Déconstruction de navires : une peine de prison contre un armateur
La cour Suprême norvégienne a condamné à une peine de prison de six mois un armateur pour avoir envoyé son navire à la déconstruction dans un chantier pakistanais.
En mars, la cour d’Appel de Norvège a condamné en mars l’armateur Georg Eide de complicité pour une tentative d’exporter le Harrier, navire en fin de vie, pour y être déconstruit au Pakistan. Après un premier appel qui a confirmé la décision de justice de première instance, l’armateur a engagé un pourvoi en cassation qui a été rejeté par la cour Suprême de Norvège. Une décision de justice qui pourrait faire des émules dans d’autres pays. Les juges norvégiens ont estimé qu’un armateur qui vend directement un navire pour être déconstruit sur les plages du sud-est asiatique ou passe par un courtier « n’affecte pas le degré de la punition », indique dans un communiqué l’organisation Shipbreaking Platform.
Toutes les parties impliquées sont condamnées
Les attendus du jugement dénoncent aussi toutes les parties impliquées dans la vente et le transport du navire dès lors qu’elles avaient connaissance du but de cette cession. « Elles étaient toutes au courant qu’il est illégal de déconstruire un navire en Asie du sud. Elles ont assisté l’acheteur, Wirana, dans sa fausse déclaration de travaux à Dubaï.
La déconstruction, une option pour l’armateur
Les faits de cette affaire remontant à 2015.Le Eide Carrier était à l’ancre depuis une dizaine d’années. Le groupe Eide connaissait à cette époque des difficultés financières. Leur banque, Nordea, a incite l’armement à se défaire de ses actifs les moins rentables. Plusieurs options ont été évoquées avec la banque, notamment la vente en vue de la déconstruction du navire. Le courtier Fearnley a été chargé de trouver une solution. Il a proposé de vendre le navire à un courtier en charge de la déconstruction des navires, la société Wirana. Le navire a été vendu pour 5 M$ à l’été 2015. Dans un courriel du 22 juin 2015, Keyur Dave de la société Wirana a indiqué au courtier Fearnley qu’en “raison des activistes écologiques, le navire ne doit JAMAIS être déclaré en partance pour un chantier de déconstruction depuis sa position actuelle ». Un courrier qui atteste du degré d’implication de chacune de ces parties.
Changements de nom et de pavillon
Le navire est demeuré en Norvège jusqu’en février 2017. À cette époque, il est devenu le Tide Carrier. Le navire est passé sous pavillon des Comores. Il a été armé avec un équipage recruté pour être acheminé vers Dubaï pour des réparations en vue d’une réutilisation, selon les différentes sociétés impliquées. Derrière cette déclaration, Georg Eide, la société Wirana et le courtier Fearnley ont voulu contourner l’autorité environnementale norvégienne. Le navire n’a pas été loin puisqu’il a rencontré des défaillances moteur au large des côtes norvégiennes. Les autorités locales ont arrêté le navire et ont trouvé à bord un certificat d’assurance, délivré par Skuld indiquant que le navire « réalise son dernier voyage pour être déconstruit au Pakistan. »
Des certificats pour passer le canal de Suez
Face à ces impondérables, le navire a changé une nouvelle fois de nom pour s’appeler Harrier et arboré le pavillon de Palau. À cet instant intervient la société Aqualis Offshore, comme inspecteur. Elle délivre deux certificats. Le premier est destiné au voyage vers le Pakistan et le second, qui doit être remis aux autorités du canal de Suez, indique que le navire se rend à Dubaï pour des travaux. Dans un courriel repris par la cour Suprême, Aqualis averti le propriétaire du navire : « Un second certificat attestant que le navire se rend à Dubaï pour des travaux doit aussi être émis. Il doit être présenté aux autorités du canal de Suez, s’ils entendent parler d’une déconstruction du navire, les choses pourraient se compliquer ».
Des amendes pour l’un, le classement pour l’autre
La société Wirana a été condamnée à une amende de 7 M NOK (673 425 €) pour avoir falsifié des documents. La société a accepté de payer l’amende mais ne reconnaît pas avoir mal agit. Aqualis et Skuld ont fait l’objet d’enquêtes. Le procureur a classé les plaintes contre Aqualis, “sans apporter de raisons”, souligne le communiqué de presse de Shipbreaking Platform. Si l’affaire en Norvège ouvre la porte aux actions menées depuis des années par l’ONG, d’autres cas sont actuellement pendants devant les juges allemands, britanniques et néerlandais. Shipbreaking Platform agit contre l’envoi de navires européens vers les chantiers de déconstruction du sud-est asiatique. L’ONG plaide pour la création d’une filière européenne et des mesures contraignantes.