Le marché de la logistique automobile dans un virage en épingle à cheveu
Le marché automobile a connu un pic d’activité en 2017 avec plus de 92 millions de véhicules produits dans le monde. Depuis lors, les crises se sont succédé. En 2020, la production s’est élevée à environ 75 millions d’unités. En 2021 et 2022, la tendance s’inscrit à la hausse.
Dans son analyse de marché, PWC estime la perte de production à 4,2 millions d’unités. Trois principaux facteurs ont touché le secteur. En premier lieu, la crise des semi-conducteurs et le manque de matières premières ont entraîné la perte de 2,4 millions de voitures dans le monde. Ensuite, les effets des confinements liés au Covid ont fait baisser la production de 1,4 millions d’unités. Enfin, la production de 310 000 véhicules manque en raison du conflit entre l’Ukraine et la Russie.
Les semi-conducteurs ont réduit la production de 2,2 M d’unités
L’impact du manque de semi-conducteur demeure donc la principale cause de la baisse de la production dans le monde. Selon PWC, depuis le début de l’année, les fermetures d’usine liées à la pénurie de ces pièces ont réduit la production de 2,2 M d’unités. Uniquement pour le troisième trimestre, ce sont 376 000 véhicules produits en moins dans le monde. La principale région touchée a été l’Europe avec 130 000 véhicules en moins et l’Amérique du Nord avec 120 000 véhicules en moins.
Une crise qui va durer en 2023
« Même si les chiffres du manque de production se réduisent chaque trimestre, cette crise devrait durer en 2023 », a indiqué Steven Van Arsdale, directeur des analyses du marché automobile de PWC, lors de sa présentation pendant l’assemblée générale de ECG (European Car Group). Quant aux matières premières, si les prix se stabilisent sur les dernières semaines, le coût de l’énergie plonge le secteur dans l’incertitude. Le prix des coils a beaucoup perdu de sa valeur. Quant à l’aluminium, si le marché a baissé en 2022, le directeur de PWC estime que la tonne devrait rester à des niveaux de 2 100$/t.
Cadencer la logistique
Les évolutions de ce marché de la construction automobile ne sont pas en adéquation avec la logistique. Les perturbations logistiques ont fait grossir le carnet de commandes. Il faut atteindre plusieurs mois avant de pouvoir disposer d’un véhicule neuf. Et PWC de rappeler que ce délai atteint aujourd’hui 6,5 mois en Allemagne. « Ce carnet de commande peut jouer un effet de tampon avec la baisse de la demande mais, les logisticiens automobiles doivent se préparer à un scénario cadencé pour éviter des effets trop brutaux de ce tampon », continue Steven Van Arsdale.
Le virage vers l’électrique
Ces différents éléments interviennent dans un contexte de révolution dans le secteur automobile avec le passage de la propulsion thermique à l’électrique. En 2025, la production mondiale de voitures devrait s’établir à 92 millions d’unités. Le nombre de voitures électriques produites dans le monde devrait atteindre 20% de part de marché soit 14 points de plus que ce qu’en 2020. Dans le même temps, la part de production de véhicules thermiques sera de 52%, contre 87% en 2020. Et cette différence, continue le directeur de PWC, sera encore plus criante pour le marché européen. La part des véhicules électriques à batterie atteindra 26% contre 35% pour les véhicules thermiques.
En Europe, 1,1 M de voitures électriques produites
En 2021, la part des véhicules non électriques demeure largement majoritaire avec 94% du marché dans le monde. Les véhicules à batteries ne représentent que 6% du marché. Deux marchés émergent dans cette tendance de transformation : l’Europe produit 8% de véhicules à batteries soit 1,1 millions de véhicules produits. En Chine, la proportion de véhicules électriques produit atteint 12% soit 2,8 millions d’unités.
La part de l’électrique atteindra 59% en 2035
Les différents scénarios prévus par PWC estiment, qu’en 2035, il sera produit 112,3 millions de véhicules dans le monde. La part de marché des véhicules à batterie atteindra 59%, soit 66,2 millions de véhicules. L’Europe produira 17,3% de ce volume avec 19,5 millions de véhicules. Sur le vieux continent, 93% de la production automobile sera consacrée aux véhicules électriques, soit 1,8 millions d’automobiles. En Chine, la production automobile devrait atteindre 38,9 millions d’unités dont 73% sera composée de modèles électriques, soit 28,4 millions de véhicules.
Le poids de la Chine grandissant
Les perspectives de développement du marché automobile démontrent que le poids de la Chine sera grandissant dans les prochaines années. En 2020, la Chine a produit 45 000 véhicules. En 2022, elle devrait en produire 395 000 dont 38% le sont par des constructeurs chinois. En 2025, PWC estime que la production chinoise atteindra 792 000 unités dont 51% par des Chinois, 42% par des Européens, le solde par des constructeurs venant d’autres continents.
La production de véhicule en Chine pour l’Europe multipliée par huit
Et cette production n’est pas uniquement destinée au marché local chinois. Ainsi, Tesla prévoit de vendre, en Europe, 139 000 véhicules qui auront été construits en Chine. Les constructeurs européens utilisent la production chinoise comme un hub pour alimenter les marchés mondiaux, notamment pour les véhicules électriques. Ainsi, 35 000 unités produites en Chine par des Européens sont partis vers l’Europe en 2021. En 2025, ce chiffre atteindra 284 000 selon PWC, soit huit fois plus. En 2030, la part de marché des véhicules produits en Chine et vendue sur le marché européen atteindra 5,1% estime le consultant.
Les nouveaux paradigmes de la logistique
Ce virage dans la production et le sourcing des véhicules aura des effets lourds sur tous les maillons de la chaîne logistique. D’une part, l’acheminement de véhicules depuis l’Extrême-Orient vers l’Europe nécessitera des capacités maritimes étendues. De plus, il faut déjà prévoir, à un terme de cinq ans, d’augmenter les capacités de réception dans les ports. Enfin, les dessertes terrestres devront s’adapter à ces nouveaux paradigmes.