Corridors et logistique

Gaz russe : le virage oriental des flux demeure difficile

Les sanctions européennes ont incité les autorités russes à se tourner vers les ports d’Extrême-Orient pour exporter leur gaz. La Russie doit faire face à des défis logistiques.

Le gaz russe a entrepris un virage à 180 C° depuis les sanctions prononcées par les autorités européennes. Dans son rapport hebdomadaire du 4 octobre, le courtier grec Intermodal analyse la situation.

Des flux vers l’est qui datent des années 70

« En raison des sanctions européennes, indique Chara Georgousi, analyste chez Intermodal, les autorités russes sont confrontées à un défi pour transférer ses exportations de gaz d’Europe vers l’Extrême-Orient. » Un virage que le pays a déjà entrepris depuis les années 70 en exportant ses productions de Sibérie vers l’Asie-Pacifique. « Cependant, continue l’analyste d’Intermodal, au cours des décennies suivantes les soubresauts économiques en Extrême-Orient et les incertitudes de la demande chinoise et japonaises ont ralenti le développement de ces flux. »

L’arrivée d’acheteurs sri-lankais et indonésiens sur le marché russe

Avant le conflit entre l’Ukraine et la Russie, 60% du pétrole russe était destiné au marché européen et 20% au marché chinois tant par pipe-line que par voie maritime. Avec l’ouverture du conflit et la mise en place de sanctions par l’Union européenne, les flux pétroliers se sont détournés vers l’Asie. Les acheteurs chinois, indiens et d’autres plus modestes comme le Sri Lanka, l’Égypte et l’Indonésie se sont alimentés sur le marché russe.

Les défis logistiques des routes entre la Sibérie et l’Extrême-Orient

Actuellement, 85% de la production russe se situe dans l’ouest de la Sibérie, le TIman-Pechora et la Volga. Ainsi, les exportations se réalisent généralement depuis les ports baltes, ceux de la mer Noire. Le revirement des flux impose une hausse importante du coût de ces produits et un allongement du temps de transport. De plus, indique Chara Georgousi, l’insuffisance des infrastructures depuis les régions de production vers les ports d’Extrême-Orient place la Russie face à des défis logistiques.

Un projet de Rosneft

En outre, les champs pétroliers de l’ouest sibérien atteignent leur maturité. Pour faire face aux sanctions européennes, la Russie a décidé d’accroître sa production des champs de l’est sibérien qui culmine actuellement à 700 000 barils par jour. D’un autre côté, la production de l’ouest de la Sibérie devrait se réduire de 2 Mbpj. Pour compenser les pertes de l’ouest sibérien, la société russe Rosneft a entrepris d’ouvrir un nouveau champ situé au nord de la Sibérie, le Vostok Oil Megaproject. Il devrait produire 1,5 Mbpj dans un premier temps avec un objectif à 2 M bpj.

Le plus grand port de l’Arctique

Le projet prévoit aussi la construction d’un port, le Bukhta Sever Port. Cette installation deviendra le plus grand port pétrolier du pays et « favorisera le développement des exportations par la Route du Nord », indique l’analyste d’Intermodal. Un voyage par ce passage septentrional qui permettra de réduire de 20 jours les trafics avec les pays de la zone Asie-Pacifique par rapport au trajet par le canal de Suez. Un voyage qui permettra une meilleure flexibilité pour les exportateurs russes à destination des marchés asiatiques avec malgré tout une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Si les scientifiques estiment que cette route sera sans glace à partir de l’été 2035, leurs prévisions ne sont pas assurées.

« Sur un moyen terme et pour les cinq prochaines années, le marché du pétrole va demeurer extrêmement volatil. La Russie devra s’aligner sur le marché de l’énergie et les relations avec les acheteurs asiatiques devront encore se confirmer », conclu l’analyste d’Intermodal.