Rapport du Mica Center : une baisse des actes de piraterie
Le rapport du Mica Center pour l’année 2022 fait ressortir une baisse des actes de piraterie, a expliqué le ministère des armées dans son point presse hebdomadaire du 25 janvier. L’analyse par région montre que chacune doit encore être mise sous surveillance pour éradiquer les trafics et les actes de piraterie et de brigandage demeurant.
Dans son rapport pour 2022, le Mica Center rapporte que le nombre d’actes de piraterie et de brigandage a baissé pour la seconde année consécutive. En effet, le nombre répertorié d’actes s’établit à 300 incidents sur les mers du globe, soit une baisse de 5% d’une année sur l’autre. « Cette baisse est en particulier due à une diminution remarquable des actes de piraterie alors que les cas de brigandages sont stables voire en hausse dans certaines zones du monde », indique le rapport du Mica Center.
Golfe de Guinée : baisse de la piraterie
La région du golfe de Guinée demeure le point chaud de la planète. Même si le nombre d’actes de piraterie a baissé en 2022, la zone reste sous haute surveillance en raison des risques liées à la pêche illégale, la pollution marine et le trafic de drogue. Concernant ce dernier trafic, la saisie de 4,6 t de drogue sur un navire démontre la place majeure que joue cette région dans ce trafic. Plus particulièrement sur la piraterie, le nombre d’actes dans la région a baissé pour totaliser huit actes répertoriés.
Une baisse liée à la présence des marines nationales
Dans son analyse de la situation, le Lieutenant de Vaisseau Le Bars explique que ces actes changent. Ils sont désormais des vols de cargaison sur des navires, notamment pétroliers. Pour le représentant du ministère, la baisse de ces actes tient en partie aux actions des marines locales, aux actions de coopération avec les marines de différents pays, et, enfin, à l’application des Best Management Practice. Pour le Mica Center, plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance (politiques, sécuritaires, environnementaux), « sans qu’il soit pour autant possible de déterminer l’impact de chacun d’entre eux », continue le rapport.
Le brigandage marque le pas
Quant au brigandage, à savoir les actes contre des navires au mouillage, « ils marquent le pas », souligne le LV Le Bars. En 2022, dans la région du golfe de Guinée, le nombre d’actes de brigandage s’est élevé à 24, soit un de plus que l’année précédente. Dans son analyse de la situation, Katja L. Jacobsen, chercheuse à l’université de Copenhague, préviens que l’évolution de la piraterie ne signifie pas la fin de ces actes. « En effet, au cours de l’histoire récente de la piraterie dans le golfe de Guinée, nous avons constaté à deux reprises que la piraterie a diminué, pour revenir ensuite sous une nouvelle forme. La « piraterie insurrectionnelle », motivée par des raisons politiques, a pris fin vers 2010. Elle a été suivie par l’émergence de la « piraterie pétrolière », motivée par les gains financiers résultant du pompage du combustible transporté par les navires pour le revendre. Ce type de piraterie a presque disparu vers 2016. Des cas de plus en plus nombreux de piraterie avec enlèvement contre rançon ont suivi depuis 2016 jusqu’au dernier incident du Tonsberg. »
Pollution marine : le règlement des fuites du pipeline de Shell
Enfin, la pollution constitue aussi un élément important des perturbations de cette région. La pollution liée à des fuites d’un pipeline de Shell en 2008 a été réglée en fin d’année. Cette pollution s’est déversée dans plusieurs villages du Nigéria. Après des années de procédure judiciaire, les tribunaux ont condamné le groupe Shell. Le groupe britannique a finalement indemnisé les villageois en décembre.
Caraïbes : surtout des actes de brigandage
Dans la région de l’Amérique du Sud et des Caraïbes, les actes à l’encontre des navires est en baisse passant de 131 en 2021 à 121 en 2022. Ils sont principalement du brigandage à l’encontre des navires de plaisance au mouillage dans la zone. De plus, les trafics de drogue depuis la côte Est de l’Amérique du Sud (du Chili à l’Équateur) font de cette région une zone à risques.
