Corridors et logistique

Vracs secs : le marché se contracte et les résultats financiers restent au vert

Le marché maritime des vracs secs devrait se contracter de 1,6% en 2022 en tonnes et de 0,5% en tonnes-miles, selon les dernières prévisions. Un marché en baisse qui n’a pas touché les résultats des armateurs sur les neuf premiers mois de l’année. Ils affichent toujours des résultats financiers en hausse. Les prochaines semaines ne devraient pas changer la donne sauf pour les marchés des « petits vracs ».

Après un début d’année en fanfare, le troisième trimestre laisse apparaître les premières difficultés dans le marché des vracs secs. Dans son rapport trimestriel, Star Bulk donne les premières estimations du trafic des principaux vracs. Ainsi, il cite les données publiées par Clarkson Research Service qui estime qu’en 2022, le trafic des vracs secs sera de 5 384 Mt. Des volumes qui placeront le marché des vracs avec une baisse de 1,6%. La même tendance sera observée en tonnes-miles, qui mesurent les flux. L’organisation britannique prévoit une baisse de 0,5% de ces flux.

Retrouver les niveaux de 2018

Le marché des vracs secs en 2022 devrait se retrouver au même niveau que 2018 qui a enregistré un trafic de 5 335 Mt, continue Clarkson Research Service. Dans le détail, les dernières prévisions publiées montrent que la principale baisse de trafic sera à mettre au passif des trafics céréaliers. Avec 515 Mt, les volumes de céréales transportés en 2022 accuseront un repli de 2,5% en 2022 par rapport à 2021. Néanmoins, à comparer ces chiffres avec ceux des années précédentes, le trafic de céréales restera dans les niveaux élevés sur les six dernières années.

Minerai de fer : la dépendance à la Chine

Plus précisément, les trafics de minerai de fer afficheront une baisse de 2,2% en 2022 à 1 484 Mt. Une diminution qui tient principalement à la production chinoise. En effet, elle se réduit de 3% dans l’Empire du milieu et, plus généralement, de 5% dans le monde. « Au cours des derniers mois, indique le rapport trimestriel de Star Bulk, la production d’acier en Chine montre des signes de reprise d’autant que la production nationale de minerai baisse et que les stocks sont au plus bas. Des indicateurs positifs pour une reprise des importations. »

Charbon : un retour en grâce avec la hausse du prix du gaz

Quant aux trafics de charbon, ils profitent d’une hausse importante des prix du gaz ces dernières semaines. Néanmoins, selon les prévisions de Clarkson Research Services, les volumes de charbon traités dans le monde devraient afficher une baisse de 0,4% à 1 227 Mt. La baisse importante de 2020 a été largement rattrapée. Ce retour en grâce du charbon tient d’une part à la position des Européens qui diversifient les provenances pour remplacer le charbon russe par des origines plus éloignées. Dans ce contexte, la demande en tonnes-miles augmente. De plus, si la Chine et l’Inde augmentent de façon importante leur production de charbon, la demande en électricité croît proportionnellement. La hausse de la production ne peut compenser la progression de la demande.

Céréales : les corridors humanitaires en Ukraine maintiennent les flux

Du côté des céréales, le troisième trimestre a enregistré une croissance dans les volumes exportés, notamment grâce aux exportations brésiliennes de maïs. Encore, l’ouverture des corridors maritimes humanitaires depuis les ports ukrainiens en août a permis de donner une nouvelle dynamique à ces flux. Des trafics de produits agroalimentaires qui pourraient encore augmenter avec des quantités importantes de soja mises sur le marché par les États-Unis et des récoltes records prévues au Brésil.

Petits vracs : l’acier a manqué en Atlantique

Enfin, du côté des « petits vracs » les variations dépendent en grande partie des évolutions du PIB des pays. Ainsi, si l’acier connaît des baisses de volume sur le bassin Atlantique, les marchés des rives du Pacifique en profitent. D’autre part, la bauxite connaît un regain d’intérêt depuis le début d’année avec une progression de 15%, ce qui permet au marché des Capesizes de disposer de ressources pour maintenir les taux de fret à un niveau élevé.

La ruée vers les chantiers navals n’a pas eu lieu

Les éléments ci-dessus donnent un aperçu rapide du côté de la demande. Ils démontrent que la baisse attendue en 2022 reste dans les limites du raisonnable. Du côté de l’offre, le monde du transport maritime des vracs secs demeure dans un marché profitable pour les armateurs. La croissance des derniers mois n’a pas entraîné, comme au début des années 2000, une augmentation importante de construction de navires neufs. Bien au contraire, le marché ne devrait pas connaître une progression de plus de 2,6% au cours des trois prochaines années.

Une hausse de l’offre de 66,8 Mtpl

En effet, le carnet de commandes des chantiers navals prévoit l’entrée sur le marché de 66,8 Mtpl dans les prochaines années. Pour ce marché, cette augmentation de la flotte se situe dans les niveaux bas. Plusieurs raisons expliquent la timidité des opérateurs à commander de nouveaux navires. D’une part, l’entrée en vigueur de nouvelles règlementations internationales sur les normes environnementales impliquent un attentisme aux nouvelles innovations. D’autre part, ces normes ont des coûts induits sur le prix de ces nouveaux navires que les armateurs ne veulent pas toujours engager compte tenu des prévisions de marché. Enfin, les chantiers ne disposent pas forcément de disponibilité sur un court ou moyen terme.

Les armateurs affichent des résultats financiers en hausse

Alors, malgré une demande qui tousse et une offre qui s’étouffe, les armateurs de vracs secs ont pu annoncer des résultats en progression. Pour les quatre armements publiant leurs résultats, le chiffre d’affaires affiche une progression entre 66% et 12%. Ces différences tiennent principalement aux types de navires dont disposent les armateurs. Norden Shipping, opérant dans le marché des Supramax, a vu la demande se contracter de façon importante dans ce secteur. Ainsi, le Time Charter Equivalent (TCE) enregistre une baisse de 42%.

Une hausse des TCE pour les Supramax

Dans la même veine, Genco Shipping and Trading, opérant principalement dans le marché des Supramax et des Capesize avec 44 navires a vu son chiffre d’affaires progresser de 12,7% à 409,9 M$. Dans le même temps, le Time Charter Equivalent de ses navires affiche une hausse de 22,5% à 25 425 $ par jour. Une hausse tirée par son implication dans le marché des Capesizes.

L’Ebitda des armateurs en forte progression

Ces augmentations de chiffre d’affaires et du TCE, à l’exception de Norden Shipping, se répercutent aussi sur les résultats opérationnels des différents armements. L’Ebitda des armateurs affichent aussi des progressions importantes allant parfois jusqu’à 180% d’une année sur l’autre. Une augmentation qui tient à la hausse des taux de fret dans le courant du premier semestre.

Des prévisions optimistes sur la fin de l’année

Les prévisions pour la fin de l’année restent relativement optimistes pour les différents armateurs. D’une part, les trafics des principaux vracs secs devraient se maintenir aux niveaux actuels avec des prévisions notamment sur le charbon et les minerais vers la Chine, dont les stocks sont au plus bas. Quant aux céréales, le maintien des corridors humanitaires devrait permettre aux Panamax de conserver leur niveau d’activité. Enfin, la seule incertitude demeure sur les « petits vracs », dépendant en large partie des évolutions des PIB des pays. Si l’inflation en Europe de l’ouest se confirme dans les prochaines semaines, ces filières pourraient accuser un recul et affecter les opérateurs dans les Supramax et les Handysize.