va jouer un rôle déterminant sur les prochains mois.
Globalement, en France, la récolte de blé tendre a été plus faible que l’année passée. Elle s’établi à 33,6 Mt pour le blé tendre. « La production 2022 déçoit. Elle se situe à 3,3 Mt en deçà de la moyenne quinquennale », indique Nathan Cordier, analyste chez Agritel, lors de la conférence de presse annuelle de la société début septembre.
Des récoltes faibles en Europe
Une récolte faible mais aussi avec des taux de protéines en-dessous des minima standards internationaux. « Le quart de la récolte affiche un taux de protéines à 10,5% quand les contrats internationaux demandent généralement des minima à 11% », continue l’analyste. Et cette situation sur le blé tendre en France n’est pas unique en Europe. L’Italie et l’Espagne ont souffert de la sécheresse. Dans les pays baltes, les pluies de la fin du printemps ont entraîné une baisse du taux de protéines. Il faut se tourner vers la Russie pour voir de bons rendements sur le continent. La récolte pourrait atteindre un record avec 95 Mt de blé récolté.
La situation en Ukraine
Une situation de marché qui complique la situation mondiale. En effet, la situation en Ukraine reste tendue. La mise en place des corridors logistiques en sortie des trois principaux ports ukrainiens ne suffira pas. « L’accélération des exportations ne suffira pas à améliorer les finances des producteurs locaux pour leur permettre d’investir dans une nouvelle production », continue Nathan Cordier.
Situation hétérogène pour les autres exportateurs mondiaux
Quant aux autres pays exportateurs de céréales, leur situation est hétérogène. L’Argentine voit ses rendements à un niveau moyen. Selon Agritel, le pays devrait disposer de 18 Mt à l’export. L’Australie affiche une récolte intéressante pour la campagne avec la deuxième meilleure récolte depuis 2000. Quant aux États-Unis, ils voient leur récolte progresser de 7% à 48,5 Mt. Enfin, le Canada engrange une bonne récolte mais compte tenu des stocks de départ faibles, son disponible exportable sera faible sur cette campagne.
La tension demeure
Dans ces conditions de marché, le marché international céréalier a commencé la campagne sous une grande tension. « La clé de cette campagne réside dans la capacité de l’Ukraine à exporter ses produits », a souligné l’analyste de Agritel. Déjà, le marché français a été orienté à l’export sur les deux premiers mois de la campagne.
L’Algérie, premier importateur de blé français
« En juillet et août de cette année, la France enregistre un record de ses exportations vers les pays tiers avec 2,5 Mt ». L’Algérie est attendue, sur cette campagne, comme le premier importateur pays tiers des blés français. Le Maroc pourrait aussi jouer un rôle déterminant en raison d’une récolte faible. L’Afrique sub-saharienne devrait se situer encore parmi les principaux importateurs de blé français. À la fin de l’été, la France a réalisé 25% de ses disponibilités export contre 15% en moyenne sur les campagnes précédentes.
La Chine, acheteuse de blé peu protéiné
En réalisant un record dans ses exportations, la France a partiellement remplacé l’absence de l’Ukraine sur le marché international. De plus, continue Nathan Cordier, la Chine s’est positionnée pour acheter du blé peu protéiné. Selon l’analyste d’Agritel, la Chine aurait fait état d’un besoin de 600 000 t à 700 000 t de ce type de produit. « Dans ces conditions de marché, avec un blé français très demandé à l’international, nous aurons besoin de rationnement qui se fera par le prix. Il sera nécessaire de ralentir l’export. »
25% du potentiel exportable en Russie
La première interrogation pour la campagne actuelle réside dans la capacité de l’Ukraine à exporter ses céréales. La mise en place des corridors logistiques en août pour exporter les stocks présents dans les silos ukrainiens constitue un élément majeur pour la campagne 2022/2023. En effet, sur les 400 Mt disponibles à l’export chez les huit premiers exportateurs mondiaux, 25% des capacités se situent en Russie.
Une dépendance aux blés de mer Noire
Les réactions récentes de Vladimir Poutine sur l’exécution de l’accord sur les corridors logistiques met une épée de Damoclès au-dessus de ces exportations. Néanmoins, l’ouverture de ces corridors logistiques ont détendu la situation des marchés internationaux. La Russie a été timide sur ce début de campagne avec une baisse entre 16% et 18%, par rapport aux campagnes précédentes. « La position de l’Ukraine et de la Russie dans les prochaines semaines sur le potentiel exportable sera essentielle pour la campagne. Il existe une vraie dépendance aux céréales de mer Noire pour éviter une tension trop forte sur le marché international », explique Nathan Cordier.
Un risque de nouvelles tensions du marché
Dans son analyse du marché, Nathan Cordier a détaillé la situation théorique du marché. Le disponible réellement exportable, qui se défini par les stocks de départ plus la production et en retirant la demande, reste inférieur à la demande mondiale. Sur le début de campagne, la situation reste tendue en raison de la nécessité d’aller chercher dans les stocks minimaux pour répondre à la demande. « Dès lors que l’Ukraine et la Russie diminueront leurs exportations, le marché connaîtra de nouvelles tensions. »