La menace liée à l’exploitation pétrolière
Néanmoins, l’évolution de la situation économique de pays comme le Guyana, le Suriname et le Brésil pourrait induire un nouveau risque sécuritaire, rappelle le rapport du Mica Center. En effet, les découvertes de pétrole dans ces pays et l’entrée en service de plateformes pétrolières, « les compagnies chargées de leur exploitation devront certainement faire face à des risques multiples. En effet, l’activité pétrolière en mer va généralement de pair avec une dégradation de l’environnement sécuritaire, particulièrement dans les régions les plus instables », continue le rapport.
Le conflit terrestre au Yémen se décline en mer
Pour sa part, dans l’océan Indien, tous les types d’actes (piraterie, brigandage, trafics de drogue, d’humains, d’armes et menaces de drones) y sont présents. La région est actuellement secouée par le conflit au Yémen qui tend à s’étendre en mer. « À la suite de la fin de la trêve en octobre 2022, le risque d’attaque par drones houthis des navires pétroliers s’est accru, en particulier dans les ports du sud du Yémen », note le rapport du Mica. D’octobre à novembre, quatre navires transportant du pétrole ont été la cible d’attaques par des drones. De plus, de nouvelles menaces se font jour avec notamment des cyberattaques, dont une a visé le port indien de Jawaharlal Nehru Port Trust.
Le brigandage en Asie dénote l’inefficacité des politiques locales
Enfin, dans la région asiatique, la piraterie maritime et le terrorisme maritime sont globalement des phénomènes devenus inexistants dans l’ensemble de la région. Cependant, « le brigandage en mer y demeure la menace la plus commune portant sur l’industrie maritime », indique le rapport du Mica Center. En nombre, les actes ont légèrement augmenté passant de 86 dénombrés en 2021 à 90 en 2022. Pour les responsables du Mica Center, « cela dénote soit un manque d’efficacité des politiques mises en place par les États riverains, soit une forme d’opportunisme conduisant des populations locales, affectées par des difficultés économiques, à commettre des actes envers des cibles parfois faciles, par effet d’aubaine. »
Le détroit de Singapour : les vraquiers pour cible
En Asie du Sud-est, le détroit de Singapour constitue un point important de surveillance. Au cours de l’année passée, ce sont plus de 50 actes réalisés dans ce détroit, « avec une forte augmentation du nombre d’incidents dans l’ouest du détroit, en particulier dans le Phillip Channel. De rares succès sont malgré tout à noter. En effet, le nombre d’arrestations a augmenté en fin d’année à Batam. Ils n’expliquent pas la nouvelle répartition géographique observée cette année. De plus, les navires vraquiers constituent la cible principale des brigands, comptant pour la moitié des actes réalisés. Ces attaques s’accompagnent rarement de violence et ciblent les pièces de rechanges ou consommables divers », continue le rapport.
Europe : après les flux migratoires, l’Ukraine
Pour finir ce tour du monde des risques maritimes, l’Europe est devenue une zone à risque avec notamment le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Une situation qui est venue s’ajouter aux problématiques migratoires qui affectent les activités en Manche, mer du nord et Méditerranée.
La menace des mines en mer Noire
Le déclenchement de la guerre en Ukraine a eu un impact majeur sur le trafic maritime en mer Noire et en particulier des conséquences directes sur la sûreté des marins. Entre la rétention de navires et de leurs équipages à quai dans les ports maritimes ukrainiens, les attaques directes ou méprises sur certains navires marchands ou encore l’exposition à la menace mines, la mer Noire est subitement devenue un point d’attention majeur pour le trafic commercial. Les problématiques liées à la menace mines sont prises en compte par CECMED (Commandement en Méditerranée) mais aussi par le Mica Center au gré des échanges avec les armateurs. À la suite des préoccupations exprimées par les armateurs français pour leurs équipages, des travaux de rédaction d’une fiche liée à cette menace particulière ont été initiés.
La destruction de Nord Stream comme révélateur des communications sous-marines
De plus, dans le nord de l’Europe, la destruction des gazoducs Nord Stream a déstabilisé le monde maritime. « Si cette menace n’affecte pas directement la sûreté maritime, son impact potentiel sur la sécurité de la navigation ne doit pas être négligé. En sus des flux d’approvisionnement qu’il a mis en péril, cet incident a mis en exergue la vulnérabilité des lignes de communications et de ravitaillement sous-marines. Les efforts de protection et de surveillance de ces lignes immergées ne peuvent être le fruit de l’action des seules marines militaires. La coopération et le partage d’informations avec l’industrie maritime est dans ce cadre est primordiale ».